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06/10/2023 | FRANCE | N°22MA00463

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 06 octobre 2023, 22MA00463


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) SOCRYC a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'article 2 de l'arrêté n° 272/2020 du 16 juillet 2020 par lequel le maire de la commune du Castellet a rejeté sa demande d'extension de sa terrasse située sur le domaine public.

Par un jugement n° 2002333 du 8 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a, à l'article 1er, annulé l'article 2 de l'arrêté du 16 juillet 2020 et, à l'article 2, rejeté le surplus des conclusions des par

ties à l'instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) SOCRYC a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'article 2 de l'arrêté n° 272/2020 du 16 juillet 2020 par lequel le maire de la commune du Castellet a rejeté sa demande d'extension de sa terrasse située sur le domaine public.

Par un jugement n° 2002333 du 8 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a, à l'article 1er, annulé l'article 2 de l'arrêté du 16 juillet 2020 et, à l'article 2, rejeté le surplus des conclusions des parties à l'instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 et 8 février 2022, 27 septembre 2022 et 17 mars 2023, sous le n° 22MA00463, la commune du Castellet, représentée par Me Chassany, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 décembre 2021 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de rejeter les demandes de la SAS SOCRYC ;

3°) de mettre à la charge de la SAS SOCRYC la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

à titre principal :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la demande indemnitaire de la SAS SOCRYC est irrecevable ;

- les conclusions de la requête de la SAS SOCRYC tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté contesté sont dépourvues d'objet ;

à titre subsidiaire :

- l'obligation de motivation ne lui était pas opposable en application de la théorie des vices inopérants dès lors que la demande étant irrecevable, elle était tenue de la rejeter ;

- la décision de refus d'extension de l'autorisation unilatérale d'occupation du domaine public n'avait pas à être motivée ;

- la SAS SOCRYC ne pouvait prétendre à l'obtention d'une extension de terrasse dès lors qu'il n'existe pas de droit acquis au bénéfice d'une autorisation privative du domaine public et que cette extension était sollicitée sur le domaine public routier de la commune, occasionnant une gêne sur la circulation des piétions et des véhicules de secours.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet 2022 et 10 novembre 2022, la SAS SOCRYC conclut au rejet de la requête de la commune du Castellet et demande à la Cour par la voie de l'appel incident :

1°) de condamner la commune du Castellet à lui verser la somme de 176 300 euros au titre du préjudice qu'elle a subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 16 juillet 2020 ;

2°) d'enjoindre à la commune du Castellet de produire l'ensemble des demandes d'autorisation des autres exploitants ainsi que les arrêtés municipaux correspondants ;

3°) et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande d'extension de terrasse était recevable ;

- sa requête de première instance n'était pas dépourvue d'objet ;

- l'illégalité de l'arrêté lui a causé un important manque à gagner sur l'année 2020 ;

- les moyens soulevés par la commune du Castellet ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public ;

- et les observations de Me Kombila, substituant Me Chassany, représentant la commune du Castellet.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS SOCRYC exploite un bar restaurant crêperie à l'enseigne " Le Roy d'Ys " situé sur le territoire de la commune du Castellet. Elle dispose d'une autorisation annuelle d'occupation du domaine public communal afin d'y installer une terrasse sur une surface de 81 m². Le 27 juin 2020, elle a déposé une demande d'autorisation d'occupation concernant une extension de cette terrasse. Par l'article 1er de l'arrêté n° 272/2020 du 16 juillet 2020, le maire de la commune du Castellet a accordé à la société précitée, au titre de l'année 2020, une autorisation d'occupation temporaire du domaine public pour une emprise au sol, similaire à celle obtenue les années précédentes. En revanche, à l'article 2 de cet arrêté, le maire a refusé d'accorder l'extension de terrasse sollicitée par la SAS SOCRYC. La commune du Castellet relève appel du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé l'article 2 de l'arrêté du 16 juillet 2020.

Sur l'exception de non-lieu opposée par la commune du Castellet :

2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'article 2 de l'arrêté du 16 juillet 2020 contesté ait été rapporté ou abrogé par la commune du Castellet avant que le juge n'ait statué. Si la commune soutient que l'arrêté contesté a été édicté pour la seule année civile 2020, cette circonstance n'est pas de nature à faire perdre son objet à la demande dirigée contre l'article 2 de cet arrêté.

Sur l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de la SAS SOCRYC :

4. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ".

5. En première instance, la SAS SOCRYC s'est bornée à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 16 juillet 2020. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait formé auprès de la commune du Castellet une demande préalable indemnitaire. Par suite, la commune du Castellet est fondée à soutenir que les conclusions indemnitaires de la SAS SOCRYC sont irrecevables. Elles doivent dès lors être rejetées.

Sur la recevabilité de la requête de première instance :

6. La circonstance que la demande de la SAS SOCRYC auprès de la commune aurait été déposée hors délai n'a pas pour effet de rendre irrecevable sa requête, laquelle a été enregistrée au greffe du tribunal, le 1er septembre 2020, dans le délai de deux mois, mentionné à l'article R. 421-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement attaqué :

7. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la commune du Castellet a fait valoir devant le tribunal qu'elle était en situation de compétence liée pour rejeter la demande de la SAS SOCRYC et qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisance de motivation était inopérant. Le tribunal qui s'est fondé sur cette insuffisance de motivation pour annuler l'article 2 de l'arrêté du 16 juillet 2020 ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de la compétence liée de la commune, qui n'était pas inopérant. Par suite, son jugement doit être annulé.

8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SAS SOCRYC devant le tribunal administratif de Toulon.

Sur la légalité de l'article 2 de l'arrêté du 16 juillet 2020 :

9. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5... " Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

10. La décision par laquelle l'autorité gestionnaire du domaine public rejette une demande de délivrance d'une autorisation unilatérale d'occupation du domaine public constitue un refus d'autorisation au sens du 7° de l'article L. 211-2 précité du code des relations entre le public et l'administration et doit par suite être motivée en application de ces dispositions.

11. Il ressort des pièces du dossier que par un courriel du 3 juin 2020, la responsable " Tourisme et Évènementiel " de la commune du Castellet a informé les demandeurs d'autorisation d'occupation du domaine public que s'ils souhaitaient augmenter le nombre de m² demandés, par rapport aux règles de distanciation imposées, ils devaient déposer un courrier accompagné d'un plan matérialisant l'espace demandé à l'attention du maire, à l'espace touristique. Puis par un autre courriel du 12 juin 2020, cette responsable leur a précisé que les documents étaient à rendre au plus tard le 20 juin 2020. Ces deux courriels d'un simple agent communal au demeurant incompétent pour prendre une mesure à caractère réglementaire ne liaient pas le maire de la commune. A supposer même que la date de dépôt des dossiers ait été compétemment fixée par la responsable du service tourisme, le maire pouvait décider d'y déroger tant au regard de ses compétences en matière de délivrance des autorisations du domaine public que du contexte sanitaire qui avait précisément conduit la commune à s'écarter du calendrier prévu par l'arrêté du 19 décembre 2017 par lequel le maire du Castellet a réglementé l'occupation temporaire du domaine public par les commerçants, les restaurateurs et les créateurs artisans. Le maire avait ainsi la faculté de s'affranchir de la date mentionnée dans le mail de la responsable du service tourisme. D'ailleurs, la commune du Castellet reconnaît dans ses écritures qu'à la réception du dossier de demande d'obtention de m² supplémentaires de terrasse de la société SOCRYC, les services de la commune ont, malgré le caractère hors délai de la demande, bien voulu se rendre sur les lieux pour vérifier sa conformité.

12. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ; (...) ".

13. La commune du Castellet soutient qu'elle était tenue de rejeter la demande de la SAS SOCRYC dès lors qu'elle méconnaît le 1° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Toutefois, s'il résulte des principes généraux de la domanialité publique que les demandeurs d'autorisations ou de conventions d'occupation temporaire du domaine public n'ont pas de droit acquis à la délivrance d'un tel titre, l'administration, qui n'est pas en situation de compétence liée, doit apprécier les garanties présentées par chaque demande pour la meilleure utilisation possible du domaine public et vérifier si un motif d'intérêt général s'oppose à la délivrance d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 13 que la commune du Castellet n'était pas tenue de rejeter la demande d'extension d'occupation du domaine public de la SAS SOCRYC. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du rejet de cette demande serait inopérant.

15. En l'espèce, l'article 2 de l'arrêté contesté mentionne, au visa notamment de l'article L. 2122-1 du code des relations entre le public et l'administration, que " en raison des mesures de distanciation sociale imposées par le Gouvernement afin de lutter contre le Covid 19, la Mairie peut autoriser une extension des terrasses pour les cafés et restaurants de la commune. Ainsi je vous informe que votre demande d'extension est refusée ". Toutefois, ce motif ne constitue pas une considération de fait suffisante pour justifier le refus d'extension opposé à la SAS SOCRYC. L'arrêté est dès lors insuffisamment motivé en tant qu'il refuse l'extension demandée.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête et de demander à la commune du Castellet de produire l'ensemble des demandes d'autorisation faites par les autres exploitants ainsi que les arrêtés municipaux correspondants, que la SAS SOCRYC est fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 16 juillet 2020.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS SOCRYC, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune du Castellet demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Castellet la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS SOCRYC et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 décembre 2021 est annulé.

Article 2 : L'article 2 de l'arrêté du 16 juillet 2020 du maire de la commune du Castellet est annulé.

Article 3 : La commune du Castellet versera à la SAS SOCRYC une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Castellet et à la société par actions simplifiée SOCRYC.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 octobre 2023.

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N° 22MA00463

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00463
Date de la décision : 06/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-01 Domaine. - Domaine public. - Régime. - Occupation.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : CHASSANY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-06;22ma00463 ?
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