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19/10/2023 | FRANCE | N°21MA03863

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 19 octobre 2023, 21MA03863


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Machina a demandé au tribunal administratif de Nice le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 181 232 euros sur la vente en l'état futur d'achèvement de deux appartements situés à Cannes.

Par un jugement no 1804641 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2021, la SA Machina, représentée par CMS Francis Lefebvre avocats, demande à la cour :

1°)

d'annuler le jugement du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de prononcer la res...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Machina a demandé au tribunal administratif de Nice le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 181 232 euros sur la vente en l'état futur d'achèvement de deux appartements situés à Cannes.

Par un jugement no 1804641 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2021, la SA Machina, représentée par CMS Francis Lefebvre avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de prononcer la restitution du crédit en litige ;

3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'application, dans sa situation, du terme prévu à l'article 208 de l'annexe II du code général des impôts pour déclarer la taxe dont la déduction a été omise est contraire au droit de l'Union européenne, tel qu'il ressort notamment de l'arrêt C-533/16 du 21 mars 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les principes généraux du droit selon lesquels une prescription ne peut pas courir à l'encontre de celui qui ne peut pas agir ;

- elle a été dans l'impossibilité d'exercer son droit à déduction du fait des conditions d'exécution de la convention de séquestre qu'elle avait conclue en vue de l'acquisition des biens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SA Machina ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Machina a acquis le 30 mai 2013 par la voie d'une vente en l'état futur d'achèvement deux appartements situés à Cannes au prix de 3 850 000 euros. Le 27 mars 2017, elle a demandé le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 181 232 euros pour cette opération. L'administration fiscale a rejeté cette demande par une décision du 21 août 2018 au motif que le délai de déclaration prévu au I de l'article 208 de l'annexe II du code général des impôts avait expiré. La SA Machina fait appel du jugement du 9 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en question.

2. D'une part, le I de l'article 271 du code général des impôts prévoit que : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. " et " 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. " Le a bis du 2 de l'article 269 du même code précise par ailleurs que la taxe sur la valeur ajoutée est exigible : " pour les livraisons d'immeubles à construire, lors de chaque versement des sommes correspondant aux différentes échéances prévues par le contrat en fonction de l'avancement des travaux ".

3. D'autre part, le I de l'article 208 de l'annexe II du code général des impôts prévoit que : " Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission ".

4. En premier lieu, le délai de déclaration institué par les dispositions citées au point 3 n'est pas un délai de prescription. La SA Machina ne peut donc invoquer de prétendus principes généraux du droit applicables aux prescriptions.

5. En deuxième lieu, pour régler le prix de l'opération mentionnée au point 1, la SA Machina a conclu le 16 mai 2013 une convention de séquestre avec le vendeur et un notaire, constituant ce dernier comme séquestre avec la charge de régler les appels de fonds du vendeur. Les règlements effectués par le séquestre entre le 18 mars et le 5 novembre 2014 en fonction de l'état d'avancement des travaux ont constitué le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée, conformément au a bis du 2 de l'article 269 du code général des impôts, et ont corrélativement fait naître le droit à déduction chez le redevable. Contrairement à ce que soutient la SA Machina, ce droit n'est pas né en 2015 lors de la livraison du bien ou de la remise d'un décompte par le séquestre à l'expiration de sa mission. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que le délai de déclaration aurait commencé à courir à compter de l'une de ces deux dates.

6. En troisième lieu, la SA Machina fait valoir qu'en l'absence d'information communiquée par le séquestre sur les règlements effectués pour son compte, elle était dans l'impossibilité objective d'exercer son droit à déduction avant l'année 2015. En invoquant une décision C-533/16 du 21 mars 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne, elle doit être regardée comme faisant valoir que l'application du droit national à sa situation, qui serait comparable à celle du litige ayant entraîné cette décision, serait contraire au droit européen, et en particulier à la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, cette décision concernait un cas où l'exercice du droit à déduction était conditionné à l'obtention d'une facture émise par le vendeur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En outre, l'impossibilité alléguée par la SA Machina ne résulte que des conditions de paiement qu'elle a elle-même instituées, et ne peut, pour cette raison, constituer une impossibilité objective d'exercer son droit à déduction. Enfin, et à supposer même que la SA Machina n'ait eu connaissance de son droit à déduction qu'au cours du mois de mars 2015, au moment de la réception du procès-verbal de livraison et du décompte notarial, elle pouvait encore exercer ce droit jusqu'au 31 décembre 2016, par application des dispositions du I de l'article 208 de l'annexe II du code général des impôts. La SA Machina n'avance pas d'autre argument sur la contrariété au droit européen de la législation nationale, qui n'est en réalité pas en cause dans sa situation. Ce moyen doit donc être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que la SA Machina n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Machina est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Machina et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la cour,

- M. Platillero, président-assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

2

No 21MA03863


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03863
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-06 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Déductions. - Remboursements de TVA.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE NEUILLY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-19;21ma03863 ?
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