Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier d'Antibes Juans-les-Pins à lui payer la somme de 119 734 euros au titre des indemnités compensatrices pour gardes de direction, majorée des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts, et d'enjoindre au centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins de procéder au rétablissement de sa situation administrative au regard de sa rémunération, afin que la période du 1er janvier 2013 jusqu'à juin 2018 inclus entre en compte dans le calcul de son ancienneté pour l'avancement et la retraite.
Par un jugement n° 1900680 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Nice a, d'une part, renvoyé Mme B... devant le centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins afin qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle elle a droit pour la période comprise entre le 1er janvier 2016 et le 15 juin 2018, selon les modalités définies au point 8 du jugement, d'autre part, mis à la charge du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 avril 2022, Mme B..., représentée par la SELAS LLC et associés, agissant par Me Campolo, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nice du 25 février 2022 en ce qu'il a limité son droit à indemnisation à la période comprise entre le 1er janvier 2016 et le 15 juin 2018 et a déduit de ce droit à indemnisation la fraction de la part fonctionnelle supérieure à 3 de sa prime de fonctions et de résultats ;
2°) de condamner le centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins à lui payer la somme de 119 734 euros au titre des indemnités compensatrices pour gardes de direction dues sur la période du 1er janvier 2013 au 15 juin 2018 ;
3°) de majorer cette somme des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 23 novembre 2018 ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son courrier du 25 mai 2016 ayant interrompu le délai de prescription quadriennale, elle était en droit de demander l'indemnité compensatrice mensuelle prévue à l'article 3 du décret n° 2010-30 du 8 janvier 2010 à compter du 1er janvier 2013 ;
- en précisant qu'elle sollicitait " au minimum au 1er janvier 2016 " le versement de l'indemnité compensatrice, elle n'a pas entendu limiter sa demande à cette date ;
- la fraction de sa prime de fonctions et de résultats, fixée à un coefficient supérieur à 3, ne saurait être déduite de l'indemnité qui lui est due, la créance de l'administration étant prescrite en application de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, le centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins, représenté par Me Zuelgaray, demande à la cour :
1°) à titre principal et par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 25 février 2022, de rejeter la demande de Mme B... et de mettre à la charge de cette dernière les dépens et la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête de Mme B..., de réformer le jugement du tribunal administratif de Nice du 25 février 2022 en ce qu'il l'a condamné à verser une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'appelante les dépens et la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir, à titre principal, que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés et, à titre subsidiaire, que l'indemnisation de Mme B... doit être limitée à la période du 1er janvier 2016 au 15 juin 2018 et sous déduction de la fraction des primes perçues au-dessus du coefficient multiplicateur égal à 3.
Par une ordonnance du 19 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2010-30 du 8 janvier 2010 ;
- le décret n° 2012-749 du 9 mai 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Dire pour Mme B..., présente à l'audience et qui a présenté également des observations.
Vu, enregistrée le 29 septembre 2023, la note en délibérée présentée pour Mme B... par la SELAS LLC et associés.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a exercé les fonctions de directrice des soins au sein du centre hospitalier d'Antibes-Juans-les-Pins du 1er septembre 2008 jusqu'au 15 juin 2018. Par un courrier du 23 novembre 2018, elle a adressé une demande préalable d'indemnisation visant à obtenir le paiement des indemnités compensatrices de logement au titre des gardes de direction effectuées sur la période du 1er janvier 2013 au 15 juin 2018. Le directeur du centre hospitalier d'Antibes-Juans-Les-Pins a refusé implicitement de faire droit à sa demande. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier d'Antibes-Juans-Les-Pins à lui payer la somme de 119 734 euros au titre de ces indemnités compensatrices, et d'enjoindre au centre hospitalier d'Antibes de procéder au rétablissement de sa situation administrative. Elle relève appel du jugement du 25 février 2022 par lequel le tribunal de Nice a condamné le centre hospitalier à lui verser l'indemnité compensatrice sur la période du 1er janvier 2016 au 15 juin 2018, sous déduction de la fraction des primes perçues au-dessus du coefficient multiplicateur égal à 3, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier d'Antibes-Juan-Les-Pins demande à la cour l'annulation du jugement et le rejet des conclusions dirigées à son encontre par Mme B....
Sur le droit au bénéfice de l'indemnité compensatrice mensuelle :
2. Aux termes de l'article 77 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les fonctionnaires régis par le présent titre ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 20 du titre Ier du statut général. / Un décret fixe la liste des catégories de fonctionnaires astreints, du fait de leurs fonctions, à résider dans ou à proximité de l'établissement. Les établissements ne pouvant assurer le logement de ces fonctionnaires leur versent une indemnité compensatrice. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 8 janvier 2010 pris en application de l'article 77 de la loi précitée du 9 janvier 1986 : " Dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, les concessions de logement sont attribuées par nécessité absolue de service à certains fonctionnaires, dans les conditions prévues par le présent décret. ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " I.-Les fonctionnaires occupant d'une part les emplois des corps et des statuts fonctionnels des personnels de direction et des directeurs des soins des établissements mentionnés à l' article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée et d'autre part les fonctions d'administrateur provisoire dans le cadre de l' article L. 6143-3-1 du code de la santé publique bénéficient de concessions de logement par nécessité absolue de service. Ces concessions sont attribuées en contrepartie de la participation de ces personnels aux gardes de direction et des sujétions de responsabilité permanente et de continuité du service public qui leur sont dévolues. / (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " Les fonctionnaires bénéficiant de concessions de logement par nécessité absolue de service sont logés par priorité dans le patrimoine de l'établissement. / A défaut, lorsque ce patrimoine ne permet pas d'assurer leur logement, ils bénéficient, au choix de l'établissement dont ils relèvent :- soit d'un logement locatif mis à leur disposition (...), dont la localisation est compatible avec la mise en œuvre de gardes de direction ; / - soit d'une indemnité compensatrice mensuelle, dont les montants sont fixés par arrêté des ministres chargés de la santé, du budget et de la fonction publique pour chacune des zones relatives au classement des communes (...), sous réserve que la localisation du logement occupé soit compatible avec la mise en œuvre de gardes de direction ou techniques. ".
3. Il n'est pas contesté que Mme B..., directrice des soins, a effectué sur la période litigieuse des gardes de direction au centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins. L'intéressée sollicite le versement de l'indemnité compensatrice de logement prévue à l'article 3 du décret du 8 janvier 2010, sur la période du 1er janvier 2013 au 15 juin 2018, dès lors qu'elle ne bénéficiait d'aucun logement mis à sa disposition par son employeur. Il résulte cependant de l'instruction que l'intéressée, domiciliée à Saint-Raphaël, réside à une distance d'environ 50 kilomètres du centre hospitalier, qui correspond en pratique et en moyenne, à un temps de trajet allant de 45 minutes à 1 heure 15 selon la route empruntée. Dans ces conditions, la localisation du domicile de la requérante doit, en tout état de cause, être regardée comme étant manifestement incompatible avec l'accomplissement de gardes de direction, lesquelles peuvent revêtir un caractère d'urgence et nécessitent ponctuellement, au-delà d'une simple disponibilité téléphonique, une disponibilité immédiate voire une présence permanente au sein de l'établissement. La circonstance, à la supposer même avérée, que le centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins n'aurait pas proposé à Mme B... de ne plus effectuer de gardes de direction ou n'aurait pris aucune décision à ce sujet, est en tout état de cause sans incidence sur son droit à percevoir l'indemnité litigieuse dont les conditions d'attribution sont fixées par les dispositions du décret du 8 janvier 2010. Il en va de même de son inscription sur le tableau des gardes du personnel de direction, lequel n'implique pas davantage le versement de cette indemnité. Il suit de là que Mme B... n'était pas fondée à bénéficier,
sur la période litigieuse, de l'indemnité compensatrice mensuelle de logement et que le centre hospitalier d'Antibes-Juan-Les-Pins est dès lors fondé, par son appel incident, à demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur l'indemnisation du préjudice financier au titre de la faute commise par le centre hospitalier :
4. Aux termes de l'article 5 du décret du 9 mai 2012 relatif à la prime de fonctions et de résultats des corps ou emplois fonctionnels des personnels de direction et des directeurs des soins de la fonction publique hospitalière : " Les montants individuels de la part fonctionnelle et de la part liée aux résultats de l'évaluation et à la manière de servir sont respectivement déterminés comme suit : 1° Pour la part fonctionnelle, l'attribution individuelle est déterminée par application au montant de référence d'un coefficient multiplicateur compris dans une fourchette de 1 à 6 au regard des responsabilités, du niveau d'expertise et des sujétions spéciales liés à la fonction exercée. Les personnels mentionnés à l'article 1er logés par nécessité absolue de service, ou qui bénéficient de l'indemnité compensatrice de logement en application de l'article 3 du décret du 8 janvier 2010 susvisé, perçoivent une part liée aux fonctions exercées affectée d'un coefficient compris dans une fourchette de 1 à 3 (...) 3° Pour la part fonctionnelle, le coefficient attribué aux membres du corps des directeurs des soins non logés pour nécessité absolue de service ne peut être supérieur, au sein de chaque établissement mentionné à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, à un coefficient fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, du budget et de la fonction publique. (...). "
5. Mme B... invoque, à titre subsidiaire, la faute commise par le centre hospitalier d'Antibes-Juans-les-Pins dès lors qu'elle a effectué les gardes de direction sans pour autant bénéficier de l'indemnité compensatrice mensuelle. Toutefois, il résulte de ce qui a été exposé au point 3 que cette indemnité compensatrice de logement est attribuée à l'agent faute pour son établissement de soins de rattachement, de pouvoir mettre à sa disposition une concession de logement par nécessité absolue de service ou, à défaut, un logement locatif et sous réserve, en tout état de cause, que le lieu de résidence de l'agent soit compatible avec la mise en œuvre de gardes de direction, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. L'absence de bénéfice de l'un de ces avantages, dont fait partie l'indemnité compensatrice litigieuse, n'est pas de nature à dispenser l'agent concerné de son obligation statutaire d'effectuer les gardes de direction. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier d'Antibes-Juans-les-Pins aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
6. Au surplus, la requérante ne justifie pas l'existence du préjudice financier qu'elle allègue avoir supporté en effectuant ses gardes, lesquelles font partie, ainsi qu'il a été dit, de ses obligations statutaires. D'une part, il y a lieu de constater que la réalité de la mise à disposition d'un studio situé au sein de l'établissement hospitalier pour la durée de ses gardes n'est plus contestée en appel, la requérante se bornant à soutenir qu'elle n'a bénéficié d'aucune concession de logement par nécessité absolue de service et ne soutenant pas avoir dû engager des frais pour se loger à proximité du centre hospitalier pendant ses gardes. D'autre part, le centre hospitalier établit que l'absence de versement de l'indemnité compensatrice a permis que soit attribuée à Mme B... une prime de fonctions et de résultats dont la part fonctionnelle a été affectée d'un coefficient multiplicateur de 4 puis 4,5, supérieur à la limite fixée à l'article 5 du décret du 9 mai 2012, qui est de 3 pour les personnels logés par nécessité absolue de service ou bénéficiant de l'indemnité compensatrice de logement.
7. Par suite, la demande d'indemnisation du préjudice financier invoqué par Mme B... doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier d'Antibes-Juans-les-Pins, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme B..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par le centre hospitalier d'Antibes-Juans-les-Pins, au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1900680 du 25 février 2022 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nice ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier d'Antibes-Juans-les-Pins présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente assesseure,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2023.
N° 22MA01005 2