Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer l'annulation de l'arrêté du 25 septembre 2019 par lequel le maire de Grasse a prononcé à son encontre une sanction de révocation à compter du 5 octobre 2019.
Par un jugement n° 1905681 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 25 septembre 2019 et mis à la charge de la commune de Grasse la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 juillet 2022 et le 16 mars 2023, la commune de Grasse, représentée par Me Bougassas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mai 2022 ;
2°) de rejeter la requête de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre liminaire, la matérialité des faits jugés a été explicitement constatée par le juge pénal et confirmée par le tribunal administratif ;
- le jugement attaqué est irrégulier compte tenu de la contradiction de ses motifs ;
- le jugement attaqué est fondé sur des faits matériellement inexacts ;
- le tribunal administratif a faussement qualifié les faits et a entaché son jugement d'erreur de droit dans l'application du principe de proportionnalité ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2022, M. D... A..., représenté Par Me Persico, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la commune de Grasse ;
2°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mai 2022 ;
3°) d'annuler l'arrêté du maire de Grasse en date du 25 septembre 2019 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Grasse la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rigaud,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Persico, représentant M. A....
Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 20 octobre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., recruté par la commune de Grasse par un contrat à durée déterminée le 7 janvier 2013, a été titularisé en qualité d'adjoint territorial du patrimoine le 1er avril 2015. Par un jugement du 26 juillet 2019, devenu définitif, le tribunal correctionnel de Grasse l'a reconnu coupable des faits de corruption de mineur de plus de 15 ans pour des faits commis du 9 au 31 mars 2019 et l'a condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve durant deux ans. Par un arrêté du 25 septembre 2019, le maire de la commune de Grasse a infligé à M. A... la sanction disciplinaire de la révocation à compter du 5 octobre 2019. La commune de Grasse relève appel du jugement du 18 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a prononcé l'annulation de cet arrêté et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué du tribunal administratif de Nice du 18 mai 2022 :
2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". En application de ces dispositions, les faits commis par un fonctionnaire en dehors du service peuvent constituer une faute passible d'une sanction disciplinaire lorsque, eu égard à leur gravité, à la nature des fonctions de l'intéressé et à l'étendue de ses responsabilités, ils ont eu un retentissement sur le service, jeté le discrédit sur la fonction exercée par l'agent ou sur l'administration, ou encore si ces faits sont incompatibles avec la qualité d'agent public.
3. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. (...) ".
4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. Il ressort de l'arrêté contesté du 25 septembre 2019 que, pour prononcer la révocation de M. A..., le maire de la commune de Grasse lui a fait grief d'avoir entretenu pendant plusieurs mois une relation avec un mineur de plus de quinze ans usager de la bibliothèque municipale au sein de laquelle il exerce ses fonctions, ayant conduit à une condamnation par le tribunal correctionnel de Grasse en date du 26 juillet 2019 à une peine de prison de dix-huit mois assortie d'un sursis total avec mise à l'épreuve de deux ans. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 26 juillet 2019, le tribunal correctionnel de Grasse a condamné M. A... à une peine d'emprisonnement délictuel de dix-huit mois, assortie d'un sursis probatoire d'une durée de deux ans et d'obligations particulières dont notamment celles de se soumettre à des mesures d'examen, de contrôle, de traitement et de soins médicaux même sous le régime de l'hospitalisation et l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, a rejeté la demande de dispense d'inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire à l'encontre de l'intéressé de la condamnation ainsi prononcée et a constaté l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles de ce dernier. En raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux constatations matérielles, retenues par le juge pénal dans une décision dont il est constant qu'elle est devenue définitive, et qui s'impose tant aux autorités qu'aux juridictions administratives, la matérialité de ces faits, également retenus dans les motifs de l'arrêté contesté du 25 septembre 2019, doit être regardée comme établie. En outre, il ressort des pièces du dossier que la victime, née le 23 septembre 2003, âgée de quinze ans et demi à la date des faits, présentait un parcours personnel problématique et un état psychologique vulnérable dont M. A... avait connaissance, que M. A... l'a rencontrée sur son lieu de travail, à la bibliothèque municipale où il exerçait ses fonctions, que, contrairement à ce qu'il soutient en défense, il n'a pas été manipulé par le jeune garçon de quinze ans mais a pris une part active à l'engagement de la relation sexuelle et affective nouée avec lui, qu'il a d'ailleurs reconnu avoir offert au jeune garçon des cadeaux en échanges de relations sexuelles. Dans ces conditions, eu égard à la nature et à la gravité de ces faits au titre desquels M. A... a été reconnu coupable par le tribunal correctionnel de Grasse ainsi qu'à celle des fonctions et des obligations qui incombent à tout fonctionnaire, y compris en dehors du service, les circonstances que ces faits n'aient reçu aucune publicité, que son médecin psychiatre traitant ait attesté qu'il ne présentait pas de dangerosité pour autrui ni aucun risque de récidive, que sa manière de servir a été évaluée de manière favorable par sa hiérarchie depuis 2014, que le jeune garçon victime de ces faits aurait lui-même été l'auteur d'agressions sexuelles par le passé, et que le contexte familial dans lequel évolue ce dernier est problématique, ne sont pas de nature à établir qu'en le révoquant par une décision du 25 septembre 2019, le maire de la commune de Grasse ait pris une sanction disproportionnée, en raison de faits survenus en mars 2019.
6. Il suit de là que c'est à tort que, le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur un motif erroné du caractère disproportionné de la sanction en litige pour annuler la décision en date du 25 septembre 2019.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Nice.
8. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été signé par Mme C... B..., adjointe au maire de Grasse et déléguée au personnel. La commune de Grasse a versé aux débats l'arrêté du 23 septembre 2015 par lequel le maire de la commune lui a donné délégation de fonctions et de signature pour tous courriers, actes réglementaires, actes individuels ou contractuels, toutes pièces et actes relatifs à ses compétences dans le domaine des " ressources humaines, de l'optimisation des ressources humaines, de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de la mutualisation des services, de la médecine du travail, et des affaires juridiques. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen relatif à la régularité du jugement soulevé par la commune de Grasse, que la commune de Grasse est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision en date du 25 septembre 2019.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Grasse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Grasse et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1905681 du 18 mai 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... devant la cour administrative d'appel de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : M. A... versera à la commune de Grasse la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. D... A... et à la commune de Grasse.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Cécile Fedi, présidente de chambre,
- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure,
- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023.
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N° 22MA01989