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12/01/2024 | FRANCE | N°23MA00748

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 12 janvier 2024, 23MA00748


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " recherche d'em

ploi ou création d'entreprise " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " recherche d'emploi ou création d'entreprise " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2210636 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 27 mars 2023 et 5 décembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. B... A..., représenté par Me Candon, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 14 septembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement de titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont insuffisamment motivé la réponse aux moyens tirés, d'une part, de ce qu'auraient été méconnues les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et, d'autre part, de ce que la menace à l'ordre public n'est pas constituée ;

- les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont été méconnues ;

- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est disproportionnée.

La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code pénal ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties le jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- et les observations de Me Candon pour M. A....

Une note en délibéré enregistrée le 22 décembre 2023 a été présentée pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 1er janvier 1995, de nationalité ivoirienne, est entré en France le 19 août 2018 sous couvert d'un visa en qualité d'étudiant. Il a été mis en possession de cartes de séjour temporaire portant la mention " étudiant " valables du 1er novembre 2018 au 31 octobre 2021. Ayant obtenu un diplôme d'ingénieur le 8 octobre 2021, M. A... a présenté, le 10 novembre 2021, une demande tendant au bénéfice d'une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " en application des dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 14 septembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à cette demande de titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... interjette appel du jugement du 16 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation dudit arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Si le requérant fait valoir que le jugement attaqué aurait insuffisamment motivé sa réponse aux moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et, d'autre part, de ce que sa présence en France ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le tribunal, dans ses points 3 et 5, a répondu de manière suffisamment motivée aux moyens dont il était saisi. Par suite, le moyen tiré de ce que ledit jugement serait entaché d'irrégularité doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait méconnu les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire d'une assurance maladie qui justifie soit avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 422-1, L. 422-2 ou L. 422-6 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret, soit avoir été titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent-chercheur " délivrée sur le fondement de l'article L. 421-14 et avoir achevé ses travaux de recherche, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : 1° Il entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur ; 2° Il justifie d'un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement correctionnel du tribunal judiciaire de Marseille du 26 mai 2020, M. A... a été condamné à une peine d'emprisonnement d'un an avec sursis probatoire d'une durée de deux ans pour les faits de harcèlement d'une personne sans incapacité commis du 1er septembre 2018 au 25 novembre 2019, vol commis début octobre 2019, et violation de domicile commis du 1er octobre 2019 au 25 novembre 2019. Le jugement correctionnel a relevé que le comportement de M. A... démontrait une volonté d'emprise sur sa victime et un refus d'entendre son absence de consentement à une relation affective particulièrement inquiétant. S'il ressort également desdites pièces que M. A... s'est acquitté de toutes les obligations mises à sa charge dans le cadre du sursis probatoire notamment en s'abstenant d'entrer en relation avec sa victime, de se rendre au domicile de cette dernière et en bénéficiant d'un suivi psychologique, et si, par suite, la condamnation était, en application des dispositions de l'article L. 132-52 du code pénal qui dispose que : " La condamnation assortie du sursis probatoire est réputée non avenue lorsque le condamné n'a pas fait l'objet d'une décision ordonnant l'exécution de la totalité de l'emprisonnement (...) " , devenue non avenue à la date de l'arrêté attaqué, les faits à l'origine de cette condamnation, bien qu'isolés, étaient graves et récents. Au regard de ces éléments et bien que l'intéressé ait, entre temps, obtenu un diplôme d'ingénieur en octobre 2021 et bénéficié d'un contrat de travail en qualité d'ingénieur en application informatique, le préfet des Bouches-du-Rhône, en estimant que sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., célibataire et sans enfant, est entré récemment en France, à l'âge de 23 ans après avoir passé la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine. Il ne se prévaut de la présence d'aucun membre de sa famille en France et ne conteste pas que les membres de sa fratrie résident dans son pays d'origine. Par ailleurs, si, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A... a obtenu un diplôme d'ingénieur et bénéficiait d'un contrat de travail à durée indéterminée, ces seules circonstances, sont, au regard des faits commis au cours des années 2018 et 2019, insuffisantes pour caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, seul applicable à la situation du requérant dès lors que l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée comportait un délai de départ volontaire : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

9. En fixant à un an la durée de l'interdiction de retour de l'intéressé sur le territoire français en tenant compte de l'entrée et des conditions de séjour, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de circonstances tenant à sa vie privée et familiale et des faits à l'origine de la condamnation pénale dont il a fait l'objet, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A... ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des frais d'instance doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 22 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 janvier 2024.

N° 23MA00748 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00748
Date de la décision : 12/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : CANDON

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-12;23ma00748 ?
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