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07/11/2023 | FRANCE | N°22MA00092

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 07 novembre 2023, 22MA00092


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2019 par lequel le maire de Feliceto s'est opposé à la déclaration préalable qu'elle a déposée le 7 mai 2019 en vue de la réalisation d'une terrasse, sur une construction existante bâtie sur la parcelle cadastrée section B n°186, qui est située au lieu-dit Gragginato, et de mettre à la charge de cette commune une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par

un jugement n° 1901071 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2019 par lequel le maire de Feliceto s'est opposé à la déclaration préalable qu'elle a déposée le 7 mai 2019 en vue de la réalisation d'une terrasse, sur une construction existante bâtie sur la parcelle cadastrée section B n°186, qui est située au lieu-dit Gragginato, et de mettre à la charge de cette commune une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901071 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Albertini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 10 novembre 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du maire de Felicito du 4 juillet 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Felicito la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire de Felicito ne s'est pas assuré, préalablement à sa décision, de la réalité de son exploitation agricole ;

- l'arrêté du 4 juillet 2019 est entaché d'un vice de procédure dès lors que le maire de Felicito n'a pas recueilli l'avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme ;

- elle était bénéficiaire, le 7 juin 2019, d'une décision tacite de non-opposition de sorte que le maire ne pouvait procéder qu'au retrait de cet arrêté, et non former une opposition à sa déclaration préalable ;

- si le tribunal administratif de Bastia a estimé que l'arrêté du 4 juillet 2019 devait être regardé comme retirant la décision tacite de non-opposition dont elle était bénéficiaire, il a omis de juger que le maire de Felicito ne pouvait procéder, sans procédure contradictoire préalable, à un tel retrait ;

- l'arrêté du maire de Felicito du 4 juillet 2019 a été pris en méconnaissance des dispositions des articles L. 124-2 et L. 161-4 du code de l'urbanisme ;

- le maire de Felicito a entaché cet arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation.

Un courrier du 1er août 2023, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

La requête a été communiquée à la commune de Feliceto qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 11 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 mai 2019, Mme A... a déposé un dossier de demande de déclaration préalable, auprès des services de la commune de Feliceto, qui a été complété le 10 juin suivant, en vue de la réalisation d'une terrasse sur une construction existante, bâtie sur la parcelle cadastrée section B n° 186, laquelle est située au lieu-dit Gragginato, en Haute-Corse. Par un arrêté du 4 juillet 2019, le maire de Feliceto s'est opposé à cette déclaration préalable. Mme A... relève appel du jugement du 10 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si Mme A... soutient que les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que le maire de Felicito ne pouvait pas régulièrement procéder, par son arrêté contesté du 4 juillet 2019, au retrait de la décision de non-opposition tacite qui aurait été acquise le 7 juin 2019 sans respecter une procédure contradictoire, ce moyen n'était pas soulevé devant le tribunal administratif de Bastia et il n'est pas d'ordre public. Par suite, le jugement attaqué du 10 novembre 2021 n'est pas entaché d'une irrégularité sur ce point et le moyen afférent invoqué par Mme A... doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la nature de l'arrêté contesté du maire de Felicito du 4 juillet 2019 :

3. En vertu des dispositions du a) de l'article R. 423-23 et de celles du a) de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme, à défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction d'une déclaration préalable, qui est d'un mois, sous réserve des délais particuliers prévus par les articles R. 423-24 et suivants du même code, le silence gardé par l'autorité compétente vaut décision de non-opposition à la déclaration préalable. L'article R. 423-19 du code de l'urbanisme précise que : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ".

4. En l'espèce, il ressort des mentions figurant sur l'arrêté contesté du 4 juillet 2019 que si Mme A... a déposé, le 7 mai 2019, un dossier de demande de déclaration préalable pour la réalisation d'une terrasse, des pièces complémentaires ont été fournies le 10 juin 2019. Par conséquent, le dossier de demande de déclaration préalable présenté par l'appelante n'était pas complet le 7 juin 2019. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Bastia, l'arrêté contesté pris par le maire de Feliceto le 4 juillet 2019 ne constitue dès lors pas une décision portant retrait d'une décision tacite de non-opposition qui aurait été acquise le 7 juin 2019, mais bien, comme il l'est mentionné dans l'article unique de cet arrêté, une décision expresse d'opposition à cette déclaration préalable. Par suite, à le supposer invoqué au fond devant la Cour, le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure tenant à la méconnaissance de la procédure contradictoire ne peut qu'être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté contesté du maire de Felicito du 4 juillet 2019 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception : / 1° De l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ainsi que de l'édification d'annexes à proximité d'un bâtiment existant ; / 2° Des constructions et installations nécessaires : / a) A des équipements collectifs ; / b) A l'exploitation agricole ou forestière, à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l'acte de production ; / c) A la mise en valeur des ressources naturelles ; / d) Au stockage et à l'entretien du matériel des coopératives d'utilisation de matériel agricole. / Les constructions et installations mentionnées au 2° ne peuvent être autorisées que lorsqu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels ou des paysages. / Les constructions et installations mentionnées aux b et d du même 2° sont soumises à l'avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. "

6. En premier lieu, et sans que Mme A... ne puisse sérieusement reprocher au maire de Felicito de ne pas s'être assuré de la réalité de son " exploitation agricole ", il ressort des pièces du dossier que le projet en litige porté par Mme A..., qui consiste en la réalisation d'une terrasse, ne prévoit pas de constructions et installations mentionnées aux b) et d) du 2° de l'article L. 161-4 précité. L'avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers n'avait donc pas à être recueilli préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté du 4 juillet 2019. Aucun vice de procédure ne saurait être retenu à ce titre et ce moyen doit dès lors être écarté.

7. En second lieu, Mme A... persiste à soutenir devant la Cour que l'arrêté contesté du 4 juillet 2019 a été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme, qui reprennent celles abrogées de l'alinéa 2 de l'article L. 124-2 du même code, en ce que la réalisation d'une terrasse présenterait le caractère d'une extension d'une construction existante et relèverait ainsi des constructions autorisées par ces dispositions. Toutefois, et comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il ressort de la lecture de cet arrêté que le maire de Feliceto n'a pas entendu opposer à l'appelante un motif tiré de ce que son projet ne correspondrait pas à l'une des constructions autorisées dans un secteur non constructible de la carte communale mais celui tenant à ce que la construction existante sur la parcelle cadastrée section B n° 186 a été transformée sans autorisation et que la réalisation d'une terrasse ne pouvait dès lors pas être autorisée. En effet, il ressort des pièces du dossier que le maire de Felicito a, par un arrêté du 28 février 2008 et au nom de l'Etat, délivré à Mme A... le permis de construire qu'elle avait sollicité pour la réalisation d'un hangar agricole. Dans son dossier, Mme A... avait même précisé que ce hangar " par son volume relativement important, permettra l'entrepôt des matériels agricoles et de foin pour l'activité rurale ". Mais, après qu'un procès-verbal de constatation d'infraction a été dressé le 11 février 2010, le maire de Felicito a mis en demeure Mme A... d'interrompre les travaux afférents en relevant que la modification des ouvertures des façades Nord-Ouest-Est et l'implantation de la construction avaient été réalisées en méconnaissance de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme. Si, par un arrêté du 17 janvier 2011, il a, au nom de l'Etat, délivré à Mme A... un permis de construire modificatif pour la création d'un plancher et l'ouverture de fenêtres, le maire de Felicito précisait expressément, dans ce même acte, que " Tout changement de destination du bâtiment est interdit ". Pour autant, il ressort clairement des pièces du dossier, et en particulier, du procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme dressé le 1er avril 2019, que l'appelante a procédé, sans autorisation, à un changement de destination du bâtiment agricole en deux logements et à la création d'une terrasse maçonnée d'environ 21 m2 d'emprise au sol, située au niveau R+1, en façade Nord et accolée à la construction existante. Par suite, faute pour Mme A... d'avoir présenté une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble des éléments de construction à régulariser et non sur les seuls travaux mentionnés dans son dossier de demande de déclaration préalable, le maire de Felicito était tenu de s'opposer à cette demande et, dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent donc qu'être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Feliceto.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

2

No 22MA00092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00092
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Régimes de déclaration préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : ALBERTINI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-07;22ma00092 ?
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