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17/10/2023 | FRANCE | N°22MA01534

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 17 octobre 2023, 22MA01534


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le maire d'Ajaccio a refusé de délivrer à la société à responsabilité limitée (SARL) Les Collines du Golfe un permis d'aménager en vue de la création de quatorze lots à bâtir sur les parcelles cadastrées section C n°s 371, 378 à 381, 383 et 384, lieudit " Les barraques ", ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cet arrêté, et d'enjoindre au maire d'Ajaccio de

réexaminer la demande de permis, dans un délai d'un mois à compter de la notificat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le maire d'Ajaccio a refusé de délivrer à la société à responsabilité limitée (SARL) Les Collines du Golfe un permis d'aménager en vue de la création de quatorze lots à bâtir sur les parcelles cadastrées section C n°s 371, 378 à 381, 383 et 384, lieudit " Les barraques ", ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cet arrêté, et d'enjoindre au maire d'Ajaccio de réexaminer la demande de permis, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2000856 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande et a mis à sa charge, au bénéfice de la commune d'Ajaccio, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 mai, et 24 et 25 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Héquet, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 24 mars 2022 ;

2°) d'annuler ce refus de permis d'aménager du 3 octobre 2019, ensemble la décision tacite de rejet de son recours gracieux contre ce refus ;

3°) d'enjoindre au besoin au maire de la commune d'Ajaccio de réexaminer la demande de permis d'aménager présentée par la SARL Les collines du Golfe, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir.

Il soutient que :

- sa demande de première instance, qui n'est pas tardive, est recevable en ce que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il dispose d'un intérêt à agir contre le refus en litige, en sa qualité de propriétaire vendeur du terrain d'assiette du projet ;

- l'arrêté a été signé d'un adjoint au maire dont l'existence d'une délégation régulièrement publiée et suffisamment précise n'est pas prouvée ;

- contrairement à ce qu'a considéré le maire, l'assiette du projet inclut bien la

parcelle C n° 385 et présente donc le caractère d'une unité foncière, dont l'existence ne procède pas d'une règle de droit opposable et dont l'absence ne fait pas obstacle à la délivrance de plusieurs autorisations d'urbanisme ;

- le moyen tiré en défense de la compétence liée pour refuser l'autorisation, fondé sur la pluralité de terrains d'assiette et l'absence de lotissement, ne peut donc être accueilli ;

- le projet ne porte pas atteinte à un espace boisé classé, le maire ayant commis à cet égard une erreur d'appréciation ;

- l'erreur de surface qui affecterait la demande est une simple erreur de plume.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 juin 2022 et le 8 septembre 2023, la commune d'Ajaccio, présentée par Me Guillini de la SELARL Parme avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'appelant la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :

- les moyens d'appel ne sont pas fondés ;

- en tout état de cause, le maire avait compétence liée pour refuser le permis d'aménager sollicité, dès lors que le projet, portant sur des terrains ne formant pas un tènement foncier unique, ne constitue pas un lotissement au sens de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme.

Par une ordonnance du 23 juin 2023, complétée par une lettre du 16 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Héquet, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., propriétaire à Ajaccio, lieudit " Les barraques ", des parcelles cadastrées section C n°s 371, 378 à 381, 383 et 384, a conclu avec la SARL Les collines du Golfe une promesse de vente, sous la condition suspensive de l'obtention par l'acquéreur d'un permis d'aménager un lotissement, purgé de " tout recours et de tout retrait ", avant le 15 septembre 2018. Par un arrêté du 3 octobre 2019, le maire de la commune d'Ajaccio a rejeté la demande de la SARL Les collines du Golfe tendant à la délivrance, sur ces parcelles, d'un permis d'aménager un lotissement de quatorze lots à bâtir. Par un jugement du 24 mars 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Ajaccio en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la promesse de vente des parcelles cadastrées section C n°s 371, 378 à 381, 383 et 384, consentie par M. B... en qualité de propriétaire indivis, à la SARL Les collines du Golfe, comportait, dans l'intérêt de celle-ci, une clause de condition suspensive prévoyant que cette société devait non seulement déposer une demande de permis d'aménager un lotissement, et en justifier auprès du vendeur, avant le 15 mai 2018, mais encore avoir obtenu ce permis d'aménager au plus tard le 15 septembre 2018. Cette même clause précisait que l'acquéreur pouvait renoncer à son bénéfice et que c'était en l'absence d'une telle renonciation, et à défaut de permis d'aménager accordé avant cette dernière date, que la promesse deviendrait caduque. Or, en déposant, sur les mêmes parcelles, sa demande de permis d'aménager le 2 septembre 2019, la société ne peut qu'être regardée comme ayant renoncé à se prévaloir de la condition suspensive stipulée dans son intérêt exclusif. Dans ces conditions, et alors que, malgré la production au dossier d'instance d'un projet de contrat de promesse de vente préparé entre l'appelant et une autre personne, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une autre demande de permis d'aménager un lotissement aurait été déposée par ce tiers sur les mêmes parcelles, M. B... avait intérêt et était recevable à demander l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2019 qui refuse d'accorder à la SARL Les collines du Golfe un permis d'aménager. Par suite, c'est à tort que le tribunal a considéré sa demande comme irrecevable et l'a rejetée comme telle. Son jugement doit donc être annulé.

3. Au cas d'espèce, il y a lieu d'évoquer immédiatement l'affaire et de statuer sur la demande de M. B....

Sur la légalité du refus de permis d'aménager en litige :

4. Pour refuser d'accorder à la SARL Les collines du Golfe un permis d'aménager un lotissement de quatorze lots, le maire de la commune d'Ajaccio s'est fondé sur les motifs tirés, d'une part, de ce que l'opération projetée ne constitue pas un lotissement, faute de porter sur une unité foncière, d'autre part, de l'implantation de certaines parties du projet en espace boisé classé au plan local d'urbanisme de la commune, et enfin, d'une erreur commise par le pétitionnaire dans la surface du terrain à raison de 50 m2.

En ce qui concerne le bien-fondé du premier motif :

5. Aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis. ". L'article L. 442-1-2 du même code précise que : " Le périmètre du lotissement comprend le ou les lots destinés à l'implantation de bâtiments ainsi que, s'ils sont prévus, les voies de desserte, les équipements et les espaces communs à ces lots. Le lotisseur peut toutefois choisir d'inclure dans le périmètre du lotissement des parties déjà bâties de l'unité foncière ou des unités foncières concernées ". L'article R. 442-3 de ce code, relatif au contenu de la demande de permis d'aménager un lotissement, renvoie notamment aux informations mentionnées à l'article R. 441-1 concernant le dossier de demande de permis d'aménager, dont la possibilité pour la demande de ne porter que sur une partie d'une unité foncière.

6. Une opération d'aménagement ayant pour effet la division d'une propriété foncière en plusieurs lots constitue un lotissement, au sens de ces dispositions, s'il est prévu d'implanter des bâtiments sur l'un au moins de ces lots. Une telle opération doit respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme et les documents locaux d'urbanisme. Il appartient par suite à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, le projet de lotissement prévoit l'implantation de constructions dont la conformité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises. Toutefois, la circonstance que certains lots ne soient pas destinés à accueillir des constructions ne fait pas obstacle, par elle-même, à la réalisation d'une opération de lotissement incluant ces lots, dès lors que leur inclusion est nécessaire à la cohérence d'ensemble de l'opération et que la règlementation qui leur est applicable est respectée.

7. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis d'aménager déposé par la SARL Les collines du golfe, et plus particulièrement du rapprochement des indications portées sur le formulaire cerfa, du plan de situation et du plan de composition d'ensemble, que si le périmètre du lotissement, tel que délimité par ces deux dernières pièces, inclut non seulement les parcelles n°s 371, 378 à 381, 383 et 384, mais encore la parcelle n° 385 constitutive d'une voie qui dessert ces terrains en trois parties non contiguës, la demande d'autorisation présentée dans le formulaire ne porte pas sur l'ensemble de ces parcelles. Il ne résulte d'aucune de ces pièces que leurs mentions et plans seraient entachés d'une erreur qui aurait été susceptible d'être aisément décelée et surmontée par le service instructeur, qui n'était pas tenu d'adresser sur ce point au pétitionnaire une demande de pièce complémentaire. Si, ainsi qu'il a été dit au point 5, une demande de permis d'aménager un lotissement peut ne porter que sur une partie d'une unité foncière, dès lors que cette partie est elle-même d'un seul tenant, la demande de permis d'aménager présentée par la SARL Les collines du golfe ne respecte pas cette condition, dont l'appelant n'invoque du reste pas l'application. La circonstance que la promesse de vente conclue entre M. B... et la société, dont la présence au dossier de demande n'est ni établie ni même alléguée, porte également sur la parcelle n° 385, est sans incidence sur l'objet et l'étendue de la demande de permis, au seul vu de laquelle le service instructeur était en mesure de se prononcer. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du fait que le conseil de M. B... a obtenu le 20 juin 2019, concernant les mêmes parcelles, un certificat d'urbanisme opérationnel pour un lotissement de onze lots dont dix à bâtir. Il en résulte que la demande de permis d'aménager, qui concerne la division en propriété ou en jouissance non pas d'une seule unité foncière, mais de trois unités foncières non contiguës, ne porte pas sur une opération de lotissement au sens des dispositions, citées au point 4, de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme, et que pour ce motif, le maire, qui s'est de la sorte borné à constater une situation de fait, était tenu de rejeter cette demande, ainsi que le soutient la commune.

En ce qui concerne le bien-fondé du deuxième motif de refus :

8. Aux termes de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme : " Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. / Nonobstant toutes dispositions contraires, il entraîne le rejet de plein droit de la demande d'autorisation de défrichement prévue au chapitre Ier du titre IV du livre III du code forestier. (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier qu'une partie du système d'épandage prévu dans le projet de lotissement, sur la parcelle n° 384, est comprise dans l'espace boisé classé identifié par le plan local d'urbanisme de la commune d'Ajaccio du 21 mai 2013. Compte tenu des dimensions importantes de ce système d'assainissement autonome et de ses caractéristiques techniques, qui prévoient son enfouissement par tranchées, un tel changement d'affectation du sol a pour effet de compromettre la protection du boisement existant, à supposer même qu'il n'exige pas une suppression partielle de celui-ci. C'est donc à bon droit que le maire a pu refuser pour ce motif d'accorder le permis d'aménager sollicité.

10. Compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle était placé le maire d'Ajaccio pour rejeter la demande de permis d'aménager de la SARL Les collines du Golfe pour les motifs énoncés au point 7, les moyens tirés par M. B... de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige, de l'insuffisance de motivation de celui-ci, et de l'erreur affectant le troisième motif du refus sont inopérants et doivent être écartés comme tels.

11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande de substitution de motifs présentée par la commune d'Ajaccio, et tirée de l'atteinte portée à un espace boisé classé par la voie de desserte du projet, que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2019 refusant de délivrer à la SARL Les collines du Golfe un permis d'aménager. Ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune d'Ajaccio de procéder au réexamen de la demande de permis ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune d'Ajaccio tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000856 rendu le 24 mars 2022 par le tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bastia est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune d'Ajaccio tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune d'Ajaccio.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

N° 22MA015342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01534
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-04-01 Procédure. - Introduction de l'instance. - Intérêt pour agir. - Absence d'intérêt.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SELARL PARME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-17;22ma01534 ?
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