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26/10/2023 | FRANCE | N°21MA03891

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 26 octobre 2023, 21MA03891


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Carthemis a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Carqueiranne du 7 juin 2018 délivrant à la SAS Bettyzou Développement un permis de construire une piscine et un local technique sur une parcelle située 930 avenue de Font-Brun, ensemble la décision du 17 juillet 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1803320 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

P

ar une requête, des mémoires complémentaires et deux mémoires récapitulatifs enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Carthemis a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Carqueiranne du 7 juin 2018 délivrant à la SAS Bettyzou Développement un permis de construire une piscine et un local technique sur une parcelle située 930 avenue de Font-Brun, ensemble la décision du 17 juillet 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1803320 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, des mémoires complémentaires et deux mémoires récapitulatifs enregistrés les 13 septembre 2021, 22 avril et 2 décembre 2022, 9 janvier, 15 février, 11 mai et 19 juin 2023, ainsi qu'un mémoire enregistré le 18 septembre 2023 et non communiqué, la SCI Carthemis, représentée par Me Rouhaud, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Carqueiranne du 7 juin 2018 ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux du 17 juillet 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Carqueiranne et de la SAS Bettyzou Développement une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a la qualité de voisin et intérêt à agir alors même que son terrain n'est pas attenant à celui de la SAS Bettyzou Développement, dès lors que la présence d'une piscine d'une telle envergure, à 117 mètres de sa propriété, sans écran végétal, nuira à la tranquillité des lieux ;

- le projet aurait dû être soumis à l'accord du préfet après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites dès lors qu'il s'agit d'une extension de l'urbanisation et que le territoire communal est dépourvu de plan local d'urbanisme et de schéma de cohérence territoriale ; les dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme n'ont à cet égard pas été respectées ;

- l'implantation projetée, au sein d'un espace non urbanisé et à moins de 100 mètres du littoral, méconnaît les dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme ;

- les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme sont également méconnues dès lors que l'extension de l'urbanisation envisagée n'est pas en continuité d'une agglomération ou d'un village existant ;

- de par ses caractéristiques, le terrain d'assiette a vocation à être préservé au sens des articles R. 121-4 et L. 121-23 du code de l'urbanisme ;

- en application de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, ce projet, qui est de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme de la commune, aurait dû se voir opposer un sursis à statuer ; elle n'avait pas connaissance de cette procédure lors de l'introduction de l'instance ce qui justifie que la cristallisation des moyens soit reportée.

Par des mémoires en défense et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 7 janvier et 9 juin 2022 et le 18 avril 2023, la commune de Carqueiranne, représentée par Me Parisi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI Carthemis.

Elle soutient que :

- la SCI Carthemis n'a pas intérêt à agir ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme repose sur une cause juridique nouvelle en appel et est de ce fait irrecevable ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires et deux mémoires récapitulatifs enregistrés les 10 décembre 2021, 4 décembre 2022, 9 janvier, 16 février, 18 mai et 16 juillet 2023, la SAS Bettyzou Développement et la SNC Civista, ayant acquis la propriété et bénéficiant d'un transfert du permis de construire, représentées par Me Vicquenault, concluent au rejet de la requête, le cas échéant après application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SCI Carthemis.

Elles soutiennent que :

- la SCI Carthemis n'a pas intérêt à agir ;

- les moyens nouveaux en appel tirés de la méconnaissance des articles L. 121-13, L. 121-8, L. 121-23 et L. 153-11 du code de l'urbanisme sont irrecevables en application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme ;

- celui tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme repose sur une cause juridique nouvelle en appel et est également irrecevable de ce fait ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Rouhaud, représentant la SCI Carthemis, et de Me Vicquenault, représentant la SAS Bettyzou Développement et la SNC Civista.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 7 juin 2018, le maire de la commune de Carqueiranne a délivré à la SAS Bettyzou Développement un permis de construire une piscine et un local technique, sur les parcelles cadastrées section AS n° 81 et AS n° 82, situées 930 avenue de Font-Brun, sur le territoire de la commune. La SCI Carthemis relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce permis de construire, transféré à la SNC Civista par arrêté municipal du 6 juillet 2023.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. En l'espèce, la propriété de la SCI Carthemis, située à l'est des parcelles d'implantation du projet, n'en est pas voisine immédiate dès lors qu'elle en est séparée par deux autres propriétés. Ces parcelles ont une superficie de plus de 9 500 m² et l'ouvrage litigieux doit s'implanter sur leur partie ouest, la villa Bettyzou située en leur centre s'intercalant entre le bassin et leur extrémité est. Ainsi, la construction autorisée sera distante de plus de 110 mètres de la partie la plus proche de la propriété de la SCI Carthemis, où cette dernière dispose d'une terrasse éloignée de sa villa, en bord de rivage. S'il est vrai que cette partie de propriété est peu abritée par la végétation, la SCI Carthemis n'allègue pas que la vue depuis sa propriété sera dégradée, mais seulement que les bruits provenant de la piscine et des travaux induits par le permis litigieux porteront atteinte à la tranquillité des lieux. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des études acoustiques produites, eu égard à la distance séparant la terrasse en cause ou l'habitation de l'ouvrage projeté, ainsi qu'à la présence plus rapprochée, autour de la propriété de la SCI Carthemis, de plusieurs piscines comme de la mer, que le bruit normal généré par la construction et l'usage du bassin, de sa plage et de son local technique, aucun " pool house ", ni usage public n'étant de surcroît prévu, serait susceptible, malgré leurs dimensions conséquentes, d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien de la SCI Carthemis au sens des dispositions citées ci-dessus.

5. Il résulte de ce qui précède que la SCI Carthemis ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis litigieux. Elle n'est par suite pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Carqueiranne et de la SAS Bettyzou Développement qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Carthemis une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Carqueiranne ainsi qu'une somme de 1 500 euros à verser globalement aux sociétés Bettyzou Développement et Civista sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Carthemis est rejetée.

Article 2 : La SCI Carthemis versera une somme de 1 500 euros à la commune de Carqueiranne ainsi qu'une somme globale de 1 500 euros aux sociétés Bettyzou Développement et Civista au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Carthemis, à la commune de Carqueiranne, à la SAS Bettyzou Développement et à la SNC Civista.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

-M. Portail, président,

-M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

-Mme Poullain, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.

2

N° 21MA03891


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03891
Date de la décision : 26/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-06-01-04 Urbanisme et aménagement du territoire. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Introduction de l'instance. - Obligation de notification du recours.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SCP IMAVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-26;21ma03891 ?
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