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18/01/2024 | FRANCE | N°22MA01861

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 18 janvier 2024, 22MA01861


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C..., épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2018 par lequel le maire de la commune de Mimet s'est opposé à la déclaration préalable de division foncière qu'elle a déposée en vue de créer un lot de lotissement à bâtir sur des parcelles cadastrées section AT n° 53, 58 et 64 situées au 7, La Clairisse par le Chemin du Vallon sur le territoire de la commune.



Par un jugement n° 1902788

du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.



Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2018 par lequel le maire de la commune de Mimet s'est opposé à la déclaration préalable de division foncière qu'elle a déposée en vue de créer un lot de lotissement à bâtir sur des parcelles cadastrées section AT n° 53, 58 et 64 situées au 7, La Clairisse par le Chemin du Vallon sur le territoire de la commune.

Par un jugement n° 1902788 du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juin 2022, et des mémoires enregistrés les 14 mars et 17 avril 2023, Mme A... C..., épouse B..., représentée par Me Conca, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mimet la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 31 octobre 2018 en litige est affecté d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été pris sur la base du dossier qu'elle a déposé, mais sur celui qu'a déposé son géomètre ;

- le premier motif de l'opposition à sa déclaration tiré du risque d'atteinte à la sécurité des occupants de la future construction et fondé sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le risque fort d'inondation n'est pas établi et qu'il est en réalité très faible ;

- le second motif de l'opposition à sa déclaration, tiré du classement des parcelles en cause en zone naturelle par le plan local d'urbanisme approuvé le 13 mars 2017, lequel est motivé par le risque d'inondation, est également entaché d'illégalité en raison de l'illégalité de ce classement, de même que le motif tiré de ce que les terrains d'assiette du projet sont grevés de l'emplacement réservé n° 26 pour la réalisation d'une zone tampon en raison de l'illégalité de cet emplacement réservé, dès lors que le risque fort d'inondation n'est pas établi et qu'il est en réalité très faible dès lors notamment qu'un bassin de rétention a été réalisé à l'emplacement réservé n° 24 situé Chemin du Puits à 200 mètres en amont de sa parcelle, dans le quartier de la Diote, prévu à cette fin par ledit plan local d'urbanisme ;

- le propriétaire de la parcelle grevée par l'emplacement réservé n° 24 a pu construire sur le reste de sa parcelle après la création de la zone tampon, et l'interdiction qui lui a été faite de construire résultant de la décision d'opposition litigieuse constitue une rupture d'égalité avec les autres administrés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 19 janvier 2023 et le 29 mars 2023, la commune de Mimet, représentée par Me Burtez-Doucede et Me Reboul, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme B... de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- le rejet litigieux aurait pu être fondé sur la non-conformité du projet avec l'emplacement réservé n° 26 et elle sollicite une substitution de motifs sur ce point.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Conca, représentant Mme B..., et celles de Me Jancowiak, représentant la commune de Mimet.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 octobre 2018, le maire de la commune de Mimet s'est opposé à la déclaration préalable déposée par Mme B... portant sur la division de l'unité foncière constituée par les parcelles lui appartenant, cadastrées section AT n° 53, 58 et 64, en vue de la création d'un lot à bâtir de 4 056 m², aux motifs, d'une part de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, en raison du risque très fort d'inondation auquel les parcelles sont exposées, et d'autre part, du classement de ces parcelles en zone naturelle N1, dans un thalweg, résultant également du caractère inondable de cette zone, lequel a justifié la création d'un emplacement réservé sur les parcelles cadastrées section AT n° 58 et 64 pour la réalisation d'une zone tampon. Mme B... relève appel du jugement du 28 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, si Mme A... C..., épouse B..., soutient que l'arrêté d'opposition à déclaration préalable en litige aurait été pris au vu du dossier déposé par son géomètre et non de celui qu'elle a déposé elle-même, elle ne l'établit pas alors que ledit arrêté vise la déclaration préalable qu'elle a présentée le 11 octobre 2016. Elle n'établit pas davantage, au demeurant, que ces dossiers n'auraient pas été identiques Dans ces conditions, ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

3. En deuxième lieu, et d'une part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. " Les risques d'atteinte à la sécurité publique qui, en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, justifient le refus d'un permis de construire ou son octroi sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : /1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; /4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. "

4. Enfin, aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués :/ 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques ; / 2° Des emplacements réservés aux installations d'intérêt général à créer ou à modifier (...) " Ces dispositions ont pour objet de permettre aux auteurs d'un document d'urbanisme de réserver certains emplacements à des voies et ouvrages publics, à des installations d'intérêt général ou à des espaces verts, le propriétaire concerné bénéficiant en contrepartie de cette servitude d'un droit de délaissement lui permettant d'exiger de la collectivité publique au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu'elle procède à son acquisition, faute de quoi les limitations au droit à construire et la réserve ne sont plus opposables. L'appréciation à laquelle se livrent les auteurs d'un plan local d'urbanisme lorsqu'ils décident de créer des emplacements réservés ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts, si elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ou si elle procède d'un détournement de pouvoir. En outre, l'intention d'une commune de réaliser un aménagement sur une parcelle suffit à justifier légalement son classement en tant qu'emplacement réservé sans qu'il soit besoin pour la commune de faire état d'un projet précisément défini. Enfin, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier l'opportunité du choix de la localisation d'un emplacement réservé par rapport à d'autres localisations possibles.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 1, l'opposition, par l'arrêté en litige, à la déclaration préalable déposée Mme C..., épouse B... résulte du risque d'inondation auquel sont exposées les parcelles en cause, aux motifs de la méconnaissance, à la fois, des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de celles des articles 1 et 2 du règlement de la zone naturelle N1 du plan local d'urbanisme de la commune approuvé le 13 mars 2017, ainsi que de l'article 22 du règlement général dudit plan, relatives aux parcelles qui, comme celles en cause appartenant à la requérante, sont en zone naturelle, celles-ci étant en outre grevées par un emplacement n° 26 réservé à l'aménagement d'une zone tampon destinée à faire face au risque d'inondation. Il ressort des pièces du dossier que la zone en cause a été classée en zone naturelle sur le fondement du 5° de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme, en raison précisément de ce risque d'inondation, du fait de l'écoulement des eaux de pluie sur cette zone en fond de thalweg, identifié par une étude réalisée en 2015 par le cabinet Aquabane sur l'ensemble du territoire communal, à la demande de la commune et jointe au plan local d'urbanisme. Il ressort de cette étude qu'elle a été réalisée sur le bassin versant du Vallat dit de D..., d'une surface de 111 hectares et que le débit centennal à l'exutoire de ce bassin versant a été estimé à 12 m3 par seconde. Cette étude relève l'existence de maisons particulièrement exposées dans le lit du thalweg, avec des " eaux de ruissellement du versant " qualifiées de " très importantes " qui " viennent accentuer le risque avec un transport solide régressif " et le terrain en litige y apparaît largement grevé par le lit mineur de ce thalweg, lequel présente un élargissement au droit du terrain, selon la cartographie établie par la commune, dénommée document graphique n° 3. La requérante produit à l'instance une étude datée du 16 janvier 2023, réalisée par un expert près la cour administrative d'appel de Marseille et la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qu'il appartient à la Cour de prendre en compte comme un élément d'information alors même qu'elle n'a pas été réalisée de manière contradictoire. Il ressort de cette étude qu'en se basant de façon plus fine sur le bassin versant au droit des parcelles en cause, d'une surface 25,8 hectares, le débit de crue, rapporté à cette surface, s'établit à 2,8 m3 par seconde et qu'un débit centennal estimé, suivant la pluviométrie, à 4,2 m3 par seconde pourrait être canalisé notamment par un fossé de forme trapézoïdale d'une largeur maximale de 10 mètres, lequel occuperait 11 % de la surface des parcelles appartenant à la requérante. Ainsi, cette étude confirme l'existence d'un important risque d'inondation par ruissellement. Ce risque était de nature à justifier, sans erreur manifeste d'appréciation, contrairement à ce que soutient Mme B..., le classement de ses parcelles en zone naturelle et qu'y soit créé un emplacement réservé en vue de la réalisation d'une zone tampon. Mme B... n'est donc pas fondée à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité du plan local d'urbanisme de Mimet en ce qu'il classe ses parcelles en zone naturelle et en ce qu'il crée l'emplacement réservé n° 26. Elle n'est pas d'avantage fondée à soutenir que le maire de Mimet aurait méconnu les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

6. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques au regard de la circonstance que d'autres constructions auraient été autorisées en zone urbaine à proximité de la zone en cause, certaines étant assorties de prescriptions, ne peut en tout état de cause qu'être écarté dès lors que le classement des parcelles de Mme B... en zone naturelle n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Mimet qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Mimet au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E

Article 1er : La requête de Mme C... épouse B... est rejetée.

Article 2 : Mme C... épouse B... versera à la commune de Mimet une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B... et à la commune de Mimet.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. E... de F..., vice-président,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 janvier 2024.

N° 22MA01861 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01861
Date de la décision : 18/01/2024

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU) - Légalité des plans - Légalité interne - Appréciations soumises à un contrôle d'erreur manifeste - Classement et délimitation des ones.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SCP BERENGER - BLANC - BURTEZ - DOUCEDE & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-18;22ma01861 ?
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