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12/10/2023 | FRANCE | N°22MA03066

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 12 octobre 2023, 22MA03066


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel la maire de Guillestre a délivré à la société 3F Sud un permis de construire en vue de l'édification d'un ensemble immobilier de treize logements sociaux sur un terrain situé place Albert, ainsi que la décision du 13 septembre 2021 par laquelle la préfète des Hautes-Alpes a rejeté sa demande de déféré.

Par un jugement n° 2109999 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseil

le a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel la maire de Guillestre a délivré à la société 3F Sud un permis de construire en vue de l'édification d'un ensemble immobilier de treize logements sociaux sur un terrain situé place Albert, ainsi que la décision du 13 septembre 2021 par laquelle la préfète des Hautes-Alpes a rejeté sa demande de déféré.

Par un jugement n° 2109999 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2022, M. B..., représenté par la SCP Alpavocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la maire de Guillestre du 14 juin 2021 et la décision de la préfète des Hautes-Alpes du 13 septembre 2021 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Guillestre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, il justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de forme au regard des articles L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et A. 424-2 du code de l'urbanisme ;

- l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France en application de l'article R. 423-54 du code de l'urbanisme est entaché d'irrégularités et est incomplet ;

- les dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

- le dossier de demande de permis de construire est insuffisant au regard des articles R. 431-7, R. 431-8, R. 431-9 et R. 431-14 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté contesté méconnaît les prescriptions de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine de Guillestre relatives à la reconstruction à l'identique ;

- le projet litigieux méconnaît les articles Ua et Ua1 6 du règlement du plan local d'urbanisme de Guillestre ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-25 du code de l'urbanisme ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 janvier 2023, la commune de Guillestre, représentée par la SELARL Rouanet Avocats, conclut au rejet de la requête, à ce que M. B... soit condamné à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de ce dernier au titre de l'article L. 761-1 du même code.

Elle soutient que :

- à titre principal, M. B... ne justifie pas d'un intérêt à agir au regard de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés ;

- la requête de M. B... présente un caractère abusif.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 mars 2023, la société anonyme d'habitations à loyer modéré 3F Sud, représentée par la SELARL Plénot - Suares - Orlandini, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, M. B... ne justifie pas d'un intérêt à agir au regard de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'acte du 13 septembre 2021 par laquelle la préfète des Hautes-Alpes a rejeté la demande de déféré de M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mouret,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Geay, représentant la société 3F Sud.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 14 juin 2021, la maire de Guillestre a délivré à la société 3F Sud un permis de construire en vue de l'édification d'un ensemble immobilier de treize logements sociaux sur un terrain situé place Albert. M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler cet arrêté ainsi que la décision du 13 septembre 2021 par laquelle la préfète des Hautes-Alpes a rejeté sa demande de déféré. Il relève appel du jugement du 20 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de cette décision.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une autorisation d'urbanisme, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... exploite un local commercial au rez-de-chaussée d'un immeuble implanté rue Maurice Petsche dans le centre-bourg de la commune de Guillestre. Ce local est situé à un peu plus de cinquante mètres à vol d'oiseau du terrain d'assiette du projet dont il est séparé par plusieurs îlots bâtis bordés, à l'est, par la place du Général Albert et desservis par diverses voies de circulation. D'une part, au regard des caractéristiques du secteur urbanisé en cause, l'ensemble immobilier projeté, qui doit être édifié à l'extrémité nord de la place du Général Albert, ne sera pas visible depuis ce local commercial ne bénéficiant d'aucune vue sur la tour dite Tour d'Eygliers, monument historique, ni sur les anciens remparts de Guillestre. Si M. B... soutient que l'ensemble immobilier litigieux occultera la vue sur cette tour ainsi que sur ces remparts, ses allégations sur ce point sont, en ce qui le concerne, dépourvues de réalité compte tenu de ce qui vient d'être dit. D'autre part, M. B... relève que le projet litigieux, qui consiste en la création de treize logements sociaux et prévoit la création d'une unique place de stationnement, engendrera un accroissement du trafic routier ainsi que des problèmes de stationnement dans le secteur en cause, notamment dans la rue Maurice Petsche. Toutefois, il n'apparaît pas, alors au demeurant que cette dernière voie ne constitue pas la voie de desserte de l'ensemble immobilier contesté, que le projet litigieux serait susceptible de provoquer un accroissement significatif de la circulation dans ce secteur densément bâti, ni qu'il pourrait être à l'origine de difficultés de stationnement compte tenu de la présence de nombreuses places de stationnement public à proximité immédiate du terrain d'assiette, en particulier au nord de celui-ci. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que les atteintes alléguées à cet égard par M. B... seraient susceptibles d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Par ailleurs, l'allégation selon laquelle l'ensemble immobilier projeté serait, compte tenu du parti architectural retenu, de nature à porter atteinte aux intérêts de M. B... en sa qualité de commerçant du centre-bourg de Guillestre est, en tout état de cause, insuffisamment étayée. Enfin, il en va de même des allégations de l'intéressé relatives aux nuisances liées aux travaux de construction autorisés par l'arrêté contesté, alors qu'il ne peut être regardé comme voisin immédiat du terrain d'assiette. Dans ces conditions, au regard des caractéristiques du projet litigieux et de la configuration des lieux, M. B... ne justifie pas, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Marseille, d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté du 14 juin 2021.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...) ". Selon l'article L. 2131-8 du même code : " Sans préjudice du recours direct dont elle dispose, si une personne physique ou morale est lésée par un acte mentionné aux articles L. 2131-2 et L. 2131-3, elle peut, dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'acte est devenu exécutoire, demander au représentant de l'Etat dans le département de mettre en œuvre la procédure prévue à l'article L. 2131-6 (...) ".

6. Ces dispositions permettent à une personne qui s'estime lésée par un acte d'une autorité communale relevant du contrôle de légalité du représentant de l'Etat dans le département de saisir ce dernier en vue qu'il le défère au tribunal administratif. Cette saisine n'ayant pas pour effet de priver cette personne de la faculté d'exercer un recours direct contre cet acte, le refus du préfet de déférer celui-ci au tribunal administratif ne constitue pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. En revanche, si elle a été formée dans le délai du recours contentieux ouvert contre cet acte, la demande ainsi présentée au préfet a pour effet de proroger ce délai jusqu'à l'intervention de la décision explicite ou implicite par laquelle le préfet se prononce sur cette demande.

7. Il revient au juge administratif, lorsqu'il est appelé à qualifier une demande adressée à l'administration, d'apprécier la portée de cette demande au vu des termes dans lesquels elle est formulée mais aussi de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en s'attachant à donner à la saisine de l'administration un effet utile.

8. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 6 août 2021, reçu le 9 août suivant, M. B... a saisi la préfète des Hautes-Alpes d'un " recours administratif " dirigé contre l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel la maire de Guillestre, agissant au nom de la commune, a délivré un permis de construire à la société 3F Sud. Si ce courrier, qui ne vise notamment pas l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, ne comporte aucune demande tendant à ce que le permis de construire en cause soit déféré au tribunal administratif, il doit être regardé comme tendant au retrait de ce permis et a été présenté dans le délai de recours contentieux. Dans ces conditions, ce courrier doit s'analyser comme une demande de mise en œuvre de la procédure prévue à cet article L. 2131-6. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'acte du 13 septembre 2021 par lequel la préfète des Hautes-Alpes a rejeté cette demande sont irrecevables.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté comme irrecevable sa demande.

Sur l'amende pour recours abusif :

10. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

11. La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la commune de Guillestre tendant à ce que M. B... soit condamné au paiement d'une amende sur ce fondement sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Guillestre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement à la commune de Guillestre et à la société 3F Sud d'une somme de 1 000 euros chacune en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera une somme de 1 000 euros à la commune de Guillestre et une somme de 1 000 euros à la société 3F Sud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Guillestre sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la commune de Guillestre et à la société 3F Sud.

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.

2

N° 22MA03066


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA03066
Date de la décision : 12/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Octroi du permis.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Intérêt à agir.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SELARL PLENOT-SUARES-ORLANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-12;22ma03066 ?
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