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10/11/2023 | FRANCE | N°22MA02040

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 10 novembre 2023, 22MA02040


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... I..., M. G... D... et leur fille Mme C... D..., sont les parents et la sœur de M. A... D..., qui a trouvé la mort, avec son épouse, lors d'un accident de la route survenu dans la nuit du 20 au 21 novembre 2017 au niveau du pont F..., chemin dit J..., sur le territoire de la commune d'Arles. Ils ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Arles à leur payer la somme globale de 132 600 euros en réparation des préjudices nés pour eux du fait du décès de leur fils et

frère et de son épouse, se décomposant comme suit :

- 50 000 euros en ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... I..., M. G... D... et leur fille Mme C... D..., sont les parents et la sœur de M. A... D..., qui a trouvé la mort, avec son épouse, lors d'un accident de la route survenu dans la nuit du 20 au 21 novembre 2017 au niveau du pont F..., chemin dit J..., sur le territoire de la commune d'Arles. Ils ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Arles à leur payer la somme globale de 132 600 euros en réparation des préjudices nés pour eux du fait du décès de leur fils et frère et de son épouse, se décomposant comme suit :

- 50 000 euros en réparation du préjudice d'affection de M. G... D... résultant de la perte de son fils et de sa belle-fille ;

- 50 000 euros en réparation du préjudice d'affection de Mme H... I... résultant de la perte de son fils et de sa belle-fille ;

- 30 000 euros en réparation du préjudice d'affection de Mme C... D... résultant de la perte de son frère et de sa belle-sœur ;

- 2 600 euros à M. G... D... et Mme H... I... au titre des frais d'obsèques.

Par un jugement n° 2006529 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2022, Mme H... I..., M. G... D... et Mme C... D..., représentés par la SARL Atori Avocats, agissant par Me Bousquet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune d'Arles à leur payer la somme globale de 132 600 euros en réparation de leurs préjudices se décomposant comme suit :

- 50 000 euros en réparation du préjudice d'affection de M. G... D... résultant de la perte de son fils et de sa belle-fille ;

- 50 000 euros en réparation du préjudice d'affection de Mme H... I... résultant de la perte de son fils et de sa belle-fille ;

- 30 000 euros en réparation du préjudice d'affection de Mme C... D... résultant de la perte de son frère et de sa belle-sœur ;

- 2 600 euros à M. G... D... et Mme H... I... au titre des frais d'obsèques ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Arles la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. -1 du code de justice administrative, et aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de constat d'huissier.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif de Marseille a procédé à une analyse manifestement erronée des faits soumis à son appréciation ;

- la responsabilité de la commune d'Arles est engagée en raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage à raison des préjudices nés pour eux de l'accident de la route dans lequel leur fils et frère a trouvé la mort en compagnie de son épouse ;

- la responsabilité de la commune d'Arles est engagée également en raison de la faute de son maire dans l'exercice de son pouvoir de police ;

- la commune d'Arles doit en conséquence être condamnée à les indemniser au titre de ces préjudices, à hauteur de 50 000 euros pour chacun des parents du défunt, et de 30 000 euros pour sa sœur, outre 2 600 euros au titre des frais d'obsèques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2022, la commune d'Arles, représentée par la SCP Lesage Berguet Gouard-Robert, agissant par Me Berguet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conditions d'engagement de sa responsabilité ne sont pas réunies, tant sur le terrain de l'entretien normal de l'ouvrage public que sur celui de la faute ;

- les moyens invoqués par les requérants ne sont donc pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rigaud ;

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bernard, représentant Mme I..., M. D... et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D... et son épouse, Mme B... E..., ont trouvé la mort, lors d'un accident de la circulation automobile survenu dans la nuit du 20 au 21 novembre 2017 au niveau du pont F..., chemin dit J..., sur le territoire de la commune d'Arles, alors qu'ils circulaient dans le sens allant du Mas de la Galegière vers Arles.

2. Mme H... I..., M. G... D... et Mme C... D..., respectivement parents et sœur de feu A... D... et beaux-parents et belle-sœur de feue B... E..., relèvent appel du jugement n° 2006529 du 3 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête tendant à la réparation de leurs préjudices.

Sur la responsabilité de la commune d'Arles pour défaut d'entretien normal de la voie publique :

3. Pour obtenir réparation, par la collectivité maître de l'ouvrage ou son concessionnaire, des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, - en l'espèce la voirie -, les usagers doivent démontrer, d'une part, la réalité de leur préjudice, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur eux, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage ou au concessionnaire de l'ouvrage, soit d'établir qu'ils ont normalement entretenu l'ouvrage, soit l'existence d'une force majeure, soit de démontrer la faute de la victime.

4. Il est constant que l'accident mortel dont ont été victimes M.A... D... et son épouse est survenu après que le véhicule dans lequel ils circulaient sur le chemin dit J..., dans le sens de circulation allant du Mas de la Galegière vers Arles, a chuté dans le canal de la vallée des Baux, depuis le pont dit " F... ". Les chemins de la J... et de la Galegière constituent une voie sans issue, interdite à la circulation à l'exception des riverains ainsi que l'indique un panneau situé au début du chemin de la J..., à proximité de la rocade d'Arles. Ce chemin et celui de la Galegière qui le prolonge après le pont F... ne desservent que des champs et une dizaine d'habitations.

5. Les requérants imputent cet accident au mauvais état du pont dit " F... ", vétuste, délabré, dangereux et trop étroit.

6. Il résulte des constatations policières relatées dans le procès-verbal établi le 21 novembre 2017, qu'aucune trace de freinage n'a été relevée sur le chemin de la Galegière, avant le pont, mais que des traînées rectilignes marquant un frottement important sur le bitume ont été constatées au milieu de la chaussée dans le virage, se poursuivant en direction de la partie gauche du pont, jusqu'à la limite du bas-côté qui est seulement marquée par une ornière, ainsi que des traces noirâtres en travers de la chaussée, menant directement dans le parapet situé sur le côté droit du pont, correspondant à des traces de pneumatiques. Le procès-verbal relève encore que le parapet est endommagé sur cinq mètres, sa première partie située à l'entrée du pont étant couchée. Cette trajectoire révèle donc que l'accident est survenu en raison d'un défaut de maîtrise du véhicule qui s'est produit avant que le véhicule ne soit sur le pont.

7. Certes, ces constatations policières et les constats d'huissier versés à la procédure établissent le mauvais état de la voirie aux abords du pont F... et la vétusté du parapet dont était équipé celui-ci à la date de l'accident en cause, défectuosités qui ne sont d'ailleurs pas sérieusement contestées par la commune d'Arles. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ce défaut d'entretien normal de la voirie caractérisé notamment par l'absence de marquages au sol, l'absence de glissière de sécurité et de parapet suffisant sur le pont F... et d'éclairage de la voie, le mauvais état du bitume de cette voie, serait à l'origine de la perte de contrôle de son véhicule par M. A... D... qui est intervenu ainsi qu'il a été dit au point 6 avant que la voiture n'arrive sur le pont et alors que le conducteur, qui résidait provisoirement à proximité du lieu de l'accident, connaissait la configuration de l'endroit. Il résulte de tout ce qui précède que l'accident en litige est imputable à la seule faute de M. A... D....

Sur la responsabilité de la commune d'Arles pour faute du maire dans l'exercice de son pouvoir de police :

8. Si le procès-verbal de police relève, comme il a été dit, que le bitume était en mauvais état, notamment sur le chemin de la Galegière où il est abîmé, présentant des déformations, des creux et bosses notamment au niveau du virage à proximité du pont, et que la zone ne comportait pas de marquage au sol, d'éclairage public ou de panneau de limitation de vitesse, il relève, outre la présence d'un panneau de sens interdit, celle de part et d'autre du pont F..., de panneaux de signalisation type A14 présentant un point d'exclamation, indiquant un danger, auxquels sont joints des panonceaux portant la mention " absence de parapet " et limitant le tonnage, ainsi que, dans le sens de circulation emprunté par A... D... qui conduisait le véhicule seul impliqué, un panneau balisant le virage, de couleurs bleue et blanche, matérialisant le virage à droite et implanté avant l'entrée du pont. Enfin, le procès-verbal précise que, dans les deux sens de circulation, un panneau de signalisation de danger annonçant un virage est implanté 150 mètres avant le pont. La dangerosité résultant des virages qui précèdent le pont de part et d'autre de celui-ci et l'absence de parapet sur cet ouvrage faisaient ainsi l'objet d'une signalisation adaptée.

9. Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de la commune d'Arles sur le terrain de la faute du maire dans l'exercice de son pouvoir de police.

10. Compte tenu de tout ce qui précède, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête. Par suite, leurs conclusions formulées devant la cour au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il en va de même, dans les circonstances de l'espèce, de celles formulées par la commune d'Arles à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête Mme I..., M. D... et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Arles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme H... I..., représentante unique des requérants et à la commune d'Arles.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Cécile Fedi, présidente,

- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure,

- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023 :

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N° 22MA02040


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02040
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages sur les voies publiques terrestres.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Lison RIGAUD
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : ATORI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-10;22ma02040 ?
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