Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2109942 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 août 2022, M. B..., représenté par Me Bruggiamosca, demande à la Cour :
1°) d'ordonner la communication de l'ensemble des documents sur lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a fondé son arrêté, sur le fondement de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 mars 2022 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 octobre 2021 ;
4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour de six mois avec autorisation de travail, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté n'est pas motivé en fait et est entaché d'un défaut d'examen particulier ;
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;
- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ;
- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors que la décision de refus de titre de séjour est illégale ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale dès lors que la décision de refus de titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français sont illégales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les observations de Me Colas, substituant Me Bruggiamosca, représentant M. B....
Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 26 septembre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né en 1961, de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 8 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
2. Il ressort des pièces du dossier et en particulier des certificats médicaux que la plus jeune fille du requérant, née en 2009, souffre d'une paralysie cérébrale et d'épilepsie. L'enfant bénéficie depuis son arrivée avec sa famille en France en 2019 d'une prise en charge pluridisciplinaire comportant un suivi en neurologie, médecine physique et de réadaptation, gastroentérologie et ophtalmologie, ainsi que des séances de kinésithérapie motrice et d'orthophonie, et un suivi de son appareillage. Il ressort également de l'ensemble des documents, et en particulier des nombreux bilans médicaux, ainsi que des observations présentées à l'audience, que les progrès constatés de l'enfant, affectée d'un lourd polyhandicap, ont été permis par sa prise en charge globale et coordonnée par une équipe médicale spécialisée de l'hôpital Sainte-Marguerite et par l'hôpital de la Timone à Marseille, qui n'a pas d'équivalent en Algérie. Dans ces conditions, la rupture du suivi thérapeutique de cette enfant, à qui la présence de son père à ses côtés est nécessaire, ne pourra que nuire à son développement moteur et cognitif. Ainsi, dans les circonstances très particulières de l'espèce, la décision du préfet des Bouches-du-Rhône refusant le droit au séjour de M. B... est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Il y a lieu par suite, d'annuler cette décision, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
3. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin ni d'examiner les autres moyens de la requête ni d'ordonner la communication de son entier dossier, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 octobre 2021.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
5. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. B..., sous réserve d'un changement de circonstance de fait ou de droit, un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros à verser à MeBruggiamosca, avocat de M. B..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que MeBruggiamosca renonce à la perception de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2109942 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 octobre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône, sous réserve d'un changement de circonstance de fait ou de droit, de délivrer à M. B... un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à MeBruggiamosca, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Bruggiamosca et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 octobre 2023.
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N° 22MA02257