Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a déféré au tribunal administratif de Marseille, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. B... A..., et a demandé au tribunal de constater que les faits établis par procès-verbal constituent une contravention de grande voirie prévue et réprimée par l'article L. 322-10-4 du code de l'environnement, de condamner M. A... à telle peine d'amende qu'il lui plaira au titre des contraventions de cinquième classe, de lui enjoindre d'évacuer les lieux et de les remettre en l'état dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'autoriser le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à y procéder d'office aux frais du contrevenant en cas d'inexécution par l'intéressé dans un délai de deux mois après notification du présent jugement et de se réserver le droit de liquider lesdites astreintes.
Par un jugement n° 1808854 du 18 février 2021, le tribunal administratif de Marseille a relaxé M. A... des fins des poursuites engagées à son encontre sur le fondement du procès-verbal du 3 avril 2018.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 avril 2021 et 20 janvier 2022, sous le n° 21MA01381, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, représenté par Me Briec et Me Leconte, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 février 2021 ;
2°) de rejeter l'appel incident de M. A... ;
3°) de constater que les faits établis par procès-verbal constituent une contravention de grande voirie prévue et réprimée par l'article L. 322-10-4 du code de l'environnement et condamner par suite M. A... à telle peine d'amende qu'il lui plaira au titre des contraventions de cinquième classe ;
4°) d'enjoindre à M. A... d'évacuer les lieux et de les remettre en l'état dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) d'autoriser le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à demander le concours de la force publique faute pour le requis de se conformer à l'arrêt à intervenir ;
6°) de se réserver le droit de liquider lesdites astreintes ;
7°) d'autoriser le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à procéder d'office aux remises en état nécessaires aux frais du contrevenant, en cas d'inexécution par l'intéressé dans un délai de deux mois après notification de l'arrêt à intervenir ;
8°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a retenu à juste titre la compétence du juge administratif ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au point 16 dès lors qu'il se borne à adopter une formule lapidaire et générale tirée de ce qu'il ne ressortait pas de l'instruction que l'exploitation des terrains par M. A... serait incompatible avec la mission du conservatoire du littoral, ni de nature à compromettre l'usage du domaine public ;
- les parcelles en litige appartiennent au domaine public du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;
- M. A... n'est pas recevable à exciper de l'illégalité de la délibération du 21 novembre 2013 ;
- le tribunal ne pouvait opposer l'existence d'un prétendu bail rural verbal sur la base d'un jugement du 30 novembre 2020 du tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon, sans méconnaître les dispositions de l'article 1743 du code civil ;
- les conditions légales de la novation ne sont pas réunies ;
- le régime de la domanialité publique fait en tout état de cause, par principe, obstacle à toute opération de novation d'un bail de droit privé en autorisation d'occupation du domaine public ;
- un bail rural verbal, même constaté judiciairement, n'est pas de nature à conférer la valeur de titre d'occupation du domaine public ;
- M. A... est occupant sans droit ni titre du domaine public du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustre, dès lors qu'il ne justifie d'aucun titre l'autorisant à occuper le domaine public ;
- le tribunal a entaché sa décision d'une erreur de droit en jugeant que le bail rural verbal dont était titulaire M. A... avait pu lui conférer un droit d'occupation et d'usage temporaire et spécifique à compter de l'incorporation des parcelles dans son domaine public et qu'était sans incidence la circonstance qu'une convention d'occupation du domaine public doive revêtir un caractère écrit ;
- les activités développées par M. A... sur les parcelles occupées sont incompatibles avec la mission poursuivie par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et portent atteinte à l'usage du domaine public ;
- il était ainsi parfaitement fondé à saisir le juge administratif en l'espèce d'une contravention de grande voirie assortie d'une demande d'expulsion en raison de l'atteinte à l'intégrité du domaine public et l'occupation sans droit ni titre par M. A... et de ce qu'il ne respecte pas les dispositions du plan de gestion et du cahier des charges ;
- aucune servitude n'a été consentie à M. A... ;
- ce dernier n'est pas fondé à demander l'indemnisation de la perte de son fermage sur le fondement de l'article L. 411-32 du code rural qui porte sur la résiliation de parcelles classées en zone urbaine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Toumi, conclut au rejet de la requête du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et demande à la Cour :
A titre principal :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 février 2021 ;
2°) de rejeter les poursuites du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;
3°) de mettre à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
A titre subsidiaire :
4°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du juge judiciaire saisi sur l'existence d'un bail rural ;
A titre infiniment subsidiaire :
5°) en cas d'expulsion du domaine de Taxil, de juger qu'elle ne saurait intervenir avant l'expiration d'un délai de dix-huit mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
6°) de condamner le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à lui verser l'indemnité prévue à l'article L. 411-32 alinéa 5 du code rural et de la pêche maritime, et à ne l'expulser qu'au terme de l'année culturale en cours lors du paiement de ladite indemnité ;
7°) de désigner, le cas échéant, un expert ayant pour mission d'évaluer le montant de l'indemnité d'éviction et de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt de l'évaluation ;
8°) de condamner, le cas échéant, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à lui verser une provision d'un montant de 5 000 euros à valoir sur les frais d'expertise.
Il fait valoir que :
- la juridiction administrative est incompétente pour se prononcer sur les demandes du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;
- le tribunal a écarté à tort l'exception d'illégalité dirigée contre la délibération du 21 novembre 2013 comme tardive ;
- cette délibération est illégale en raison de son caractère inexistant et dès lors que les conditions de classement dans le domaine propre du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres n'étaient pas réunies et qu'elle est entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure ;
- les moyens soulevés par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ne sont pas fondés.
Par un mémoire distinct, enregistré le 1er octobre 2021, M. A..., représenté par Me Toumi, demande à la Cour d'annuler, le refus de transmission au Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution et divers autres textes de l'article L. 322-9 du code de l'environnement décidé par une ordonnance du 15 janvier 2021 de la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Marseille.
Par une ordonnance n° 21MA01381 QPC du 19 janvier 2022, le président de la 7ème chambre de la Cour a rejeté cette demande comme étant non fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'environnement ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public ;
- et les observations de Me Radi, représentant le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et de Me Toumi, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., agriculteur, occupe et exploite depuis 1997, sur les parcelles cadastrées section AS n° 1 et 2 et section AT n° 1, une fraction de 35 hectares 40 ares des parcelles d'une surface de 160 ha du mas de Taxil, situé sur le territoire de la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer. Par un acte notarié du 31 mars 2005, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a acquis du groupement foncier agricole (GFA) du mas de Taxil le domaine du mas de Taxil. Le Conservatoire a autorisé M. A... a exploité les parcelles précitées par une convention d'occupation temporaire à usage agricole, de culture et de pâturage, signée le 17 décembre 2008, d'une durée de six ans à compter du 1er janvier 2008 moyennant le paiement d'une redevance de 2 600 euros. Par une délibération du 21 novembre 2013, le conseil d'administration du Conservatoire a classé dans son domaine propre ces parcelles, en application des dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'environnement. Par un procès-verbal établi le 3 avril 2018, le garde du littoral assermenté a constaté le 30 novembre 2017 que les parcelles cadastrées section AS n° 1 et section AT n° 1 appartenant au Conservatoire étaient exploitées sans droit ni titre par M. A..., que ces terres agricoles étaient cultivées et plantées en prairie mixte (luzerne, graminée), que deux chevaux étaient parqués sur une partie de ces parcelles et que M. A... exerçait une activité de promenade à cheval. Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a déféré au tribunal administratif de Marseille, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. A.... Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres relève appel du jugement du 18 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a relaxé M. A... des fins de poursuite engagées à son encontre sur le fondement du procès-verbal du 3 avril 2018.
Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative opposée par M. A... :
2. Aux termes de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : (...) 3° Aux contraventions de grande voirie, conformément à l'article L. 774-1 du code de justice administrative (...) ". L'article L. 774-1 du code de justice administrative dispose que " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller statue sur les difficultés qui s'élèvent en matière de contravention de grande voirie, à défaut de règles établies par des dispositions spéciales ".
3. Il résulte de ces dispositions que les litiges relatifs aux contraventions de grande voirie relèvent de la compétence de la juridiction administrative. Le juge administratif est, par suite, compétent pour connaître du présent litige, qui concerne les poursuites engagées par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à l'encontre de M. A... à raison de faits qualifiés de contravention de grande voirie.
4. S'il est soutenu par M. A... que les terrains sur lesquels ont été commis les faits en raison desquels le procès-verbal a été dressé ne sont pas compris dans le domaine public du Conservatoire, cette question, qui se rattache au fond du litige, est sans incidence sur la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur les poursuites engagées à son encontre.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. En estimant au point 16 du jugement attaqué qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'exercice par M. A... d'une activité de culture et pastorale sur les parcelles mises à sa disposition dans le cadre du bail rural serait incompatible avec la mission poursuivie par le Conservatoire, telle que définie à l'article L. 322-1 du code de l'environnement, ni qu'elle serait de nature à compromettre l'usage de son domaine public et qu'au demeurant, le Conservatoire lui avait dès 2014 proposé de signer une convention d'occupation temporaire d'usage agricole en vue de régulariser sa situation et lui permettre la poursuite de son exploitation, le tribunal a suffisamment motivé le jugement contesté et n'avait pas à répondre à tous les arguments du Conservatoire de l'espace littoral et des espaces lacustres.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'appartenance du mas de Taxil au domaine public :
6. D'une part, aux termes du I de l'article L. 322-1 du code de l'environnement : " Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres est un établissement public de l'Etat à caractère administratif qui a pour mission de mener, après avis des conseils municipaux et en partenariat avec les collectivités territoriales intéressés, une politique foncière ayant pour objets la sauvegarde du littoral, le respect des équilibres écologiques et la préservation des sites naturels ainsi que celle des biens culturels qui s'y rapportent : (...) ". Aux termes de l'article L. 322-9 du même code : " Le domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres comprend les biens immobiliers acquis ainsi que ceux qui lui sont affectés, attribués, confiés ou remis en gestion par l'Etat. Le domaine propre du conservatoire est constitué des terrains dont il est devenu propriétaire et qu'il décide de conserver afin d'assurer sa mission définie à l'article L. 322-1. Le domaine relevant du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres est du domaine public à l'exception des terrains acquis non classés dans le domaine propre. Dans la limite de la vocation et de la fragilité de chaque espace, ce domaine est ouvert au public. / Les immeubles du domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres peuvent être gérés par les collectivités locales ou leurs groupements, ou les établissements publics ou les fondations et associations spécialisées agréées qui en assurent les charges et perçoivent les produits correspondants. Priorité est donnée, si elles le demandent, aux collectivités locales sur le territoire desquelles les immeubles sont situés. Les conventions signées à ce titre entre le conservatoire et les gestionnaires prévoient expressément l'usage à donner aux terrains, cet usage devant obligatoirement contribuer à la réalisation des objectifs définis à l'article L. 322-1, ainsi que le reversement périodique au conservatoire du surplus des produits qui n'ont pas été affectés à la gestion du bien. / Le conservatoire et le gestionnaire peuvent autoriser par voie de convention un usage temporaire et spécifique des immeubles dès lors que cet usage est compatible avec la mission poursuivie par le conservatoire, telle que définie à l'article L. 322-1. / Dans le cas d'un usage de ce domaine public associé à une exploitation agricole, priorité est donnée à l'exploitant présent sur les lieux au moment où les immeubles concernés sont entrés dans le domaine relevant du conservatoire. (...). La convention avec celui-ci fixe les droits et obligations de l'exploitant en application d'une convention-cadre approuvée par le conseil d'administration et détermine les modes de calcul des redevances / (...) ".
7. D'autre part, aux termes de l'article R. 322-7 du code de l'environnement : " Le domaine propre du conservatoire, mentionné à l'article L. 322-3, est constitué des terrains dont il est devenu propriétaire et qu'il décide de conserver et de classer afin d'assurer la sauvegarde du littoral, le respect des sites naturels et l'équilibre écologique. / Le conseil d'administration du conservatoire classe dans son domaine propre, mentionné à l'article L. 322-9, les biens immobiliers qui lui appartiennent lorsqu'ils constituent un ensemble permettant l'établissement d'un plan de gestion conformément à l'article R. 322-13. Il procède dans les meilleurs délais à la cession des immeubles qui n'ont pas vocation à être classés dans son domaine propre. ". L'article R. 322-10 du code précité dispose que : " La gestion du domaine relevant du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres est réalisée dans les conditions prévues aux articles L. 322-9 (...) ". Selon le dernier alinéa de l'article R. 322-11du même code : " Les conventions d'usage mentionnées à l'article L. 322-9 sont signées conjointement par le conservatoire et le gestionnaire. Elles peuvent avoir une durée supérieure à celle de la convention de gestion. Dans ce cas, le gestionnaire n'est lié au titulaire de la convention d'usage que jusqu'à l'échéance de la convention de gestion ". En outre, l'article R. 322-13 du code précité prévoit que, lorsque les immeubles relevant du Conservatoire constituent un site cohérent au regard des objectifs poursuivis, le Conservatoire élabore un plan de gestion qui définit les objectifs et les orientations selon lesquels ce site doit être géré. Par ailleurs, en vertu du 4° du II de l'article R. 322-26 du code précité, le conseil d'administration du Conservatoire délibère notamment sur le classement des immeubles dans le domaine propre de l'établissement.
8. Il résulte des dispositions mentionnées aux points 6 et 7, que l'incorporation au domaine public d'un terrain appartenant au Conservatoire de l'espace littoral et des espaces lacustres est subordonnée à l'intervention d'une délibération du conseil d'administration de l'établissement classant ce terrain dans son domaine propre. L'entrée en vigueur de cette décision de classement, qui ne constitue pas une décision réglementaire et ne présente pas davantage le caractère d'une décision administrative individuelle, est subordonnée, en l'absence de dispositions contraires, à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité.
9. Par une délibération du 21 novembre 2013, le conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a décidé de classer le domaine du mas de Taxil dans le domaine propre de l'établissement public. Il résulte de l'instruction que cette délibération a été mise en ligne à compter du 1er janvier 2017 sur le site internet du Conservatoire, dans la rubrique " Actes administratifs ", 2. Conseil d'administration (délibérations foncières et autres) ", dans des conditions garantissant la fiabilité et la date de la mise en ligne de cet acte. Cette mise en ligne doit être regardée comme une mesure de publicité suffisante permettant son entrée en vigueur à cette dernière date, alors même qu'elle n'aurait pas fait l'objet d'une notification à M. A.... Il en résulte que depuis le 1er janvier 2017, le domaine du mas de Taxil doit être regardé comme une dépendance du domaine public.
10. La délibération par laquelle le conseil d'administration de l'établissement classe un terrain dans le domaine propre du Conservatoire n'ayant pas un caractère réglementaire comme il a été dit au point 8, son illégalité ne peut être invoquée par la voie de l'exception que dans le délai du recours contentieux. Par suite, M. A... n'est pas recevable à exciper de l'illégalité de la délibération du 21 novembre 2013 classant le domaine du mas de Taxil dans le domaine propre de l'établissement public, dans son mémoire enregistré le 7 février 2020 au greffe du tribunal, soit après l'expiration du délai du recours contentieux contre cette délibération, dont il a été dit qu'elle a été régulièrement publiée le 1er janvier 2017.
11. Il résulte de ce qui précède, qu'à la date du procès-verbal du 3 avril 2018 servant de fondement aux poursuites, les parcelles en litige appartenaient au domaine public du Conservatoire de l'espace littoral et des espaces lacustres.
En ce qui concerne la matérialité de l'infraction :
12. L'article L. 322-10-4 du code de l'environnement dispose que : " Sans préjudice des sanctions pénales encourues, toute atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine public relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, ou de nature à compromettre son usage, constitue une contravention de grande voirie constatée, réprimée et poursuivie par voie administrative. / (...) / Les personnes condamnées sont tenues de réparer ces atteintes et encourent les amendes prévues pour les contraventions de cinquième classe et les cas de récidive. (...). / Le directeur du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (...), ont compétence pour saisir le tribunal administratif, dans les conditions et suivant les procédures prévues par le code de justice administrative ".
13. En vertu des dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'environnement rappelées au point 6, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, ou l'une des personnes morales mentionnées au deuxième alinéa de cet article avec laquelle il a passé une convention de gestion, peut autoriser par voie de convention un usage temporaire et spécifique des immeubles compris dans son domaine public dès lors que cet usage est compatible avec sa mission, qui comprend notamment la sauvegarde du littoral, le respect des équilibres écologiques et la préservation des sites naturels ainsi que, le cas échéant, avec le plan de gestion élaboré en application de l'article R. 322-13 du même code.
14. Lorsque le conservatoire procède à l'intégration dans le domaine public de biens immobiliers occupés et mis en valeur par un exploitant déjà présent sur les lieux en vertu d'un bail rural en cours de validité, ce bail constitue, jusqu'à son éventuelle dénonciation, un titre d'occupation de ce domaine qui fait obstacle à ce que cet exploitant soit expulsé ou poursuivi au titre d'une contravention de grande voirie pour s'être maintenu sans droit ni titre sur le domaine public. Ce contrat ne peut, en revanche, une fois ces biens incorporés au domaine public, conserver un caractère de bail rural en tant qu'il comporte des clauses incompatibles avec la domanialité publique.
15. Il s'ensuit qu'après l'incorporation au domaine public de terres mises en valeur par un exploitant, le Conservatoire peut décider de dénoncer le bail rural qui n'était pas encore parvenu à expiration, pour mettre fin à cette occupation et priver par conséquent l'exploitant du droit et du titre d'occupation procédant de ce bail. Dans l'hypothèse où, après cette dénonciation, le conservatoire considère que l'usage des biens relevant de son domaine propre peut être associé à une exploitation agricole, il peut alors proposer de conclure avec ce même exploitant, qui dispose pour la poursuite de son activité d'une priorité en vertu des dispositions de l'article L. 322-9 citées au point 6, ou, en l'absence d'accord avec celui-ci, avec un autre exploitant, une convention d'usage temporaire et spécifique qui, en vertu des dispositions de cet article, et ainsi qu'il est dit au point 13, permet un usage des terres compatible avec les missions confiées à l'établissement public, notamment la sauvegarde du littoral, le respect des équilibres écologiques et la préservation des sites naturels, ainsi que, le cas échéant, avec le plan de gestion élaboré à cette fin en application de l'article R. 322-13 du même code. Dans le cas où le bail conclu antérieurement à l'incorporation n'est pas dénoncé et au plus tard jusqu'à sa prochaine échéance - date à laquelle, en tout état de cause, le régime de la domanialité publique fait obstacle à ce qu'il puisse être renouvelé -, il est loisible au Conservatoire de laisser l'occupant, en vertu du titre dont il dispose et qui procède du bail initial, poursuivre à titre précaire cette occupation associée à une exploitation agricole, en se fondant sur les clauses de ce bail qui ne sont pas incompatibles avec la domanialité publique et les missions confiées au Conservatoire. Dans tous les cas, une exploitation agricole des biens incorporés au domaine propre de l'établissement public qui porte atteinte à l'intégrité ou à la conservation de ce domaine constitue, en vertu de l'article L. 322-10-4 du code de l'environnement cité au point 12, et sans préjudice des sanctions pénales encourues, une contravention de grande voirie qu'il appartient au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres de constater, réprimer et poursuivre par voie administrative.
16. En l'espèce, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a acquis, par un acte notarié du 31 mars 2005, du groupement foncier agricole (GFA) du mas de Taxil des parcelles du domaine du mas de Taxil situées sur le territoire de la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer. Il résulte des énonciations du procès-verbal du 3 avril 2018, dont les mentions font fois jusqu'à preuve contraire et des autres pièces du dossier que M. A... occupe et exploite les parcelles cadastrées sections AS n° 1, AS n° 2 et AT n° 1 de ce domaine depuis 1997, en vue d'y pratiquer des acticités de culture de luzerne et graminées, ainsi que d'élevage de chevaux et de promenades équestres. Par une délibération du 21 novembre 2013 ayant fait l'objet d'une mesure de publicité adéquate postérieurement à la décision n° 398659 du 5 décembre 2016 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, le conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a décidé de classer le domaine du mas de Taxil dans le domaine propre de l'établissement public.
17. Toutefois, il résulte de l'instruction que par un jugement du 30 novembre 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon a reconnu, à compter du 1er décembre 1997 que M. A... rapportait la preuve de l'existence d'un bail rural, selon la définition de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime, sur les parcelles cadastrées sections AS n° 1, AS n° 2 et AT n° 1, lequel contrat a été renouvelé avec échéance au 30 mars 2022 et en a fixé l'échéance au 1er décembre 2024. Ce jugement étant assorti de l'exécution provisoire, l'appel formé contre lui le 29 décembre 2020 est dépourvu d'effet suspensif. Par ailleurs, l'existence de ce bail a été reconnue par un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 16 décembre 2021. L'acte par lequel un particulier est autorisé à occuper une parcelle du domaine public d'une personne publique échappe néanmoins, même s'il revêt la forme ou la dénomination d'un bail rural, aux règles de fond propres au droit privé. Ainsi, si ce bail a pu produire tous les effets qu'y attache le code rural jusqu'à l'entrée des parcelles en cause dans le domaine public du Conservatoire le 1er janvier 2017, à compter de cette date et jusqu'à son expiration, il n'a pu conférer à son titulaire qu'un droit d'occupation et d'usage temporaire et spécifique de ce domaine. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il était en droit de continuer à occuper les parcelles en litige à compter du 1er janvier 2017 sous le régime des baux ruraux et notamment du statut du fermage. En revanche, à raison de l'existence de ce bail, dont le terme est fixé au 1er décembre 2024, et en l'absence de sa dénonciation par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, M. A... ne pouvait être regardé, à la date du procès-verbal du 3 avril 2018, comme un occupant sans droit ni titre de ce domaine.
18. La circonstance qu'une convention d'occupation du domaine public ne puisse être tacite et doive revêtir un caractère écrit, dès lors que le bail verbal dont il s'agit a été conclu sur des terrains privés préalablement à leur incorporation au domaine public est sans incidence. Il en va de même du fait que les conditions de la novation ne seraient pas remplies, que M. A... n'aurait jamais exécuté ce jugement du 30 novembre 2020 et qu'il refuse de payer les 13 000 euros d'arriérés de loyers ainsi que le loyer annuel pour 2020 et que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres doive mettre en concurrence les exploitants sur le domaine public. Par ailleurs, le jugement du 30 novembre 2020 du tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon ayant un caractère recognitif, il permet ainsi à l'intéressé de faire valoir les droits auxquels le jugement en cause lui permet éventuellement de prétendre à compter d'une date antérieure à celle à laquelle il a été rendu. Dès lors, la circonstance que ce jugement soit postérieur au procès-verbal du 3 avril 2018 comme à la date d'engagement des poursuites est sans incidence sur le droit d'occupation conféré par ce bail verbal à son titulaire.
19. Par le procès-verbal établi le 3 avril 2018, le garde du littoral assermenté a constaté le 30 novembre 2017 que les parcelles cadastrées sections AS n° 1 et AT n° 1 situées sur le mas de Taxil et appartenant au Conservatoire étaient cultivées et plantées en prairie mixte (luzerne, graminée), que deux chevaux étaient parqués sur une partie de ces parcelles et que M. A... exerçait une activité commerciale de promenade à cheval. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'exercice par M. A... des activités de culture et pastorale sur les parcelles mises à sa disposition dans le cadre du bail précité serait incompatible avec la mission poursuivie par le Conservatoire, telle que définie à l'article L. 322-1 du code de l'environnement, ni qu'elle serait de nature à compromettre l'usage de son domaine public. Au demeurant, par une convention d'occupation d'usage agricole du 17 décembre 2008, prenant effet du 1er janvier 2008 au 1er janvier 2014, le Conservatoire a autorisé M. A... à utiliser les parcelles cadastrées sections AT n° 1, AS n°1 AS n° 2p pour un usage exclusivement agricole de culture (blé, luzerne, tournesol, pommes de terre, asperges, ...). S'il résulte de cette convention que l'activité équestre n'était pas expressément agréée par le Conservatoire, son article 4.9 prévoyait, pour l'exploitant, une autorisation de passage sur le domaine de Taxil dans le cadre de promenades à cheval organisées depuis sa propriété. Il résulte, en outre, de l'extrait du site internet de M. A... que les activités commerciales de chambres d'hôte et de promenade à cheval sont organisées à partir du mas de Frigoules et non du mas de Taxil. Par ailleurs, ledit Conservatoire a, en 2014, proposé à M. A... de signer une convention d'occupation temporaire d'usage agricole et pastorale en vue de régulariser sa situation et lui permettre la poursuite de son exploitation. Enfin, si le Conservatoire soutient que le garde du littoral a constaté que les parcelles occupées étaient clôturées et que des portails fermés solidement cloisonnaient les différents clos en méconnaissance de l'article L. 322-9 du code de l'environnement qui pose le principe d'une ouverture au public du domaine propre de l'établissement, la convention du 17 décembre 2008 et le projet de convention de 2014 prévoyaient que l'exploitant devait entretenir les clôtures existantes. Enfin, si ce dernier soutient que les activités de culture de la luzerne et de promenades à cheval réalisées par M. A... ne respecteraient pas les dispositions du plan de gestion et du cahier des charges, ce manquement n'est pas mentionné dans le procès-verbal du 3 avril 2018. Par suite, M. A... ne peut être regardé, dans ces circonstances, comme ayant porté, à la date du 3 avril 2018, atteinte à l'intégrité du domaine public relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
20. Il résulte de tout ce qui précède que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a relaxé M. A... des fins de poursuites de contravention de grande voirie. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres est rejetée.
Article 2 : Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2023, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 octobre 2023.
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N° 21MA01381
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