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06/10/2023 | FRANCE | N°22MA01527

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 06 octobre 2023, 22MA01527


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Munayki a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution d'une somme de 30 343 euros afférente à un crédit d'impôt pour investissements en Corse au titre de l'exercice 2018.



Par un jugement n° 2000531 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Bastia a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur de la somme de 3 118 euros, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme

de 1 500 euros à la société Munayki au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Munayki a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution d'une somme de 30 343 euros afférente à un crédit d'impôt pour investissements en Corse au titre de l'exercice 2018.

Par un jugement n° 2000531 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Bastia a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur de la somme de 3 118 euros, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Munayki au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 mai 2022 et 14 novembre 2022, la SAS Munayki, représentée par Me Alpi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de prononcer la restitution d'une somme de 25 990 euros afférente à un crédit d'impôt pour investissements en Corse au titre de l'exercice 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle respecte les conditions d'éligibilité à l'amortissement dégressif lui permettant de bénéficier des dispositions de l'article 244 quater E du code général des impôts ;

- les constructions et aménagements sur sol d'autrui peuvent faire l'objet d'un amortissement dégressif, en application de l'article 39 D du code général des impôts qui ne prévoit pas que seul un amortissement linéaire devrait être pratiqué ;

- la condition de la propriété des biens n'est plus exigée par l'article 211-1 du plan comptable général ;

- ces constructions et aménagements sur sol d'autrui doivent être portés à l'actif du bilan et amortis sur leur durée normale d'utilisation et constituent des éléments corporels d'actifs de l'entreprise titulaire du bail commercial ;

- la position de l'administration fiscale est contraire à la jurisprudence du Conseil d'Etat et à l'article 555 du code civil.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre délégué chargé des comptes publics concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Munayki, qui exploite à Monticello un établissement hôtelier, a procédé, au cours de son premier exercice, à des travaux de transformation en hôtel d'une maison d'habitation sur laquelle elle détenait un bail commercial. Elle a sollicité le remboursement d'un crédit d'impôt pour investissements en Corse de 108 615 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2018. A l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet sur la période du 2 janvier 2018 au 31 décembre 2018 en ce qui concerne ses déclarations relatives à l'impôt sur les sociétés, l'administration lui a notifié, par une proposition de rectification du 13 février 2020, l'annulation du crédit d'impôt pour investissements en Corse à hauteur de 37 892 euros, puis a accepté de procéder à des remboursements partiels, à hauteur de 70 723 euros, de 5 954 euros et de 3 118 euros. Par un jugement du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Bastia a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 3 118 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. La SAS Munayki doit être regardée comme faisant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. D'une part, aux termes de l'article 244 quater E du code général des impôts dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - 1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, financés sans aide publique pour 25 % au moins de leur montant, réalisés jusqu'au 31 décembre 2020 et exploités en Corse pour les besoins d'une activité (...) commerciale (...) 3° Le crédit d'impôt prévu au 1° est égal à 20 % du prix de revient hors taxes : a. Des biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif en vertu des 1 et 2 de l'article 39 A et des agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle créés ou acquis à l'état neuf (...). ". Aux termes de l'article 39 A du même code, dans sa rédaction applicable : " 1. L'amortissement des biens d'équipement, autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession, acquis ou fabriqués à compter du 1er janvier 1960 par les entreprises industrielles, peut être calculé suivant un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de l'amortissement dégressif (...) 2. Les dispositions du 1 sont applicables dans les mêmes conditions : 1° Aux investissements hôteliers, meubles et immeubles ". Aux termes de l'article 22 de l'annexe II au même code : " Les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés (...) peuvent amortir suivant un système dégressif (...) les immobilisations acquises (...) et énumérées ci-après : (...) Immeubles et matériels des entreprises hôtelières. Sont exclus du bénéfice de l'amortissement dégressif les biens qui étaient déjà usagés au moment de leur acquisition par l'entreprise ainsi que ceux dont la durée normale d'utilisation est inférieure à trois ans ".

3. Il résulte de ces dispositions que sont éligibles au crédit d'impôt pour investissements en Corse les dépenses relatives aux biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif, les agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle, ainsi que les travaux de rénovation d'hôtel. Seuls peuvent être regardés comme des investissements hôteliers, visés par les dispositions du 2 précité de l'article 39 A du code général des impôts, les investissements en immeubles et en matériels acquis par des entreprises qui ont pour objet l'exercice de la profession hôtelière.

4. D'autre part, aux termes de l'article 39 D du code général des impôts : " L'amortissement des constructions et aménagements édifiés sur le sol d'autrui doit être réparti sur la durée normale d'utilisation de chaque élément (...). ". Il résulte de ces dispositions que l'entreprise qui édifie des constructions ou aménagements sur le sol d'autrui doit en porter le prix de revient à l'actif de ses bilans alors même que ses droits sur les constructions ou aménagements ne sont pas ceux d'un propriétaire, puis pratiquer sur ces éléments corporels de son actif immobilisé des amortissements dont le taux tienne compte uniquement de leur durée normale d'utilisation, sauf à constater une perte correspondant à la valeur comptable résiduelle le jour où ces éléments cesseraient pour une cause quelconque d'être utilisables par l'entreprise.

5. Enfin, aux termes de l'article 555 du code civil : " Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever (...) ". En application de ces dispositions, l'accession à la propriété des biens construits par un tiers sur le terrain que lui loue son propriétaire ne peut avoir lieu qu'à l'expiration du bail conclu avec ce tiers, sauf stipulations contraires.

6. Il résulte de l'instruction que la SAS Munayki a réalisé, dans le cadre de son activité commerciale et au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2018, des travaux de transformation en hôtel d'une maison d'habitation qui a fait l'objet d'un bail commercial conclu avec deux de ses actionnaires le 1er juin 2018, pour une durée de douze ans. Le service a remis partiellement en cause le bénéfice du crédit d'impôt sollicité par la société, au motif que les investissements restant en litige, réalisés sur le sol d'autrui et dans un immeuble dont la requérante n'est que locataire, ne pouvaient être amortis selon le mode dégressif. Elle précise qu'au regard des stipulations du bail commercial, ces investissements, qu'ils s'agissent d'aménagements ou d'installations s'incorporant ou non à l'immeuble, deviennent la propriété du bailleur au fur et à mesure de leur réalisation et ne peuvent ainsi faire l'objet que d'un amortissement selon le mode linéaire.

7. Cependant, les dispositions ci-dessus rappelées de l'article 39 D du code général des impôts n'impliquent pas que les dépenses engagées par une société sur le sol d'autrui ne puissent faire l'objet d'un amortissement calculé selon le système dégressif. Cet article, qui constitue une exception au principe selon lequel seuls les biens possédés par l'entreprise peuvent être inscrits à son actif et amortis par elle, admet, sans aucune restriction, l'amortissement des constructions et aménagements édifiés sur le sol d'autrui, en précisant seulement qu'il doit être réparti sur la durée normale d'utilisation de chaque élément. Par ailleurs, et en tout état de cause, aucune des stipulations du bail commercial ne prévoit expressément que le bailleur acquiert immédiatement la propriété des aménagements et installations réalisés au fur et à mesure de leur réalisation. L'article 4-7 du bail se borne à mentionner qu'" en toute hypothèse, le preneur ne pourra, en fin de jouissance, reprendre aucun élément ou matériel qu'il aura incorporé aux locaux à l'occasion d'une amélioration ou d'un embellissement ". Ainsi et contrairement à ce que fait valoir l'administration fiscale, la propriété des aménagements réalisés par la SAS Munayki doit être regardée comme étant transférée au bailleur à l'expiration du contrat de bail commercial. Il suit de là que les constructions et aménagements en cause, qui restaient au titre de l'exercice 2018 la propriété de la société requérante et figuraient d'ailleurs à l'actif de son bilan, pouvaient faire l'objet d'un amortissement selon le mode dégressif. Par suite, et sans qu'il y ait lieu de distinguer si les travaux réalisés, s'incorporant à l'immeuble, peuvent ou non être retirés sans détérioration, c'est à tort que l'administration fiscale a refusé, pour les motifs exposés, le bénéfice du crédit d'impôt en cause à la SAS Munayki.

8. Il résulte de ce qui précède que la SAS Munayki est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à ce que la somme de 25 990 euros, correspondant au crédit d'impôt pour investissements en Corse sollicité au titre de l'exercice 2018, lui soit restituée.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par la SAS Munayki et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'Etat est condamné à restituer à la SAS Munayki la somme de 25 990 euros au titre du crédit d'impôt pour investissements en Corse afférent à l'exercice clos le 31 décembre 2018.

Article 2 : Le jugement n° 2000531 du 29 mars 2022 du tribunal administratif de Bastia est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la SAS Munayki au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Munayki, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 octobre 2023.

2

N° 22MA01527


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01527
Date de la décision : 06/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CASTANEA JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-10-06;22ma01527 ?
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