Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du conseil municipal d'Istres du 23 décembre 2020 accordant le bénéfice de la protection fonctionnelle à M. D..., maire de la commune.
Par un jugement n° 2100698, 2101789 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du conseil municipal de la commune d'Istres du 23 décembre 2020.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 septembre 2022 et 14 mars 2023, la commune d'Istres, représentée par Me Sindres, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Marseille et de rejeter la demande de première instance de M. B... ;
2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit tenant au fait d'avoir considéré qu'une enquête préliminaire n'équivalait pas à des poursuites pénales au sens de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales ;
- le placement en garde à vue d'un élu ouvre droit à la protection fonctionnelle au même titre que pour les agents publics, et ce, en application du principe général du droit dégagé par le Conseil d'Etat dans sa décision Gillet ;
- les saisies pénales dont il a été l'objet, qui constituent une mise sous-main de justice de son patrimoine, justifient également l'octroi de la protection fonctionnelle, y compris au stade de l'enquête préliminaire ;
- le champ d'application de la protection fonctionnelle prévue pour les fonctionnaires par application de l'article L. 134-4 du code général de la fonction publique a nécessairement vocation à bénéficier également aux élus locaux, sauf à créer entre ces deux catégories d'agents publics une différence de traitement non fondée sur une différence objective de situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2023, M. B..., représenté par Me Citeau, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Un courrier du 15 mars 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 9 mai 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire, enregistré le 16 mai 2023 après clôture de l'instruction, présenté pour M. B... par Me Citeau, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la fonction publique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations de Me Roman, substituant Me Sindres, représentant la commune d'Istres,
- et les observations de Me Citeau représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 23 décembre 2020, le conseil municipal de la commune d'Istres a accordé à M. C... D..., son maire, le bénéfice de la protection fonctionnelle et autorisé, en conséquence, la prise en charge par la commune de ses honoraires d'avocat et frais de procédures. La commune d'Istres relève appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales : " La commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions. ".
3. Pour annuler la délibération du 23 décembre 2020 du conseil municipal de la commune d'Istres accordant à M. D... la protection fonctionnelle, les premiers juges ont estimé que les parties ne versaient aucun élément de nature à établir que l'intéressé avait fait l'objet de poursuites pénales, et qu'en se fondant sur la seule circonstance qu'il faisait l'objet d'une enquête préliminaire conduite par le parquet national financier, le conseil municipal avait entaché sa délibération d'une erreur de droit.
4. D'une part, si l'appelante soutient, pour contester ce motif, qu'à la date à laquelle la délibération en litige est intervenue, son maire avait été placé en garde à vue et avait fait l'objet de plusieurs saisies pénales, ces seules circonstances ne suffisent pas à établir l'existence de poursuites pénales au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu'il n'est pas établi ni même allégué que l'action publique avait été mise en mouvement à l'encontre de M. D....
5. D'autre part, si la commune d'Istres soutient également qu'elle était fondée à octroyer la protection fonctionnelle à son maire sur le fondement des dispositions de l'article L. 134-4 du code général de la fonction publique, qui prévoient que la collectivité publique est tenue de protéger l'agent public qui fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions et qui, à raison de tels faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale, ces dispositions ne sont pas applicables à la situation de M. D..., les conditions d'octroi de la protection fonctionnelle aux élus municipaux étant exclusivement régies par les dispositions précitées de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, lesquelles, tout en réaffirmant l'existence du principe général du droit à la protection devant bénéficier aux élus, ne prévoient pour autant pas l'octroi de la protection fonctionnelle à leur bénéfice dans l'hypothèse d'une garde à vue signifiée en dehors de toutes poursuites pénales.
6. Enfin, outre que l'appelante ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir d'une méconnaissance du principe d'intelligibilité de la loi à l'encontre du jugement contesté, elle ne peut davantage se prévaloir d'une méconnaissance du principe d'égalité de traitement, les élus étant placés, eu égard à leurs missions et aux conditions d'exercice de celles-ci, dans une situation différente de celle des agents communaux. A supposer qu'elle ait entendu se prévaloir d'une absence de conformité des dispositions de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales au principe d'égalité, au motif que la différence de traitement entre les élus municipaux et les agents des collectivités ne serait pas en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit, un tel moyen ne peut être soulevé qu'à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée dans les formes prescrites par l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et l'article R. 771-13 du code de justice administrative. Faute d'être soulevé à l'appui d'une telle question présentée par mémoire distinct, ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Istres n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du conseil municipal du 23 décembre 2020 accordant la protection fonctionnelle à son maire, délibération qui, d'ailleurs, est intervenue en méconnaissance du droit à l'information préalable des conseillers municipaux.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune d'Istres au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Istres la somme de 2 000 euros à verser à M. B... en application des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune d'Istres est rejetée.
Article 2 : La commune d'Istres versera une somme de 2 000 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Istres et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.
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N° 22MA02463