Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de sa destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2200836 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête n° 22MA02604, enregistrée le 19 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Ibrahim, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 avril 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 septembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant droit au travail dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 1-1 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il est présent de manière continue et habituelle sur le territoire depuis sa dernière entrée le 27 août 2001 ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans est illégale dès lors qu'il est présent sur le territoire depuis l'année 2001.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
II. Par une requête n° 22MA02605, enregistrée le 19 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Ibrahim, demande à la cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 avril 2022 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient les mêmes moyens que ceux soulevés dans sa requête au fond n° 22MA02604 et, en outre, que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour ces deux procédures par deux décisions du 2 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Fedi.
Considérant ce qui suit :
1. Par la requête n° 22MA02604, M. A..., ressortissant algérien, relève appel du jugement du 22 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par la requête n° 22MA02605, il demande à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes n° 22MA02604 et n° 22MA02605 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision.
Sur la requête n° 22MA02604 :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :
3. Aux termes de l'article 6 alinéa 1 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".
4. M. A..., qui est entré en France le 27 août 2001 sous couvert d'un visa Schengen de trente jours établi le 22 août 2001 par le Consulat de France à Alger soutient qu'il réside sur le territoire de manière habituelle depuis lors. Afin de pouvoir bénéficier des stipulations précitées, les pièces versées au dossier doivent établir une résidence sur le territoire du 30 septembre 2011 au 30 septembre 2021, date de l'arrêté en litige. Toutefois, l'ensemble des pièces versées n'établissent pas plus en appel qu'en première instance qu'il résidait de façon habituelle et ininterrompue sur le territoire au titre de cette période. Si le requérant produit essentiellement des documents médicaux, des relevés bancaires, des relevés de prestations de l'assurance maladie, ainsi que des cartes d'admission à l'aide médicale d'état et des quittances de loyer, il ne peut justifier de sa présence sur le territoire de juin 2016 à décembre 2016, période pour laquelle aucune pièce n'est produite au dossier, la dernière pièce produite au titre de cette année étant un courrier de l'assurance maladie du 24 mai 2016 que le requérant verse en appel. En outre, pour établir sa présence entre juillet 2017 et juin 2018, période contestée par le tribunal, le requérant produit devant la cour une ordonnance médicale en date du 3 août 2017 qui ne comporte toutefois pas de tampon de pharmacie indiquant que le médicament aurait été retiré et des courriers épars qui ne peuvent établir sa présence pour le second semestre de l'année 2017. Si en revanche il établit devant la cour sa présence pour le premier semestre de l'année 2018 par la production d'une attestation du consul du 21 mars 2018 de non délivrance d'un document de voyage, d'un courrier du 18 avril de l'association Adil en vue de l'aider pour trouver des solutions à ses problèmes de loyers impayés, ainsi qu'une déclaration préremplie de revenus signée le 9 mai 2018, il n'établit toutefois pas sa présence pour le second semestre de cette année 2018 par le courrier de délivrance d'une carte vitale du 12 octobre. Par ailleurs, ainsi que le mentionne le préfet des Bouches-du-Rhône dans son mémoire en défense de première instance, M. A... ne présente de copie intégrale d'aucun passeport. Ainsi, les éléments produits n'établissent pas que M. A... résidait en France depuis plus de dix ans à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit dès lors être écarté.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
6. Si M. A... soutient résider habituellement sur le territoire depuis l'année 2001, l'ensemble des pièces versées au dossier composées uniquement de documents de nature administrative et médicale ne permet toutefois pas d'établir l'existence de liens personnels et familiaux anciens, stables et intenses. En outre, M. A... ne peut se prévaloir d'aucune insertion socioéconomique significative, et il a fait l'objet de quatre précédentes mesures d'éloignement, dont les deux dernières sont en date des 6 novembre 2013 et 23 octobre 2018. Célibataire et sans enfant, il n'établit ni même n'allègue qu'il serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où vit sa mère ainsi que l'indiquent les mentions non contestées de l'arrêté en litige, et où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
7. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
8. Eu égard aux conditions du séjour en France de M. A... exposées au point 6, au fait que l'intéressé n'a pas constitué sur le territoire français le centre de ses intérêts privés et familiaux et qu'il a fait l'objet de quatre précédentes mesures d'éloignement, la décision de l'interdire de retour sur le territoire pour une durée de deux ans n'apparaît pas disproportionnée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 septembre 2021. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur la requête n° 22MA02605 :
10. Le présent arrêt ayant rejeté les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 avril 2022, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22MA02605 tendant au sursis à exécution de ce même jugement.
11. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées également dans cette instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution de la requête n° 22MA02605 de M. A....
Article 2 : La requête n° 22MA02604 de M. A... et le surplus des conclusions de la requête n° 22MA02605 sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Ibrahim et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023.
N° 22MA02604,22MA026052