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10/11/2023 | FRANCE | N°22MA02613

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 10 novembre 2023, 22MA02613


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Par un jugement n° 2201126 du 6 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2022, M. A

..., représenté par Me Kuhn-Massot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Par un jugement n° 2201126 du 6 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Kuhn-Massot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3-2 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation pour avoir considéré qu'il représente une menace pour l'ordre public ;

- il est entaché d'une erreur de fait pour avoir indiqué qu'il était entré irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il justifie d'une entrée avec visa délivré le 1er septembre 2016 ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 1-4 de l'accord franco-algérien.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fedi,

- et les observations de Me Kuhn-Massot, représentant M. A..., en présence de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 6 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résident en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; (...) ". Il résulte de ces stipulations que le respect de la condition qu'elles posent tenant à l'exercice même partiel de l'autorité parentale n'est pas subordonné à la vérification de l'effectivité de l'exercice de cette autorité.

3. Si l'accord franco-algérien ne subordonne pas la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien à la condition que l'intéressé ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ne prive toutefois pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est le père d'un enfant français né le 27 avril 2020 issu de son union avec une ressortissante française, qu'il a reconnu 21 octobre 2019 préalablement à sa naissance. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... n'exercerait pas l'autorité parentale sur son fils, de sorte qu'il peut prétendre à la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations de l'article 6 précité de l'accord franco-algérien, Toutefois, M. A... a été condamné le 10 janvier 2018 par le président du tribunal de grande instance de Marseille à cinq cents euros d'amende pour circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance le 23 novembre 2017, puis le 13 juillet 2018 par le tribunal correctionnel de Marseille à huit mois d'emprisonnement avec mandat de dépôt à l'audience pour acquisition et détention non autorisée d'arme,

munition ou de leurs éléments de catégorie B et transport sans motif légitime d'arme, munition ou de leurs éléments de catégorie B le 11 juillet 2018. Eu égard à la gravité de ces faits, qui sont encore récents à la date de l'arrêté en litige, le préfet a pu légalement décider de refuser de délivrer à M. A... le certificat de résidence sollicité au motif de la menace qu'il représente pour l'ordre public, et ce quand bien même M. A... était engagé dans une démarche d'insertion professionnelle en effectuant des missions intérimaires de déménagement ou de travaux de jardinage à compter du 25 août 2021.

5. Le requérant se prévaut de ce que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait pour avoir indiqué que " l'intéressé serait entré en France le 28 mai 2017 dans des circonstances indéterminées " alors qu'il est entré régulièrement sur le territoire. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré régulièrement sur le territoire le 20 septembre 2016 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de type C valable du 1er septembre 2016 au 25 février 2017 délivré en qualité de famille C..., et qu'il a bénéficié d'un titre de séjour valable du 13 octobre 2016 au 12 octobre 2017. Toutefois, le refus de délivrance de titre de séjour n'est pas fondé sur l'entrée irrégulière de M. A..., mais sur la menace à l'ordre public qu'il représente, de sorte que l'erreur qui entache l'arrêté constitue simplement une erreur de plume qui a été, en tout état de cause, sans influence sur le raisonnement du préfet et n'a pas été, dès lors, de nature à entacher l'arrêté d'illégalité.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... est entré sur le territoire le 20 septembre 2016 et a bénéficié d'un titre de séjour valable du 13 octobre 2016 au 12 octobre 2017. A la suite de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français lui a été opposé le 27 novembre 2017. Le 3 janvier 2019, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pour une durée de deux ans, et a été éloigné du territoire de manière forcée le 20 janvier 2019, sans que M. A... n'établisse à quelle date il est revenu sur le territoire. S'il se prévaut de sa vie commune avec la mère de son fils né le 27 avril 2020, les deux attestations de vie commune établies par sa compagne ont été rédigées le 16 juillet 2018, alors qu'il était incarcéré, et au mois de janvier 2019, alors qu'il a été éloigné de manière forcée du territoire à cette date.

L'avis d'impôt 2021 de l'intéressé libellé à l'adresse de sa compagne et la facture d'électricité du 16 novembre 2021 également libellée au nom de l'intéressé à l'adresse de sa compagne ne suffisent pas à elles seules à établir la réalité de la vie commune de l'intéressé avec la mère de son fils. Concernant les liens du requérant avec son fils, l'attestation d'un médecin généraliste établie le 13 juillet 2021 indiquant que l'intéressé a accompagné à plusieurs reprises son fils en consultation et présente un réel intérêt pour son enfant, et celle de la directrice de la crèche de son fils établie le 6 juillet 2021 indiquant que l'intéressé est présent dans la vie de son fils et qu'il vient régulièrement le chercher, sont récentes à la date de l'arrêté en litige et ne sont pas suffisantes pour établir la réalité et l'intensité des relations de M. A... avec son fils. En outre, la circonstance qu'il effectue des missions intérimaires depuis la fin du mois d'août 2021 n'est pas de nature à caractériser une insertion socioéconomique significative. Dans ces conditions, et alors même que sa compagne et son fils résideraient sur le territoire national, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, le préfet des Bouches-du-Rhône en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard au but de protection de l'ordre de public en vue duquel ce refus a été pris. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : "1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / 2. Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées (...) ".

9. D'une part, M. A... ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de son recours pour excès de pouvoir, de l'alinéa 2 des stipulations précitées, qui sont dépourvues d'effet direct. D'autre part, compte tenu de ce qui a été dit au point 7, M. A... ne justifie pas de manière probante des liens intenses qu'il aurait développés avec celui-ci. Ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Kuhn-Massot et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023.

N° 22MA026132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02613
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Cécile FEDI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : KUHN-MASSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-10;22ma02613 ?
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