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16/11/2023 | FRANCE | N°23MA00335

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 16 novembre 2023, 23MA00335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la qualité de vie à Valberg (AQ2V), le syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", M. C... F... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le maire de la commune de Péone a accordé à la SARL Loremag un permis de construire un programme résidentiel sur un terrain situé au lieu-dit " E... ", ensemble les décisions implicites portant rejet de leurs recours gracieux.

Par un jugement n° 2105498 du

8 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes.

Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la qualité de vie à Valberg (AQ2V), le syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", M. C... F... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le maire de la commune de Péone a accordé à la SARL Loremag un permis de construire un programme résidentiel sur un terrain situé au lieu-dit " E... ", ensemble les décisions implicites portant rejet de leurs recours gracieux.

Par un jugement n° 2105498 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 février, 14 juin et 30 juillet 2023, l'AQ2V, le syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", M. F... et M. B..., représentés par Me Busson, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 ;

3°) d'annuler les décisions implicites portant rejet de leurs recours gracieux ;

4°) de mettre à la charge in solidum de la commune de Péone et de la SARL Loremag une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'objet social de l'AQ2V lui confère intérêt à agir, son président ayant qualité pour la représenter ; l'immeuble " Le Sun Neige " est voisin immédiat et l'importance du projet entrainerait notamment une perte de vue, d'intimité et d'ensoleillement pour ses copropriétaires ; ceux-ci, dûment représentés par leur syndic ou agissant à titre individuel, ont ainsi également intérêt pour agir ;

- les notifications prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ont bien été effectuées ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 431-16 du code de l'urbanisme ainsi que des articles UB 7, UB 12 et UB 15 du plan local d'urbanisme et L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

- le projet méconnaît l'article UB 8 du plan local d'urbanisme, l'égout de toit en partie nord de la façade est du bâtiment B2 étant situé à 9,21 mètres du sol naturel ;

- le dossier de demande ne permet pas d'apprécier le respect de l'article UB 13 du plan local d'urbanisme dès lors qu'il ne comporte pas de précision sur le stationnement des vélos et des véhicules hybrides ou électriques ; un document établi postérieurement à la délivrance du permis ne peut à cet égard être pris en compte ;

- les dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme ne sont pas respectées ;

- le projet aurait dû être refusé en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme au regard du risque incendie dès lors que le point d'eau est situé à plus de 200 mètres de l'autre côté de la route départementale et que le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie n'est pas respecté ;

- le projet méconnaît l'article UB14 du plan local d'urbanisme et les articles R. 431-9 et R. 431-13 du code de l'urbanisme ; l'accès est prévu par un parc de stationnement public sur lequel un flux de circulation va être apporté et dont plusieurs places seront rendues inutilisables ; non seulement l'accord du gestionnaire est requis, mais le déclassement du parking aurait dû être effectué ; l'échange prévu avec la commune ne respecte pas les dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 juin et 11 septembre 2023, la commune de Péone, représentée par Me de Poulpiquet de Brescanvel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 7 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'objet social de l'association ne lui confère pas qualité à agir ;

- il n'est pas justifié que le projet serait de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance des biens des co-propriétaires de l'immeuble " Le Sun Neige " ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- la Cour pourra faire application des dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme et subsidiairement de celles de l'article L. 600-5-1 du même code.

Par des mémoires enregistrés les 9 juin, 12 juillet et 24 août 2023, la SARL Loremag, représentée par Me Governatori, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 8 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'objet social de l'association ne lui confère pas qualité à agir ; il n'est en outre pas justifié de la qualité de son représentant car le conseil d'administration qui l'a autorisé à agir n'a pas été valablement constitué ;

- il n'est pas justifié que le projet serait de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance des biens des co-propriétaires de l'immeuble " Le Sun Neige ", dont MM. F... et B... ; la qualité du syndic pour représenter les co-propriétaires n'est pas justifiée ;

- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;

- la Cour pourra faire application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme.

Par lettre du 18 octobre 2023, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l'application éventuelle de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Des observations ont été enregistrées pour la commune de Péone et la SARL Loremag le 24 octobre 2023, et pour les requérants le 25 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2003-1169 du 2 décembre 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Busson, représentant les requérants, et de Me Lefèbvre, représentant la SARL Loremag.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 23 avril 2021, le maire de la commune de Péone a délivré à la SARL Loremag un permis de construire un programme résidentiel, composé de " gros chalets d'appartements collectifs et de chalets individuels ", créant 103 logements sur un terrain situé lieu-dit " E... " dans la station de ski de Valberg, cadastré section AD n° 11, 12, 15, 18, 19, 21, 22 et 23, pour une surface de plancher créée de 7 075 m². L'association pour la qualité de vie à Valberg (AQ2V), le syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", M. F... et M. B... relèvent appel du jugement du 8 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté, ensemble les décisions portant rejet de leurs recours gracieux.

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance et à la requête d'appel :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. En premier lieu, il ressort des statuts de l'association AQ2V, régulièrement déclarée, d'une part, qu'elle a notamment pour objet " d'agir pour la sauvegarde de l'intérêt collectif dans le domaine de l'environnement, de l'aménagement harmonieux et équilibré du territoire et de l'urbanisme " " sur le territoire de la station de Valberg " et, d'autre part, que son conseil d'administration a compétence pour " décider d'ester devant les juridictions et mandater à cette fin le président ". Dès lors que le projet autorisé prévoit la création de 103 logements et 7 075 m² de surface de plancher sur des parcelles qui sont aujourd'hui vierges de toute construction au centre de la station de Valberg, il ne saurait être sérieusement contesté qu'il est susceptible de modifier de façon conséquente le cadre de vie, l'aménagement et l'équilibre de celle-ci, de telle sorte que l'objet de l'association lui confère intérêt à demander l'annulation du permis litigieux. Par ailleurs, lors de ses réunions des 20 septembre 2021 et 5 janvier 2023, le conseil d'administration a donné autorisation à son président pour ester en justice devant toutes juridictions afin d'obtenir l'annulation du permis de construire en litige. En outre, si le juge doit s'assurer de la réalité de l'habilitation du représentant de l'association qui l'a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée. La circonstance que le conseil d'administration de l'association requérante qui a autorisé son président à ester en justice aurait été irrégulièrement composé est dès lors sans influence sur la recevabilité de sa demande de première instance.

5. En second lieu, l'immeuble " Le Sun Neige " est voisin immédiat des parcelles d'assiette des constructions, certains appartements étant particulièrement orientés vers celles sur lesquelles seront implantés les immeubles collectifs. Eu égard aux caractéristiques du projet telles qu'elles viennent d'être rappelées, ses copropriétaires, tant MM. F... et B... à titre personnel, que leur ensemble organisé en syndicat, justifient d'un intérêt à agir. Par délibérations des 21 octobre 2021 et 27 juin 2023, l'assemblée générale des co-propriétaires a donné autorisation au syndic d'ester en justice devant toutes juridictions, et particulièrement de relever appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 8 décembre 2022, afin d'obtenir l'annulation du permis de construire en litige. La circonstance que la première de ces autorisations a été donnée postérieurement à l'introduction de la demande de première instance est sans influence sur la recevabilité de celle-ci, la régularisation de la requête pouvant à cet égard intervenir jusqu'à la clôture de l'instruction.

6. Il résulte de tout ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées en défense doivent être écartées.

Sur le bien-fondé du permis de construire :

7. En premier lieu, si, dans leurs premières écritures, les requérants indiquaient qu'ils développeraient ultérieurement leurs moyens dans un nouveau mémoire, aucun complément n'a été par la suite apporté sur les méconnaissances alléguées des articles R. 431-16 du code de l'urbanisme, UB 7, UB 12 et UB 15 du plan local d'urbanisme et L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales. Ces moyens ne sont dès lors pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et doivent être écartés.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme applicable en zone de montagne : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, (...) ". Aux termes de l'article L. 122-5 du même code : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, (...) ". Aux termes de l'article L. 172-1 du code de l'urbanisme : " Les directives territoriales d'aménagement approuvées avant le 13 juillet 2010 restent en vigueur. / Elles sont soumises aux dispositions des articles L. 172-2 à L. 172-5. ". Aux termes de l'article L. 172-2 du même code : " Les dispositions des directives territoriales d'aménagement qui précisent les modalités d'application des dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues aux chapitres Ier et II du titre II du présent livre s'appliquent aux personnes et opérations qui y sont mentionnées. ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet aux dispositions du code de l'urbanisme particulières à la montagne, le cas échéant au regard des prescriptions d'une directive territoriale d'aménagement demeurée en vigueur qui sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions des articles L. 122-1 et suivants du même code.

10. Il est constant que la commune de Péone est concernée par la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes approuvée par décret du 2 décembre 2003. Cette directive précise pour l'application de la loi montagne, pour les communes classées dans le secteur du " haut pays ", en son article III. 234, que " La forme urbaine ou l'inscription dans le site sont des éléments déterminants pour l'identification des bourgs, villages, hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants ainsi que pour l'appréciation des possibilités d'extension en continuité. ", puis que " la continuité de l'urbanisation implique la proximité visuelle mais non la contiguïté des espaces bâtis. L'urbanisation en continuité peut intégrer des espaces non bâtis de faible dimension à l'échelle de l'unité urbaine considérée (...) ; ", que " les limites de la continuité sont établies à partir des protections existantes et des critères suivants : / critères physiques liés au terrain : reliefs, secteur de forte déclivité, cours d'eau, vallons... ; / critères résultant de l'analyse du paysage et notamment : / l'intérêt propre des paysages : protection des socles de villages, des secteurs à fort impact visuel, préservation des vues ; / l'impact qu'aurait l'urbanisation sur la structure du paysage et l'équilibre entre les espace bâtis et les espaces naturels ; " et que " lorsqu'il existe à proximité des bourgs, villages, hameaux (...) des espaces partiellement urbanisés, leur urbanisation pourra être renforcée. Ce renforcement pourra permettre de favoriser la continuité avec ces pôles bâtis, (...) ". Ces prescriptions sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme relatives à la montagne.

11. En l'espèce, les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune de Péone ont classé les parcelles d'implantation du projet en zone UBb et UD et ont défini une orientation d'aménagement et de programmation pour ce secteur, afin d'y permettre des opérations en lien avec l'accueil touristique, une résidence de tourisme et des logements. Il ressort des pièces du dossier que si ces parcelles s'ouvrent au sud et à l'ouest sur des espaces naturels, elles s'insèrent au nord, à l'est et au sud-est au sein du front bâti constituant la station de Valberg, qui constitue un village au sens des dispositions citées ci-dessus. Leur construction favorisera la continuité de ce front au centre de la station, présent de part et d'autre de la route départementale 28, en respectant la structure du paysage délimité au sud et à l'ouest par des espaces boisés que le projet n'atteindra pas, ainsi que par la route de Garibeuil. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'urbanisation des parcelles litigieuses ne s'inscrirait pas en continuité du village et ne respecterait pas les dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

13. Si les requérants soutiennent que le projet ne respecte pas le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie des Alpes-Maritimes, ce document relève d'une législation distincte du code de l'urbanisme et n'est pas directement opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier, alors qu'il n'est pas contesté que le service départemental d'incendie et de secours a rendu un avis favorable à la délivrance du permis litigieux, que le projet, eu égard à son emplacement par rapport aux points d'eau incendie, serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique. Le maire n'a dès lors pas commis d'erreur manifeste d'appréciation à cet égard.

14. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article UB 8 du règlement du PLU de la commune de Péone relatif à la hauteur des constructions : " (....) Secteur UBb : La hauteur des constructions, mesurée en tout point des façades du sol naturel ou excavé jusqu'à l'égout du toit ne pourra excéder 9 m (A...+3). Elle comprend la hauteur des combles mesurée depuis l'égout du toit jusqu'au sommet de la construction. Celle-ci ne pourra excéder 3 mètres (....) ".

15. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, les plans de coupes qui figurent au dossier délimitent, par un tracé en pointillé rouge la hauteur de 9 mètres mesurée à partir du terrain naturel, en deçà duquel sont présentés l'ensemble des égouts de toit de tous les bâtiments constituant le projet. Toutefois, s'agissant du bâtiment B2 qui concentre les critiques des requérants, il ressort des pièces du dossier, et particulièrement du plan de sa façade est, PC5.4.1, que les égouts du toit se situent à 1 676,47 mètres du nivellement général de la France. Si ce plan mentionne le niveau du sol, à 1 667,94 mètres du nivellement général de la France, à l'aplomb de l'égout du toit du côté sud du bâtiment, pour une hauteur de construction à cet endroit de 8,53 mètres, il ne donne pas d'indication précise s'agissant du niveau du sol à l'aplomb de l'égout du toit de son côté nord. Ce niveau paraît toutefois similaire à celui du côté sud du bâtiment B1 situé à proximité immédiate, soit 1 667,21 mètres du nivellement général de la France. Les courbes de niveau qui figurent sur le plan de toiture, PC5.4.3, confirment, d'une part, que le niveau du sol à l'aplomb de l'angle sud-est du bâtiment est plus haut que celui à l'aplomb de son angle nord-est et, d'autre part, que ce dernier est très proche de celui du cheminement piétons qui passe devant le bâtiment, de 1 667,19 mètres du nivellement général de la France. Il ressort ainsi de ces éléments que la hauteur du bâtiment à l'égout du toit est à cet endroit de l'ordre de 9,27 mètres, et par conséquent supérieure à la limite fixée par l'article UB 8 du règlement du plan local d'urbanisme. Le moyen tiré de la méconnaissance de cette disposition doit dès lors être accueilli.

16. En cinquième lieu, les dispositions de l'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme précisent que " L'ensemble des constructions autorisées dans la zone doivent disposer d'un nombre de places, d'une surface et de dispositifs minimums nécessaires pour les stationnements des vélos, véhicules hybrides et électriques conformément à la réglementation en vigueur. Pour le stationnement des véhicules hybrides, il est exigé 1 borne de rechargement ".

17. S'il ressort du plan " sous-sol -1 " que 20 % des places de stationnement seront équipées pour la recharge de véhicules électriques et hybrides et que six locaux d'emplacements vélos, d'une superficie totale de 104 m², sont prévus au niveau - 1 des constructions situées en zone UBb, il est constant que ce plan a été établi au cours du mois de novembre 2022, postérieurement à la délivrance du permis attaqué le 23 avril 2021. Il ne peut en conséquence être pris en compte pour apprécier la légalité de l'autorisation litigieuse. Dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le projet, tel que présenté à l'autorité municipale, comportait des éléments relatifs au stationnement des vélos et véhicules hybrides et électriques, les requérants sont fondés à soutenir que les dispositions de l'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme ont été méconnues.

18. En sixième lieu, aux termes du 3ème alinéa de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder. ". Aux termes de l'article R. 431-13 du même code : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. ". L'article UB14 du règlement du plan local d'urbanisme précise " Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée. ".

19. Ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, l'accès aux terrains est assuré par la route départementale 28, via un passage qui est aujourd'hui un parking public qui lui est attenant et en est séparé par un petit terre-plein. Il ne saurait dès lors être contesté que les terrains auront ainsi accès direct à une voie publique au sens de l'article UB14 cité ci-dessus, selon d'ailleurs les mêmes modalités que l'ensemble des riverains de ce côté de cette voie départementale et sans que rien ne permette de conclure qu'il en résulterait un risque pour la sécurité de la circulation publique. Il ressort par ailleurs de l'arrêté contesté lui-même, alors que le projet de construction ne porte pas sur une dépendance du domaine public, que les services compétents du département des Alpes-Maritimes ont rendu un avis favorable à celui-ci. Enfin, le passage en cause demeure affecté à l'usage direct du public et le département n'avait pas à procéder à un déclassement du domaine public. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UB14 du règlement du plan local d'urbanisme et des articles R. 431-9, R. 431-13 et R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

20. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / 1° Le versement de la taxe d'aménagement (...) / 2° Le versement des contributions aux dépenses d'équipements publics (...) / 3° La réalisation des équipements propres mentionnées à l'article L. 332-15 ; / 5° Le versement de la redevance d'archéologie préventive (...) ". Aux termes de l'article L. 332-15 du même code : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés ".

21. Il ressort des pièces du dossier qu'est prévue la cession au département d'une petite parcelle de terrain par le pétitionnaire pour la création de trois places de stationnement public en entrée de sa propriété, afin de rétablir les trois places qui devront être supprimées sur le parking public attenant pour créer l'accès des constructions litigieuses à la voie publique. Cette cession gratuite, dont il n'est pas même allégué qu'elle satisferait à un besoin du projet de construction et participerait à la réalisation d'un équipement propre nécessaire à sa réalisation, ne figure pas parmi les obligations auxquelles peuvent être tenus les bénéficiaires d'autorisations de construire en application de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme. Elle est par suite illégale.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

22. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

23. En dépit des vices dont le permis de construire litigieux est atteint, une mesure de régularisation n'impliquerait pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Le permis de construire contesté est donc susceptible d'être régularisé. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et d'impartir à la commune de Péone un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt afin de produire la mesure de régularisation nécessaire.

D É C I D E:

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de l'AQ2V, du syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", de M. F... et de M. B..., jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois, afin de permettre à la SARL Loremag et à la commune de Péone de régulariser les vices retenus par le présent arrêt aux points 15, 17 et 21.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la qualité de vie à Valberg, au syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", à M. C... F..., à M. D... B..., à la commune de Péone et à la SARL Loremag.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

-M. Portail, président,

-M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

-Mme Poullain, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023.

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N° 23MA00335


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