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06/10/2023 | FRANCE | N°22MA01099

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 06 octobre 2023, 22MA01099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2020 par lequel la ministre des armées ne l'a pas titularisée et l'a radiée des cadres du ministère des armées pour insuffisance professionnelle à compter du premier jour du mois suivant notification de cette décision, d'enjoindre à l'administration de la réintégrer sur son poste ou sur un poste équivalent avec reprise du paiement du traitement depuis sa radiation, et de prononcer sa titularisation, en ca

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2020 par lequel la ministre des armées ne l'a pas titularisée et l'a radiée des cadres du ministère des armées pour insuffisance professionnelle à compter du premier jour du mois suivant notification de cette décision, d'enjoindre à l'administration de la réintégrer sur son poste ou sur un poste équivalent avec reprise du paiement du traitement depuis sa radiation, et de prononcer sa titularisation, en cas de refus de réintégration, de condamner l'administration à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de son emploi et la somme de 15 000 euros pour rupture vexatoire.

Par un jugement n° 2009234 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 avril 2022 et 23 mai 2023, sous le n° 22MA01099, Mme B..., représentée par Me Giraud, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au ministre des armées, de la réintégrer à son poste ou à tout poste équivalent avec reprise du paiement du traitement depuis la radiation et de prononcer sa titularisation ;

4°) en cas de refus de réintégration, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de son emploi ;

5°) en tout état de cause, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 30 000 euros pour rupture abusive et la somme de 15 000 euros pour rupture vexatoire.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas fait l'objet d'une procédure contradictoire ;

- son dossier administratif ne lui a pas été communiqué ;

- elle aurait dû être titularisée ;

- le poste pour lequel elle a été recrutée n'a jamais existé ;

- elle s'est retrouvée seule à son poste et n'a pu faire valoir ses compétences ;

- l'insuffisance professionnelle n'est pas justifiée ;

- elle n'a commis aucune faute et a toujours agi avec professionnalisme ;

- elle n'a pas refusé d'effectuer un stage de formation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de Mme B....

Il fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires de Mme B... sont irrecevables en l'absence de demande préalable ;

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., lauréate du recrutement sans concours d'adjoint administratif stagiaire du ministère de la défense au titre de l'année 2016, a été affectée, par arrêté du 13 mars 2017, au groupement de soutien de la base de défense de Marseille-Aubagne, antenne de Carpiagne à compter du 1er juillet 2017 sur un poste de " traitant droits financiers et individuels ". Par arrêté du 8 novembre 2018, son stage d'un an a été prolongé pour la même durée du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 en raison des difficultés rencontrées. L'intéressée a par la suite été placée en congés de maladie ordinaire du 12 décembre 2018 au 1er octobre 2019 et en temps partiel thérapeutique à hauteur de 70 % du 2 octobre 2019 au 1er octobre 2020. Le rapport de fin de stage du 25 juin 2020 a conclu à un avis défavorable à sa titularisation. Par arrêté du 30 septembre 2020, Mme B... n'a pas été titularisée et a été radiée des cadres pour insuffisance professionnelle, à compter du premier jour du mois suivant sa notification le 2 octobre 2020. Mme B... relève appel du jugement du 21 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 30 septembre 2020, au prononcé de sa titularisation et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros et de 15 000 euros.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Le moyen tiré de ce que Mme B... aurait dû être titularisée dès lors qu'elle avait dépassé le délai maximum de stage de deux ans doit être écarté par adoption des motifs exactement retenus par les premiers juges.

3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2° Infligent une sanction ; / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ".

4. Si la nomination dans un corps en tant que fonctionnaire stagiaire confère à son bénéficiaire le droit d'effectuer un stage dans la limite de la durée maximale prévue par les règlements qui lui sont applicables, elle ne lui confère aucun droit à être titularisé. Ainsi, la décision refusant de le titulariser à l'issue du stage n'a pour effet, ni de refuser à l'intéressé un avantage qui constituerait pour lui un droit ni, dès lors que le stage a été accompli dans la totalité de la durée prévue par la décision de nomination comme stagiaire, de retirer ou d'abroger une décision créatrice de droits. Une telle décision n'est, dès lors, pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit être écarté comme inopérant.

5. Aux termes de l'article 5 du décret du 7 octobre 1994 : " La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par le statut particulier du corps dans lequel le fonctionnaire stagiaire a vocation à être titularisé. Sauf dispositions contraires du statut particulier, le stage ne peut être prolongé d'une durée excédant celle du stage normal. La prorogation du stage n'est pas prise en compte dans le calcul de l'ancienneté à retenir lors de la titularisation. ". Aux termes de l'article 15 de ce même décret : " La durée du stage à accomplir par le fonctionnaire stagiaire qui bénéficie d'un temps partiel sur autorisation ou d'un temps partiel de droit est augmentée pour tenir compte à due proportion du rapport existant entre la durée hebdomadaire du service effectué et la durée résultant des obligations hebdomadaires du service fixées pour les agents travaillant à temps plein. ". Enfin, aux termes de l'article 27 du même décret : " (...). Si l'interruption a duré moins de trois ans, l'intéressé ne peut être titularisé avant d'avoir accompli la période complémentaire de stage qui est nécessaire pour atteindre la durée normale du stage prévu par le statut particulier en vigueur. ".

6. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne.

7. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

8. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.

9. Il ressort des pièces du dossier qu'initialement prévue sur un poste d'agent de secrétariat supérieur qu'elle a accepté le 16 février 2017, Mme B... a été finalement, en raison des besoins de service, affectée sur un poste d'agent au sein de la cellule droits financiers individuels des services administratifs et financiers. La fiche descriptive du poste d'agent de secrétariat produite au dossier correspond à la catégorie professionnelle " adjoint administratif / Tous grades ", particulièrement chargé de participer à la planification des activités du service, d'assurer le classement et l'archivage des documents, de rechercher l'information identifiée dans les textes officiels, dans " l'intradef " afin de renseigner l'autorité hiérarchique, d'exploiter et mettre à jour la documentation nécessaire au service, d'assurer la gestion du courrier arrivée et départ, d'établir des demandes nécessaires au fonctionnement du service (ordre de mission, demande de véhicule, commande de fournitures), d'aider à l'organisation d'une réunion et d'assurer l'accueil des visiteurs ou correspondants téléphoniques. Quant à la fiche correspondant au poste de " traitant cellule droit individuels ", elle mentionne au titre de la catégorie professionnelle " adjoint administratif de principal de 1ère classe " et que l'agent doit assurer physiquement ou par téléphone la réception, l'information, l'orientation et la prise en charge des personnes, le suivi des dossiers financiers des administrés, la participation au traitement de ces dossiers, la saisie sur une application informatique des données individuelles des agents ayant un impact sur la solde et à la mise à jour des tableaux de suivi mensuel de la solde et des trop-versés. Par ailleurs, le compte rendu de l'entretien du 14 septembre 2018 fixant les objectifs pour ce poste de " traitant cellule droit individuels " a été signé par la requérante sans qu'elle émette la moindre réserve. Ainsi, les missions de ces deux postes étaient sensiblement équivalentes et correspondaient, en tout état de cause, aux missions relevant du corps des adjoints administratifs auquel elle appartient et non à celle d'un gestionnaire de solde. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été affectée sur un poste ne correspondant pas à son grade et qu'elle n'a ainsi pas été en mesure de faire valoir ses compétences.

10. Il ressort du rapport de fin de stage du 15 mai 2018 que le chef du groupement de soutien de la base de défense de Marseille-Aubagne a requis une prolongation de stage d'un an en raison de ce que Mme B... a rencontré d'emblée des difficultés à s'adapter à son nouvel environnement professionnel et à s'acculturer au fonctionnement du service au sein duquel elle était employée. Il mentionne aussi que ses difficultés d'intégration ne lui ont pas permis d'acquérir les compétences nécessaires pour maîtriser les techniques liées aux différentes tâches confiées. Ce rapport fait également état du faible niveau d'autonomie de l'intéressée et conclut que les résultats ne sont pas satisfaisants malgré les actions mises en place et la bonne volonté de l'intéressée. La circonstance que le rapport précité ait été rédigé un mois et demi avant la fin de la première année de stage, le 30 juin 2018, est sans incidence sur la portée des mentions qu'il contient lesquelles concernent une période d'évaluation de dix mois et demi, suffisante pour apprécier et évaluer les compétences professionnelles et le savoir-être de l'intéressée. Par ailleurs, le rapport de fin de stage du 25 juin 2020 relève les difficultés de Mme B... à s'intégrer à la dynamique collective, une attitude attentiste, des compétences insuffisantes et des efforts à faire sur le respect des horaires de travail. Il fait, en outre, référence au refus de la requérante de suivre la formation d'adaptation à son poste, pour des raisons personnelles et de son isolement. Il conclut, en l'absence de résultats probants sur les dernières missions confiées, ainsi qu'à un avis défavorable à sa titularisation. Par ailleurs, il ressort de ce second rapport que des formations sous forme de tutorat ont été mises en place afin d'aider Mme B... à acquérir les compétences nécessaires à la tenue de son poste. Ainsi, une formation " traitant DFI " lui a été proposée qu'elle a refusée dès lors qu'elle se tenait à Querqueville et nécessitait un éloignement de son domicile durant une semaine. Début 2018, dans le cadre d'une période de réorganisation de la cellule, les agents se sont retrouvés dans un bureau unique et réaménagé leur permettant un partage des connaissances et des échanges d'informations. Toutefois, Mme B... n'en a pas profité, préférant rester sur ses acquis. Elle ne peut utilement se prévaloir de courriel des 3 et 14 décembre 2018 selon lesquels il lui est reproché d'être partie en congés sans laisser de consignes et de ne pas avoir répondu à Mme A... dès lors que ces griefs ne sont pas invoqués dans les deux rapports de fin de stage précités. En tout état de cause, les explications fournies par l'appelante ne contredisent pas utilement l'insuffisance professionnelle formulée à son encontre laquelle est matériellement établie.

11. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 7 à 10 et dès lors que l'insuffisance professionnelle de Mme B... à exercer normalement les fonctions correspondant au grade d'adjoint administratif est caractérisée, ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire, et n'est pas fondée sur des motifs qui caractérisent des fautes disciplinaires, les moyens tirés de l'absence de procédure contradictoire, de la communication de son dossier administratif et de l'avis de la commission administrative paritaire centrale du 24 septembre 2020 ne peuvent qu'être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des armées que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2020, au prononcé de sa titularisation et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros et de 15 000 euros.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de Mme B....

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 octobre 2023.

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N° 22MA01099

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01099
Date de la décision : 06/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Entrée en service. - Stage. - Fin de stage.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SCP LUCCIARDI BELLEMANIERE WATRIN GIRAUD VENZONI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-06;22ma01099 ?
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