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07/11/2023 | FRANCE | N°22MA01248

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 07 novembre 2023, 22MA01248


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 28 avril 2022, et les 3 janvier et 24 août 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société par actions simplifiée (SAS) Auchan Hypermarché, représentée par Me Renaux, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2022 par lequel le maire de La Seyne-sur-Mer a délivré à la société en nom collectif (SNC) Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, en vue de la démolition du bâtiment existant sur les parcelles cada

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 28 avril 2022, et les 3 janvier et 24 août 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société par actions simplifiée (SAS) Auchan Hypermarché, représentée par Me Renaux, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2022 par lequel le maire de La Seyne-sur-Mer a délivré à la société en nom collectif (SNC) Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, en vue de la démolition du bâtiment existant sur les parcelles cadastrées section AB nos 476, 1027, 1029,1031, 1207 et 1208, situées boulevard de l'Europe, à La Seyne-sur-Mer (83500), puis la reconstruction du supermarché qu'elle y exploite avec une extension de sa surface de vente portée à 1 722,42 m2, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SNC Lidl la somme de 5 000 euros, chacun, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la recevabilité de la requête :

- conformément aux dispositions de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel de Marseille peut être saisie de ce recours ;

- au regard des dispositions de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme, aucune tardiveté ne peut lui être opposée ;

- au regard des dispositions de l'article L. 752-17 du code de commerce, elle justifie d'un intérêt à agir ;

- elle a présenté le recours administratif préalable obligatoire requis par les dispositions de l'article L. 752-17 du code de commerce ;

- elle a respecté l'obligation de notification de son recours prévue à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- la fin de non-recevoir opposée par la commune de La Seyne-sur-Mer sera écartée dès lors que sa requête est dirigée contre l'arrêté du 28 février 2022 en ce qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

Sur le fond :

- l'arrêté contesté du 28 février 2022 est entaché du vice d'incompétence ;

- le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale déposé par la SNC Lidl contenait des informations incomplètes concernant les conditions de la desserte routière du site et les flux de circulation ; la Commission nationale d'aménagement commercial ne s'est donc pas prononcée en toute connaissance de cause et ces lacunes ont eu une influence sur le sens de l'avis rendu ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur de droit en considérant que le projet de la SNC Lidl était compatible avec les orientations contenues dans le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale (SCOT) Provence-Méditerranée approuvé le 6 septembre 2019 ; ce projet est incompatible avec ses orientations nos 3, 9 et 11 A ;

. en émettant un avis favorable sur le projet de la SNC Lidl, la Commission nationale d'aménagement commercial a commis des erreurs de droit, de fait et d'appréciation, au regard des dispositions du 1° et du 2° de l'article L. 752-6 du code de commerce.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 mai 2022 et 22 février 2023, la société en nom collectif (SNC) Lidl, représentée par Me Robbes, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens soient mis à la charge de la SAS Auchan Hypermarché.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2023, la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle renvoie la Cour, s'agissant du premier moyen invoqué par la SAS Auchan Hypermarché, au mémoire en défense de la commune de La Seyne-sur-Mer et fait valoir que ses autres moyens sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2023, la commune de

La Seyne-sur-Mer, représentée par Me Faure-Bonaccorsi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SAS Auchan Hypermarché au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que la SAS Auchan Hypermarché y conteste la régularité de l'avis émis par la Commission nationale d'aménagement commercial, lequel constitue un document préparatoire qui ne peut pas faire l'objet d'un recours en annulation ;

- à titre subsidiaire, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Un courrier du 24 juillet 2023, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

La procédure a été communiquée à la SAS Seydis Sho et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui n'ont pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 28 août 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le décret n° 2021-631 du 21 mai 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lopez-Longueville, substituant Me Renaux, représentant la SAS Auchan Hypermarché, celles de Me Gonzalez-Lopez, substituant Me Faure-Bonaccorsi, représentant la commune de La Seyne-sur-Mer, et celle de Me Landemaine, substituant Me Robbes, représentant la SNC Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. Depuis le 29 septembre 1992, la société en nom collectif (SNC) Lidl exploite une enseigne commerciale située sur le boulevard de l'Europe, au sein de la zone d'activités des Playes, qui fait partie de la zone commerciale du Léry, dans le quartier de Camp B..., sur le territoire de la commune de La Seyne-sur-Mer, au sein d'un tènement immobilier qu'elle partageait initialement avec une autre enseigne. Cette dernière ayant cessé son activité le 22 juillet 2020, la SNC Lidl a déposé, le 19 mai 2021, un dossier de demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, pour la démolition de ce ténement immobilier puis sa reconstruction pour l'exploitation de son seul supermarché, avec une extension de la surface de vente de celui-ci de 622,42 m2. Le 10 août 2021, la commission départementale de l'aménagement commercial du Var a émis un avis favorable sur ce projet. Le 15 décembre 2021, la Commission nationale de l'aménagement commercial a rejeté les recours présentés contre ce projet par les sociétés par actions simplifiées (SAS) Auchan Hypermarché et Seydis Sho. Par un arrêté du 28 février 2022, le maire de La Seyne-sur-Mer a délivré à la SNC Lidl le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale sollicité. La SAS Auchan Hypermarché demande à la Cour d'annuler cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la compétence du signataire de l'arrêté attaqué du 28 février 2022 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-19 du même code : " Le maire peut donner, sous sa surveillance et sa responsabilité, par arrêté, délégation de signature : / 1° Au directeur général des services (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) Le maire certifie, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. ". En vertu de l'article R. 2122-7 du même code, d'une part, la publication des arrêtés du maire est constatée par une déclaration certifiée de celui-ci, d'autre part, il est tenu dans chaque commune un registre où sont inscrits les dates d'édiction, de publication et de notification de ces arrêtés. La mention " publié " apposée, sous la responsabilité du maire, sur un acte communal fait foi jusqu'à preuve du contraire.

4. Une délégation du maire habilitant l'un de ses adjoints à signer toutes les décisions relevant du code de l'urbanisme doit être regardée comme habilitant son titulaire à signer les arrêtés accordant un permis de construire, y compris lorsque le permis, en application de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, tient lieu de l'autorisation d'exploitation commerciale prévue par l'article L. 752-1 du code de commerce.

5. En l'espèce, l'arrêté attaqué du 28 février 2022 a été signé, " pour le maire et par délégation ", par M. B... A..., directeur général des services de la commune de

La Seyne-sur-Mer. Il ressort des pièces du dossier que ce dernier a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 2122-19 du code général des collectivités territoriales, reçu délégation à l'effet de signer " en cas d'absence des élus pour les domaines et actes consignés dans leurs arrêtés de délégation en vigueur ", par un arrêté du maire du 7 avril 2021, transmis à la préfecture du Var et affiché le même jour. Cette délégation n'est ainsi pas générale et définit avec suffisamment de précisions son objet et son étendue. Par ailleurs, par une attestation du 11 mai 2022, le maire de La Seyne-sur-Mer indique que son adjoint à l'urbanisme, auquel il avait, par un arrêté du 22 mars 2021, régulièrement consenti une délégation à l'effet de signer, notamment " toute décision d'acceptation (...) relative à l'occupation et à l'utilisation du sol régies par le code de l'urbanisme, les actes administratifs en matière d'urbanisme (...) ", était en congé du 28 février au 4 mars 2022 inclus. Enfin, la circonstance que l'arrêté du 7 avril 2021 portant délégation de signature n'est pas visé dans l'arrêté attaqué du 28 février 2022 est sur la légalité de ce dernier acte. Par suite, et à supposer même que comme le soutient la SAS Auchan Hypermarché sans aucun élément à l'appui de cette allégation, un autre adjoint aurait disposé d'une délégation de signature en la matière, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté attaqué du 28 février 2022 doit être écarté comme manquant en fait dans toutes ses branches.

En ce qui concerne la complétude du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6. / (...) Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / a) Prise en compte de l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement ; / b) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; / d) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; / e) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; / f) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial pour les aménagements pris en charge au moins pour partie par les collectivités territoriales, la mention des principales caractéristiques de ces aménagements, une estimation des coûts indirects liés aux transports supportés par les collectivités comprenant la desserte en transports en commun, ainsi qu'une présentation des avantages, économiques et autres, que ces aménagements procureront aux collectivités (...) ".

7. Les commissions d'aménagement commercial ne peuvent pas légalement délivrer l'autorisation demandée sur la base d'un dossier qui, par ses insuffisances, ne leur permettrait pas d'apprécier l'impact du projet au regard des objectifs et des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

8. Lorsqu'elle estime qu'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplète, il appartient à la Commission nationale d'aménagement commercial, non de refuser d'emblée pour ce motif l'autorisation, mais d'inviter la société à compléter dans cette mesure son dossier afin de combler les insuffisances constatées, puis, le cas échéant, de rejeter la demande en raison de lacunes persistantes.

9. Au cas particulier, il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale présentée par la SNC Lidl inclut une étude d'impact circulatoire réalisée le 21 décembre 2020 par le cabinet Ascode qui, après avoir établi une zone opérationnelle comprenant les carrefours dénommées A " boulevard de l'Europe / chemin de la Farlède / accès Lidl ", B " boulevard de l'Europe / bretelle RD 26 nord rue Pêle-Mêle " et C " boulevard de l'Europe / avenue Bartolini / accès Auchan ", a conclu que la réalisation du projet litigieux porté par la SNC Lidl induirait une variation minime en A (de l'ordre de + 2,5 à + 3 %) et négligeable en B et C (de l'ordre de + 1,5 % ou moins). Ledit cabinet indique encore que l'impact circulatoire ne sera donc pas significatif et que le niveau de service des carrefours A, B et C ne sera affecté que de façon minime, voire marginale, avant de préciser que les carrefours d'accès au site sont en l'état compatibles avec cette réalisation.

La SAS Auchan Hypermarché soutient néanmoins que la SNC Lidl aurait transmis à la Commission nationale d'aménagement commercial des informations insuffisantes concernant les conditions de desserte routière du site ainsi que sur les flux de circulation. A ce titre, la société requérante reproche plus particulièrement à la société pétitionnaire de ne pas avoir fait état, dans son dossier, de la modification du giratoire situé au croisement du chemin de la Farlède et du boulevard de l'Europe, au droit du terrain d'assiette de son projet, et correspondant donc au carrefour dénommé A dans l'étude d'impact circulatoire susmentionnée. Elle affirme que la SNC Lidl n'a pas fourni d'explications sur les motifs d'aménagement de ce giratoire qui doit être réalisé sous la maîtrise d'ouvrage de la métropole Toulon-Provence-Méditerranée (TPM), sur la durée des travaux afférents et sur le montant de sa participation financière, avant d'observer que, dans son arrêté attaqué du 28 février 2022, le maire de La Seyne-sur-Mer fait expressément référence à ce projet d'aménagement et qu'il vise également un courrier du 13 septembre 2021 par lequel la SNC Lidl s'engage à " faire le nécessaire concernant les rétrocessions et les démarches futures liées à la réalisation du giratoire ". Toutefois, et alors que, d'une part, le projet litigieux porte sur l'extension de seulement 622,42 m2 de la surface de vente d'un supermarché existant et qu'il ne conduira donc pas à une augmentation significative de la fréquentation de celui-ci et donc des flux de circulation, et que, d'autre part, comme le relève la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial dans son mémoire en défense susvisé, l'aménagement de ce giratoire aura pour effet de fluidifier davantage le trafic au droit du terrain d'assiette, la société requérante, qui se borne à procéder par affirmations, n'apporte aucun élément de nature à établir que l'étude d'impact circulatoire réalisée le 21 décembre 2020 par le cabinet Ascode et jointe à son dossier de demande d'exploitation commerciale serait insuffisante et insincère. Il ressort au contraire des pièces du dossier que l'autorité administrative a disposé d'éléments suffisants pour apprécier les effets du projet sur les flux de circulation, au regard des principaux axes de desserte du site. Au demeurant, dans son avis favorable du 8 juillet 2021, le président du conseil départemental du Var confirme les conclusions du cabinet Ascode en indiquant que " l'impact du projet devrait (...) être marginal sur le réseau viaire départemental " et, dans une étude d'impact circulatoire complémentaire du 19 janvier 2023, le même cabinet précise que les flux de circulation dans le secteur d'implantation du projet litigieux n'y seront pas accrus en période estivale ou touristique.

Par ailleurs, si les travaux d'aménagement du giratoire apparaissent avoir été coordonnés entre la métropole TPM et la SNC Lidl, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'étude d'impact circulatoire intitulée " Note au sujet du carrefour Europe / Farlède " réalisée le 19 mai 2022 par le cabinet Ascode, qu'ils ne sont pour autant pas nécessaires à la réalisation du projet litigieux. Dès lors, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale présenté par la SNC Lidl n'avait pas à comporter d'éléments garantissant leur financement et leur réalisation effective.

10. En second lieu, la SAS Auchan Hypermarché ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-7 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au présent litige, soit celle résultant de l'article 4 du décret susvisé du 21 mai 2021 relatif à la suppression de l'exigence de présentation par les entreprises d'un extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers dans leurs démarches administratives, dès lors que ces dispositions ne régissent que les projets ne nécessitant pas de permis de construire.

11. Il suit de là que le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande d'autorisation doit être écarté dans toutes ses branches.

En ce qui concerne la compatibilité du projet litigieux avec le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du SCoT Provence-Méditerranée :

12. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) ".

13. Aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme : " Sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale : / (...) 5° Les autorisations prévues par l'article L. 752-1 du code de commerce (...) ". Aux termes de l'article L. 141-4 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le document d'orientation et d'objectifs détermine les conditions d'application du projet d'aménagement stratégique. Il définit les orientations générales d'organisation de l'espace, de coordination des politiques publiques et de valorisation des territoires. / L'ensemble de ces orientations s'inscrit dans un objectif de développement équilibré du territoire et des différents espaces, urbains et ruraux, qui le composent. Il repose sur la complémentarité entre : / 1° Les activités économiques, artisanales, commerciales, agricoles et forestières ; / 2° Une offre de logement et d'habitat renouvelée, l'implantation des grands équipements et services qui structurent le territoire, ainsi que l'organisation des mobilités assurant le lien et la desserte de celui-ci ; / 3° Les transitions écologique et énergétique, qui impliquent la lutte contre l'étalement urbain et le réchauffement climatique, l'adaptation et l'atténuation des effets de ce dernier, le développement des énergies renouvelables, ainsi que la prévention des risques naturels, technologiques et miniers, la préservation et la valorisation des paysages, de la biodiversité, des ressources naturelles, des espaces naturels, agricoles et forestiers. / Le document d'orientation et d'objectifs peut décliner toute autre orientation nécessaire à la traduction du projet d'aménagement stratégique, relevant des objectifs énoncés à l'article L. 101-2 et de la compétence des collectivités publiques en matière d'urbanisme. " Aux termes de l'article

L. 141-5 dudit code : " Dans un principe de gestion économe du sol, le document d'orientation et d'objectifs fixe les orientations et les objectifs en matière de : / 1° Développement économique et d'activités, en intégrant les enjeux d'économie circulaire et en visant une répartition équilibrée entre les territoires ; / (...) 3° Localisations préférentielles des commerces dans les polarités existantes et à proximité des lieux de vie, des secteurs de revitalisation des

centres-villes, des transports et préservation environnementale, paysagère et architecturale des entrées de villes. " Enfin, l'article L. 141-6 de ce code précise que : " Le document d'orientation et d'objectifs comprend un document d'aménagement artisanal, commercial et logistique déterminant les conditions d'implantation des équipements commerciaux qui, en raison de leur importance, sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'aménagement du territoire, le commerce de centre-ville et le développement durable. / Il détermine les conditions d'implantation des constructions commerciales et des constructions logistiques commerciales en fonction de leur surface, de leur impact sur l'artificialisation des sols et de leur impact sur les équilibres territoriaux, notamment au regard du développement du commerce de proximité, de la fréquence d'achat ou des flux générés par les personnes ou les marchandises. Ces conditions privilégient la consommation économe de l'espace, notamment en entrée de ville, par la compacité des formes bâties, la protection des sols naturels, agricoles et forestiers, l'utilisation prioritaire des surfaces vacantes et l'optimisation des surfaces consacrées au stationnement. / Pour les équipements commerciaux, ces conditions portent également sur la desserte de ces équipements par les transports collectifs et leur accessibilité aux piétons et aux cyclistes ainsi que sur leur qualité environnementale, architecturale et paysagère, notamment au regard de la performance énergétique et de la gestion des eaux. / Le document d'aménagement artisanal, commercial et logistique localise les secteurs d'implantation périphérique ainsi que les centralités urbaines, qui peuvent inclure tout secteur, notamment centre-ville ou centre de quartier, caractérisé par un bâti dense présentant une diversité des fonctions urbaines, dans lesquels se posent des enjeux spécifiques du point de vue des objectifs mentionnés au 3° de l'article L. 141-5. Il prévoit les conditions d'implantation, le type d'activité et la surface de vente maximale des équipements commerciaux spécifiques aux secteurs ainsi identifiés. / Pour les équipements logistiques commerciaux, il localise les secteurs d'implantation privilégiés au regard des besoins logistiques du territoire, au regard de la capacité des voiries, existantes ou en projet, à gérer les flux de marchandises et au regard des objectifs mentionnés au second alinéa de l'article L. 141-3. / Il peut également : / 1° Définir les conditions permettant le développement ou le maintien du commerce de proximité dans les centralités urbaines et au plus près de l'habitat et de l'emploi, en limitant son développement dans les zones périphériques ; / 2° Prévoir les conditions permettant le développement ou le maintien de la logistique commerciale de proximité dans les centralités urbaines afin de limiter les flux de marchandises des zones périphériques vers les centralités urbaines ; / La révision ou l'annulation du document d'aménagement artisanal, commercial et logistique est sans incidence sur les autres documents du schéma de cohérence territoriale. "

14. Il résulte de ces dispositions qu'à l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci, avec lesquels les autorisations délivrées par les commissions d'aménagement commercial doivent être compatibles, doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. En matière d'aménagement commercial, s'il ne leur appartient pas, sous réserve des dispositions applicables aux zones d'aménagement commercial, d'interdire par des dispositions impératives certaines opérations de création ou d'extension relevant des qualifications et procédures prévues au titre V du livre VII du code de commerce, ils peuvent fixer des orientations générales et des objectifs d'implantations préférentielles des activités commerciales, définis en considération des exigences d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement ou de qualité de l'urbanisme. Si de tels objectifs peuvent être pour partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent (Conseil d'Etat, 12 décembre 2012, n° 353496, B).

15. Par ailleurs, il appartient aux commissions d'aménagement commercial et au juge qui en est saisi d'apprécier la compatibilité du projet avec les orientations générales du schéma de cohérence territoriale prises dans leur ensemble, y compris ceux se présentant formellement comme régissant des actes distincts des autorisations d'exploitation commerciale, tels que par exemple des documents d'urbanisme.

16. Dans sa rédaction issue de sa révision n° 1 approuvée par une délibération du comité syndical du 6 septembre 2019, le SCOT Provence-Méditerranée précise les orientations relatives à l'équipement commercial et artisanal. A ce titre, il définit les localisations préférentielles des commerces en prenant en compte les objectifs de revitalisation des

centres-villes, de maintien d'une offre commerciale diversifiée de proximité permettant de répondre aux besoins courants de la population tout en limitant les obligations de déplacement et les émissions de gaz à effet de serre, de cohérence entre la localisation des équipements commerciaux et la maîtrise des flux de personnes et de marchandises, de consommation économe de l'espace et de préservation de l'environnement, des paysages et de l'architecture.

A cet égard, comme le soutient la SAS Auchan Hypermarché, dans le cadre de l'orientation n° 3 du DOO dudit SCOT Provence-Méditerranée, intitulée " Organiser le développement en suivant les principes de recentrage et de cohérence urbanisme-transport ", la redynamisation des centres-villes, urbains comme ruraux, est érigée comme un objectif prioritaire et, au titre de son orientation n° 9 " Implanter les activités compatibles avec l'habitat dans les centres-villes et les quartiers de gares, maîtriser le développement économique le long des axes routiers ", les centres-villes urbains et villageois sont identifiés comme les espaces privilégiés et prioritaires pour l'accueil d'activités économiques et de services compatibles avec l'habitat. Le DOO du SCOT Provence-Méditerranée contient également une orientation n° 11 " Faire des centres-villes une localisation prioritaire pour le commerce, maitriser le développement des grandes polarités commerciales périphériques " au titre de laquelle il est précisé que les commerces de proximité s'implantent préférentiellement dans les centres-villes urbains et ruraux et autour des gares, dans une logique de redynamisation de ces centralités. Toutefois, et alors que les orientations d'un SCOT doivent s'apprécier globalement, de tels objectifs ne sauraient interdire à eux seuls la création d'équipements commerciaux ou l'extension de commerces existants hors de telles zones. En outre, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des documents cartographiques et photographiques qui y sont joints, que le secteur dans lequel est implanté le terrain d'assiette du projet porté par la SNC Lidl correspond, dans le DOO du SCOT Provence-Méditerranée, à " la polarité commerciale périphérique de La Seyne-sur-mer, localisée au

Nord-Ouest de la commune, au Sud de la voie ferrée, de part et d'autre de la D26 ", laquelle y est identifiée comme l'une des cinq " grandes polarités commerciales périphériques ". S'il est prévu que ces grandes polarités n'ont pas vocation à s'étendre au-delà de l'enveloppe qu'elles occupent à la date d'arrêt du SCOT, le projet porté par la SNC Lidl ne consiste pas en l'implantation d'un nouveau supermarché mais uniquement à étendre la surface de vente du supermarché existant exploité par la société défenderesse en englobant celle d'une friche commerciale. En outre, il est prévu, dans ce même DOO, que le " Pôle Ouest ", qui inclut notamment les espaces d'activités de Camp B..., du pôle Lery à La Seyne-sur-Mer, assure l'accueil des activités de dimension métropolitaine des grands commerces. Le site de la gare et de Camp B... est également identifié comme l'un des " pôles tertiaires d'envergure métropolitaine à conforter et à développer ", dans l'orientation n° 10 " Métropoliser les pôles tertiaires ", et comme un " pôle à conforter ", dans le schéma illustratif de l'accueil du développement futur contenu dans les documents graphiques du SCOT, disponible sur Internet tant au juge qu'aux parties. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec ces orientations du document d'orientation et d'objectifs contenus dans le DOO du SCOT Provence-Méditerranée doit être écarté.

En ce qui concerne le respect des objectifs et des critères de l'article L. 752-6 du code de commerce :

17. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 (...) / III. - La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. Réalisée par un organisme indépendant habilité par le représentant de l'Etat dans le département, cette analyse évalue les effets du projet sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre, ainsi que sur l'emploi, en s'appuyant notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires. / IV. - Le demandeur d'une autorisation d'exploitation commerciale doit démontrer, dans l'analyse d'impact mentionnée au III, qu'aucune friche existante en centre-ville ne permet l'accueil du projet envisagé. En l'absence d'une telle friche, il doit démontrer qu'aucune friche existante en périphérie ne permet l'accueil du projet envisagé. / V. - L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols, au sens du neuvième alinéa de l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme. / Toutefois, une autorisation d'exploitation commerciale peut être délivrée si le pétitionnaire démontre, à l'appui de l'analyse d'impact mentionnée au III du présent article, que son projet s'insère en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d'urbanisation adéquat, qu'il répond aux besoins du territoire et qu'il obéit à l'un des critères suivants : / 1° L'insertion de ce projet, tel que défini à l'article L. 752-1, dans le secteur d'intervention d'une opération de revitalisation de territoire ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ; / 2° L'insertion du projet dans une opération d'aménagement au sein d'un espace déjà urbanisé, afin de favoriser notamment la mixité fonctionnelle du secteur concerné ; / 3° La compensation par la transformation d'un sol artificialisé en sol non artificialisé, au sens de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme ; / 4° L'insertion au sein d'un secteur d'implantation périphérique ou d'une centralité urbaine identifiés dans le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale entré en vigueur avant la publication de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ou au sein d'une zone d'activité commerciale délimitée dans le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal entré en vigueur avant la publication de la même loi. (...) ".

18. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'objectif tenant à l'aménagement du territoire :

19. En premier lieu, les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce, par la loi susvisée du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes.

20. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des documents photographiques et cartographiques qui y sont joints, qu'au cœur d'une zone d'activité et à proximité de zones d'habitat, le terrain d'assiette du projet porté par la SNC Lidl se situe au sein de la zone commerciale du Léry, à 2,8 kilomètres du centre de la commune de La Seyne-sur-Mer.

La SAS Auchan Hypermarché soutient que ce projet serait de nature à avoir une influence préjudiciable sur l'attractivité des commerces du centre-ville seynois. A ce titre, elle relève qu'alors que le taux de vacance commerciale y atteint 19,9 %, la commune de

La Seyne-sur-Mer a bénéficié de subventions du fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) et d'un dispositif d'aides, et qu'elle a également fait l'objet d'une opération de revitalisation du territoires (ORT). Toutefois, ces seules circonstances ne suffisent pas à établir que le projet litigieux serait de nature à fragiliser les commerces du

centre-ville, alors qu'ainsi que l'a retenu la Commission nationale d'aménagement commercial dans son avis du 15 décembre 2021, le taux de vacance commerciale doit être apprécié à l'aune de la très faible attractivité du centre-ville de La Seyne-sur-Mer qui, avec un taux de vacance de logements de l'ordre de 19 % et des difficultés structurelles engendrées par le déclin des chantiers navals, subi un transfert d'activités commerciales vers des quartiers en fort développement immobilier et dépourvus jusqu'ici d'une offre commerciale adaptée aux nouveaux besoins, notamment celui de " Porte Marine ", à l'Est du territoire communal.

En outre, par sa nature, le projet litigieux porté par la SNC Lidl n'a pas vocation à étendre l'enveloppe de la polarité commerciale dès lors qu'il consiste en une simple extension d'un supermarché existant, circonstance de nature à limiter son impact sur les commerces du

centre-ville. Enfin, l'offre proposée par l'enseigne Lidl est de nature différente de celle des commerces de centre-ville. En effet, si, en termes mercatiques et publicitaires, les enseignes Lidl se présentent, à l'instar de ce qui est fait, en l'espèce, dans le dossier de demande d'extension, comme " un véritable commerce de proximité ", au regard de sa superficie et des produits qu'il offre aux consommateurs, un supermarché comme celui en cause ne saurait être regardé comme un commerce de proximité, notion qui regroupe les commerces de quotidienneté dans lesquels le consommateur se rend fréquemment, voire quotidiennement, et qui sont implantés dans certaines rues ou quartiers commerçants des villes, et dès lors comme entrant directement en concurrence avec les commerces du centre-ville. Ainsi qu'il ressort de l'analyse d'impact réalisée par le cabinet Bérénice jointe au dossier de demande d'autorisation commerciale déposée par la

SNC Lidl qui relève " [u]n impact marginal sur les acteurs du marché alimentaire ", il n'est donc pas établi que le projet porterait atteinte à l'animation de la vie urbaine et à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune de La Seyne-sur-Mer.

21. En deuxième lieu, la SAS Auchan Hypermarché ne peut utilement faire état de la forte densité de l'offre commerciale au sein de la zone, dès lors que depuis l'entrée en vigueur de la loi susvisée du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre des critères à prendre en compte par la Commission nationale d'aménagement commercial.

22. En troisième et dernier lieu, ainsi qu'il a été déjà dit au point 9 ci-dessus du présent arrêt, il ressort des pièces du dossier que la réalisation du projet d'extension d'un supermarché déjà ancré dans les habitudes de consommation des habitants n'aura qu'un faible impact sur les flux de circulation. Il ressort également de ces mêmes pièces que, compte tenu du poids et de l'encombrement des produits alimentaires, la grande majorité de la clientèle du supermarché s'y rend en voiture et que, compte tenu du réseau routier existant et de sa proximité avec l'autoroute, sa desserte est suffisante. En outre, et à supposer même que le nouveau passage piéton évoqué dans le projet litigieux n'ait pas été réalisé, le site est accessible par des cheminements piétonniers sécurisés ainsi que par les transports en commun, avec plusieurs lignes de bus située à environ cent mètres. Dans ces conditions, l'absence de desserte directe du site par une piste cyclable n'est pas à elle seule de nature à justifier le refus de l'autorisation sollicitée, ni, du reste, à révéler une incompatibilité avec l'orientation n° 3 du DOO du SCOT Provence-Méditerranée. Au demeurant, le projet prévoit dix-huit places de stationnement pour les vélos, les cyclistes pouvant accéder au magasin par le réseau viaire après avoir quitté la piste cyclable existante située à environ cent-trente mètres. La desserte du projet est ainsi suffisante et il n'est pas établi qu'elle présenterait des risques pour la sécurité des usagers.

23. Il s'ensuit que la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant, dans son avis du 15 décembre 2021, que le projet litigieux ne portait pas atteinte à l'objectif d'aménagement du territoire. Ce moyen doit être écarté comme doivent l'être les moyens tirés des erreurs de droit et de fait.

S'agissant de l'objectif tenant au développement durable :

24. En premier lieu, le dossier de demande d'autorisation commerciale présentée par la SAS Auchan Hypermarché contient une étude du 4 janvier 2021 réalisée par le cabinet Even Conseil qui, après avoir présenté l'état initial de l'environnement du site observe que le projet porté par la SNC Lidl fait l'objet d'un traitement paysager, à l'interface avec les espaces bâtis et les voiries qui longent le site. Il relève également que les plantations et les espaces verts seront favorables à la biodiversité, à l'infiltration des eaux pluviales et permettront une meilleure intégration du bâtiment dans le paysage local, avant de conclure que les incidences sur l'environnement peuvent être considérées comme faibles. Dans son rapport du 9 juillet 2021, la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) du Var estime que " le projet s'inscrit dans une démarche de Haute qualité environnementale ". Il ressort effectivement des pièces du dossier que la réalisation de ce projet aura pour effet de réduire l'artificialisation des sols. Ainsi, le nombre de places de stationnement sera réduit. Un parking de quatre-vingt-huit places sera aménagé en pavés drainants tandis qu'un parc de stationnement en rez-de-chaussée du ténement immobilier sera créé. Les surfaces perméables passeront de 11,36 à 31,56 %, soit une augmentation de 20,2 %. Les espaces verts progresseront de 9,69 à 22,36 % : ils occuperont 2477, 02 m² avec un total de cinquante-quatre arbres et des plantations arbustives basses. Si à cet égard, la SAS Auchan Hypermarché affirme qu'il s'agit là d'une " proportion largement inférieure à ce qui est généralement requis, notamment par la jurisprudence ", elle ne précise pas les dispositions légales ou règlementaires qui auraient à ce titre été méconnues. Par ailleurs, les eaux pluviales seront traitées par un bassin de rétention à ciel ouvert d'au moins 724 m3. L'emprunte carbone du bâtiment sera diminuée. Compte tenu du faible impact du projet en terme de flux de circulation, les émissions de gaz à effet de serre en provenance des automobiles seront quasiment inchangées. Par ailleurs dans son rapport du 9 juillet 2021, la DDTM du Var observe qu'" [u]n effort notable est fourni sur les gaz à effets de serre constitués souvent par les chambres froides (taux de diminution de 30 %) ". Enfin, le bâtiment présentera une performance énergétique supérieure à celle prévue par la règlementation thermique RT 2012, avec notamment l'installation de 2 487,69 m² de panneaux photovoltaïques, en toiture et sur les ombrières implantées dans la zone de stationnement. L'ensemble de ces installations photovoltaïques concourront à l'atteinte d'un niveau énergétique proche du BEPOS (bâtiment à énergie positive).

25. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le nouveau bâtiment sera repositionné par rapport à celui existant sur un axe Est-Ouest. Son ossature sera constituée d'une coque en béton cellulaire, sur laquelle reposera une charpente en bois lamellé-collé, elle-même recouverte d'une toiture mono-pente, en bac-acier et de couleur gris anthracite. La façade principale, au Nord, sera constituée d'un mur rideau, donnant sur le parking. L'entrée se faisant dans l'angle Nord-Est, le mur rideau se retournera sur la façade Est. Le soubassement du bâtiment jusqu'au bandeau de menuiseries vitrées de teinte RAL 7024 sera constitué d'un parement en pierre calcaire à dominante jaune paille. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, des espaces paysagers seront plantés en bordure du terrain. Alors même que la station de lavage implantée sur la parcelle cadastrée section AB n° 1207 demeurera en l'état, le nouveau ténement immobilier s'intègrera ainsi à son environnement, lequel ne présente, au demeurant, aucune cohérence, ni harmonie architecturale, et remplacera un bâtiment devenu peu esthétique.

26. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que le projet litigieux ne portait pas atteinte à l'objectif de développement durable. Là encore, ce moyen doit être écarté comme doivent l'être également ceux tirés des erreurs de droit et de fait.

27. Il suit de là que la SAS Auchan Hypermarché n'est pas fondée à soutenir que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 15 décembre 2021 serait entaché d'illégalité.

28. Il résulte de tout de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de La Seyne-sur-Mer, la SAS Auchan Hypermarché n'est pas fondée à demander à la Cour d'annuler le permis de construire délivré le 28 février 2022 par le maire de cette commune à la SNC Lidl en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les dépens :

29. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de la SNC Lidl tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de la SAS Auchan Hypermarché ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

30. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

31. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat et de la SNC Lidl, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le montant des frais d'instance exposés par la SAS Auchan Hypermarché et non compris dans les dépens.

32. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante une somme de 2 000 euros à verser à la commune de La Seyne-sur-Mer et la même somme à verser à la SNC Lidl au titre des frais exposés par ces dernières et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Auchan Hypermarché est rejetée.

Article 2 : La SAS Auchan Hypermarché versera une somme de 2 000 euros à la commune de La Seyne-sur-Mer et une somme de 2 000 euros à la SNC Lidl au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la SNC Lidl tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Auchan Hypermarché, à la société en nom collectif (SNC) Lidl, à la commune de la Seyne-sur-Mer, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial et à la société par actions simplifiée (SAS) Seydis Sho.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

2

No 22MA01248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01248
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-07;22ma01248 ?
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