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17/10/2023 | FRANCE | N°21MA04542

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 17 octobre 2023, 21MA04542


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2019 par lequel le maire d'Albitreccia, au nom de l'Etat, ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de M. C... en vue de la transformation d'un garage en habitation, sur un terrain situé sur la parcelle cadastrée section AD n° 1000, route de Molini, lot n° 2, Résidence

La Pinède, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2000152 du 30 septemb

re 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 16 septembre 2019 et la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2019 par lequel le maire d'Albitreccia, au nom de l'Etat, ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de M. C... en vue de la transformation d'un garage en habitation, sur un terrain situé sur la parcelle cadastrée section AD n° 1000, route de Molini, lot n° 2, Résidence

La Pinède, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2000152 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 16 septembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux du 16 octobre 2019 en tant qu'ils régularisent la construction de M. C... en dehors de la zone d'implantation autorisée par le règlement du lotissement " La Pinède ".

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2021, M. C..., représenté par Me Marcaggi-Mattei, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000152 du 30 septembre 2021 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) par l'effet dévolutif de l'appel, de rejeter le recours en annulation de M. et Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme B... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de première instance de M. et Mme B... était irrecevable dès lors qu'ils ne justifient pas avoir procédé aux formalités de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme tant en ce qui concerne le recours gracieux que le recours en annulation ;

- les intéressés ne justifient pas davantage d'un intérêt leur donnant qualité pour agir conformément à l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'une inexacte appréciation matérielle des faits, d'une part en raison d'une méconnaissance de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme dès lors que le règlement du lotissement " La Pinède " était caduc, d'autre part en raison de l'avis favorable de la direction départementale des territoires et de la mer, et, enfin, parce qu'à supposer même que le règlement du lotissement ne soit pas caduc, son article 6 n'impose aucune distance entre les constructions.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 et 15 février 2022, M. E... B... et Mme F... D... épouse B..., représentés par Me Micalef, concluent au rejet de la requête de M. C..., à l'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2019, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux, et à ce que soit mis à la charge du requérant le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- leur demande d'annulation était recevable ;

- les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 mai 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Marcaggi-Mattei, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a adressé le 22 août 2019 au maire de la commune de Albitreccia une déclaration préalable de travaux pour la transformation d'un garage en surface habitable sur un terrain cadastré section AD n° 1 000 situé " Résidence de la Pinède ", route des Molines,

Lot n° 2. Par arrêté du 16 septembre 2019 pris au nom de l'Etat, le maire ne s'est pas opposé à cette déclaration préalable. M. et Mme B..., en leur qualité de voisins immédiats du projet, ont saisi l'autorité municipale, le 15 octobre 2019, d'un recours gracieux dirigé contre cet arrêté. En l'absence de réponse, ils ont saisi le tribunal administratif de Bastia d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2019 de non-opposition à déclaration préalable de travaux, ainsi que de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux. Par jugement du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 16 septembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux en tant qu'ils régularisent la construction de M. C... en dehors de la zone d'implantation autorisée par le règlement du lotissement

" La Pinède ". Il s'agit du jugement dont ce dernier relève appel dans la présente instance.

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a saisi le 15 octobre 2019 le maire de la commune de Albitreccia d'un recours gracieux contre l'arrêté du 16 septembre 2019.

Ce recours a été notifié par lettres recommandées avec accusé de réception le 16 octobre 2019 au maire et le 23 octobre 2019 au bénéficiaire de la décision, M. C.... La demande d'annulation de M. et Mme B..., enregistrée le 14 février 2020 au greffe du tribunal administratif de Bastial, a également été notifiée aux mêmes destinataires dans le respect des conditions de forme et de délai prescrites par les dispositions précitées de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

6. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

7. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a pour objet de ne pas s'opposer à une déclaration préalable portant sur la régularisation de travaux ayant eu pour finalité de créer une surface de plancher de 20 m² supplémentaire par transformation d'un garage en surface habitable, sur un terrain situé en limite séparative de celui dont M. et Mme B... sont propriétaires et sur lequel est implanté une maison d'habitation. Il ressort par ailleurs des photographies produites en défense que la construction en litige, qui a entrainé une perte de vue et une perte d'intimité liée à des ouvertures en façade donnant sur la cuisine, le salon et la terrasse de la propriété de M. et Mme B..., est de nature à affecter directement les conditions de jouissance, par ces derniers, de leur bien, et ce indépendamment de la circonstance, à la supposer même établie, qu'ils ne l'occuperaient qu'un mois par an.

8. Il suit de là que les fins de non-recevoir opposées pour la première fois en appel par M. C..., tirées du défaut d'accomplissement des formalités de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ainsi que du défaut d'intérêt à agir de

M. et Mme B..., doivent être écartées.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

9. Aux termes de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme : " Les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu. (...) ". Et aux termes de l'article 6 du règlement du lotissement " La Pinède " à Albitreccia, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives de la parcelle : " Zones d'implantation - toutes les constructions se situeront dans les zones d'implantation ".

10. D'une part, alors que M. et Mme B... font valoir, sans être contredits, que la commune de Albitreccia n'est pas couverte par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu, il ne ressort effectivement d'aucune des pièces du dossier qu'un tel document aurait été approuvé et rendu applicable par délibération du conseil municipal, de sorte qu'à la date de la décision attaquée, au demeurant prise par le maire au nom de l'Etat, le règlement du lotissement " La Pinède " annexé à l'arrêté préfectoral du 20 décembre 2002, qui fixe les règles d'urbanisme applicable dans son périmètre, parmi lesquelles figure la règle d'implantation par rapport aux limites séparatives fixée par son article 6, n'était pas devenu caduc par application des dispositions citées au point précédent de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme.

11. D'autre part, pour annuler la décision de non-opposition à déclaration préalable en litige, le tribunal administratif de Bastia a jugé que l'angle du garage de M. C..., sis sur le lot n° 2 du lotissement " La Pinède ", se situe au-delà des limites de la zone d'implantation de ce lot, telle qu'elle figure sur le plan annexé au règlement de ce lotissement. En se bornant à soutenir que l'article 6 de ce règlement ne fixe aucune distance entre les constructions, l'appelant ne critique pas utilement le motif du jugement contesté, qui repose sur une méconnaissance des seules règles d'implantation d'une construction par rapport aux limites séparatives parcellaires fixées par l'article 6 du règlement. En tout état de cause, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier, constituées tant par les documents annexés à la déclaration préalable, tel que le plan de masse, que par le plan annexé au règlement du lotissement, ou encore le procès-verbal de l'audition de M. C... dressé par les services de police le 28 janvier 2017, ainsi que le procès-verbal d'infraction dressé par les services de l'Etat le 27 janvier 2016, que la construction en litige est pour partie implantée à l'intérieur de la bande de six mètres inconstructible depuis la limite séparative et donc, par conséquent, en dehors de la zone d'implantation du terrain d'assiette fixée par le règlement de lotissement. Par suite, indépendamment de l'avis favorable de la direction départementale des territoires et de la mer, l'arrêté attaqué était illégal ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Bastia.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 16 septembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux du 16 octobre 2019 en tant qu'ils régularisent sa construction en dehors de la zone d'implantation autorisée par le règlement du lotissement " La Pinède ". Par suite, ses conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

14. Ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme B..., qui ne sont pas parties perdantes, versent à M. C... une quelconque somme au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre la charge de M. C... une somme globale de 2 000 euros à verser à M. et Mme B....

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera une somme globale de 2 000 euros à M. et Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et à M. et Mme B....

Copie en sera adressé au préfet de Corse, préfet de la Corse du Sud et à la commune de Albitreccia.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.

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N° 21MA04542


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04542
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Régimes de déclaration préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : MARCAGGI-MATTEI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-17;21ma04542 ?
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