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16/11/2023 | FRANCE | N°22MA03144

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 16 novembre 2023, 22MA03144


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 mars 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2203393 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r

equête, enregistrée le 23 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Carmier, demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 mars 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2203393 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Carmier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, et subsidiairement de réexaminer sa demande sous autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence de son signataire ;

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation ;

- sa situation justifiait également que le préfet fasse usage de son pouvoir de régularisation par le travail ;

- son état de santé empêchait, en application du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, qu'elle fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

- la fixation du pays de destination méconnaît, pour les mêmes raisons, l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine née en 1989, relève appel du jugement du 27 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

2. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé par Mme D... C..., adjointe au chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile à la préfecture des Bouches-du-Rhône. En vertu d'un arrêté du 31 août 2021, dûment publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du 1er septembre 2021, le préfet lui avait donné délégation à l'effet de signer l'ensemble des actes relevant des attributions du bureau ainsi que tout document relatif à la procédure de délivrance de titre de séjour. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit dès lors être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 9 de l'accord entre Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". Aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ".

4. Alors même que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

5. En l'espèce, Mme B... est entrée en France à la fin de l'année 2019 sous couvert d'un visa de long séjour et a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, valable jusqu'au 31 octobre 2020. Elle justifie par les pièces versées au dossier avoir travaillé en qualité d'assistante de vie à domicile entre les mois de mars 2020 et de juillet 2021, durant une période particulièrement difficile en raison de l'épidémie de Covid 2019 et alors même qu'elle souffre d'une sclérose en plaques. Elle a donné à cet égard toute satisfaction à son employeur. Toutefois, ces circonstances ne peuvent être regardées comme constituant un motif exceptionnel de régularisation au regard du droit au séjour. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant de lui ouvrir le droit au séjour au titre du travail, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Ainsi qu'il a été exposé précédemment, Mme B... n'est présente en France que depuis la fin de l'année 2019 et elle s'est maintenue illégalement sur le territoire à l'expiration de son titre de séjour en octobre 2020. Si elle a effectivement travaillé sans relâche jusqu'en juillet 2021, elle est célibataire et sans enfant à charge. Elle ne se prévaut pas de liens sociaux particulièrement intenses en France, ni même n'allègue entretenir des relations étroites avec sa sœur qui y est présente. Elle n'est pas isolée dans son pays d'origine où réside le reste de sa famille et où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Le centre de sa vie privée et familiale n'est ainsi pas fixé en France de façon telle que les décisions litigieuses y porteraient une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme B... souffre de la sclérose en plaques. Elle produit à l'instance un certificat médical établi le 31 mars 2022 par lequel le praticien hospitalier qui la prend en charge atteste qu'elle est atteinte d'une forme agressive de la maladie ayant nécessité " l'introduction d'un traitement immunosuppresseur profond " " indispensable au contrôle de la maladie " et " d'accès très difficile dans le pays d'origine de la patiente ". Toutefois, en se bornant à produire ce document, la requérante n'établit pas qu'elle serait exposée à de graves conséquences médicales en cas de retour dans son pays d'origine. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier, au regard de cet élément et des considérations exposées ci-dessus au titre de la vie privée et familiale de la requérante, que le préfet aurait entaché ses décisions refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation et obligeant Mme B... à quitter le territoire d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précisent : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Ainsi qu'il a été énoncé au point 8, Mme B..., qui n'a au demeurant pas fait valoir ses difficultés de santé et n'a pas mis le préfet à même de recueillir l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration tel que prévu par l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, n'établit pas qu'elle risquerait, en cas de retour dans son pays d'origine, un défaut de prise en charge de son état de santé et des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile et la décision fixant le pays de destination en méconnaissance de celles de l'article L. 721-4 du même code et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doivent dès lors être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction et d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Carmier.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

-M. Portail, président,

-M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

-Mme Poullain, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023.

2

N° 22MA03144

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA03144
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : CARMIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-16;22ma03144 ?
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