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06/10/2023 | FRANCE | N°22MA00563

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 06 octobre 2023, 22MA00563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 24 mai 2019 par laquelle La Poste l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de six mois dont trois avec sursis, d'enjoindre à La Poste de procéder à sa réintégration dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de La Poste le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 d

u code de justice administrative.

Par un jugement n° 1905835 du 17 décem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 24 mai 2019 par laquelle La Poste l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de six mois dont trois avec sursis, d'enjoindre à La Poste de procéder à sa réintégration dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de La Poste le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1905835 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 24 mai 2019 précitée, enjoint à La Poste de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de 2 mois et mis à la charge de La Poste le paiement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2022, La Poste, représentée par Me Andreani, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905835 du tribunal administratif de Marseille du 17 décembre 2021 ;

2°) de rejeter les conclusions de M. E... ;

3°) de mettre à la charge de M. E... le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 ne pouvait être retenu par le tribunal dès lors que ce vice n'a pas exercé d'influence sur le sens de la décision et que l'ensemble des moyens de la requête de première instance de M. E... sont infondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 août 2022, M. A... E..., représenté par Me Semeriva, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de La Poste ;

2°) d'annuler la décision du 24 mai 2019 portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois dont trois avec sursis ;

3°) d'enjoindre à La Poste de procéder à sa réintégration dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de La Poste le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 ont été méconnues dès lors que le président du conseil de discipline n'a pas mis aux voix toutes les sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires ;

- l'instruction de politique discipline de La Poste a été méconnue dès lors qu'au cours de l'enquête administrative, l'imprimé 532 a été utilisé, qu'un seul enquêteur a procédé à l'enquête et qu'il n'a pas été informé, à l'issue de celle-ci de ce qu'il avait la possibilité de consulter son dossier ;

- la décision attaquée est entachée d'incompétence ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- la sanction est disproportionnée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties le jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Andreani pour La Poste et de Me Semeriva pour M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., exerçant les fonctions de facteur au sein du bureau de poste de Bonneveine à Marseille a, par une décision du 24 mai 2019, été exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de six mois dont trois avec sursis pour les faits d'insultes et menaces à l'encontre de son supérieur hiérarchique, départ du service sans autorisation et non-respect de la procédure de distribution des objets suivis. Par un jugement du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision et enjoint à La Poste de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de 2 mois. La Poste interjette appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe :- l'avertissement ; - le blâme ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours./ Deuxième groupe :- la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; - le déplacement d'office./ Troisième groupe : - la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans./ Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée./ A cette fin, le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l'accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée, jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un tel accord (...) ".

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, du procès-verbal de la commission administrative paritaire réunie en formation disciplinaire le 21 mai 2019 que le président a, tout d'abord, mis aux voix la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, sur laquelle se sont abstenus de voter les représentants de La Poste et contre laquelle ont voté les représentants du personnel. Il a, ensuite, mis aux voix la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de 6 mois dont 3 avec sursis. Cette sanction a recueilli 4 votes favorables des représentants de La Poste et 4 votes contre des représentants du personnel. Enfin, le président a mis aux voix la sanction du blâme qui a recueilli 4 votes pour des représentants du personnel et 4 votes contre des représentants de La Poste. Il ressort également dudit procès-verbal que les représentants du personnel, qui estimaient que seul le 3ème grief reproché à M. E... était établi, ont manifesté à deux reprises, y compris à la suite d'une suspension de séance, leur souhait de ne pas voter d'autre sanction qu'une sanction du 1er groupe. Par suite, au regard des positions respectives manifestées par les représentants de La Poste, d'une part, unanimement favorables à une exclusion temporaire de fonctions de 6 mois dont 3 avec sursis, sanction du 3ème groupe, et par les représentants du personnel, d'autre part, favorables à une sanction du 1er groupe, l'absence de soumission au vote d'une sanction intermédiaire, notamment du 2ème groupe, n'a, en l'espèce, exercé aucune influence sur le sens de la décision ni privé M. E... d'une garantie dès lors qu'aucune majorité n'aurait été susceptible de se dégager sur l'une de ces sanctions.

5. Il résulte de ce qui précède que La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 24 mai 2019.

6. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions de M. E... présentées devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de ladite décision du 24 mai 2019.

Sur les autres moyens soulevés par M. E... :

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C..., directeur général adjoint de la branche service courrier, a, le 25 juillet 2018, donné délégation de pouvoir à Mme G... pour la gestion des personnels de classe I à IV et, notamment, pour la discipline. Mme G... a subdélégué ces pouvoirs à M. I..., directeur exécutif Courrier Provence- Alpes Côte-d'Azur le 26 juillet 2018. Enfin, M. I... a, lui-même, subdélégué ces pouvoirs à M. F..., directeur opérationnel NOD 13, le 1er novembre 2018. Ces délégation et subdélégations ont été régulièrement publiées antérieurement à la décision litigieuse. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 24 mai 2019, signée par M. F..., serait entachée d'incompétence.

8. En deuxième lieu, si M. E... soutient que La Poste aurait méconnu l'" instruction de politique discipline " édictée en janvier 2017 dès lors, d'une part, que l'imprimé 532 aurait été utilisé, d'autre part, que l'enquête administrative aurait été menée par un seul enquêteur au lieu de deux et, enfin, qu'à l'issue de ladite enquête, il n'aurait pas été invité à consulter son dossier, les lacunes éventuelles de l'enquête administrative interne préalable à toute procédure disciplinaire sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

9. En troisième lieu, il ressort, d'une part, du témoignage de M. D..., supérieur hiérarchique de M. E... et, d'autre part, de celui de M. H... qui était présent au moment de l'altercation téléphonique qui s'est déroulée le 24 janvier 2019, que M. E... a été insultant et menaçant à l'égard de son responsable. Si M. E... produit à cet égard une attestation rédigée par Mme B... le 4 février 2019, celle-ci, qui n'est au demeurant pas accompagnée de la copie de la pièce d'identité de l'intéressée, ne précise pas la nature de ses relations avec M. E... et évoque des faits qui se seraient déroulés le 25 janvier 2019 et non le 24 janvier, n'est pas de nature à contredire utilement les deux témoignages précités. D'autre part, il est constant que, le 24 janvier 2019, M. E..., quand bien même il aurait achevé sa tournée, a quitté son service à 11 h 11 alors que celui-ci se terminait à 12 h 45. Enfin, il ressort des pièces du dossier que, les 4 janvier 2019 et 11 janvier 2019, M. E... a confié au gardien d'une copropriété des plis suivis sans s'assurer que les destinataires desdits plis avaient donné procuration au gardien, méconnaissant ainsi la procédure de distribution des objets suivis. Par suite, l'ensemble des griefs reprochés à l'intéressé sont, contrairement à ce qu'il soutient, matériellement établis et de nature à justifier que soit infligée à l'agent une sanction disciplinaire.

10. En dernier lieu, s'il est constant que M. E..., titulaire au sein de La Poste depuis 1985, n'a jamais fait l'objet précédemment d'une sanction disciplinaire, au regard, d'une part, de la nature des fautes commises, d'autre part, de ses fonctions et, enfin, de ses états de service antérieurs lesquels révèlent de nombreuses réclamations de clients, La Poste n'a, en sanctionnant l'intéressé d'une exclusion temporaire de fonctions de six mois dont trois avec sursis, pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement n° 1905835 du tribunal administratif de Marseille du 17 décembre 2021 et de rejeter les conclusions aux fins d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. E....

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que La Poste, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. E... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme de 1 000 euros qui sera versée à La Poste en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1905835 du 17 décembre 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Marseille et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : M. E... versera à La Poste la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2023.

N° 22MA00563 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00563
Date de la décision : 06/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SEMERIVA

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-06;22ma00563 ?
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