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03/10/2023 | FRANCE | N°23MA00172

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 03 octobre 2023, 23MA00172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 mai 2021 par lequel le maire de Cuges-les-Pins l'a licencié pour insuffisance professionnelle, à compter du 31 mai suivant, et l'a radié des cadres de la fonction publique territoriale, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Cuges-les-Pins de le réintégrer dans ses précédentes fonctions et de procéder à la reconstitution de sa carrière, dans des délais respectivement de quinze jours et de deux mois

à compter de la notification du jugement à intervenir, sous une astreinte de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 mai 2021 par lequel le maire de Cuges-les-Pins l'a licencié pour insuffisance professionnelle, à compter du 31 mai suivant, et l'a radié des cadres de la fonction publique territoriale, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Cuges-les-Pins de le réintégrer dans ses précédentes fonctions et de procéder à la reconstitution de sa carrière, dans des délais respectivement de quinze jours et de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard, et, enfin, de mettre à la charge de la commune de Cuges-les-Pins une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2106481 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté du maire de Cuges-les-Pins du 28 mai 2021, a enjoint à la commune de Cuges-les-Pins de procéder tant à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de M. A... qu'à sa réintégration juridique et effective, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis, à la charge de cette même commune, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions de la demande présentée par M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 20 janvier, 30 mai et 16 août 2023, la commune de Cuges-les-Pins, représentée par Me Grimaldi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 décembre 2022 ;

2°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement du 15 décembre 2022 d'une erreur d'appréciation sur les griefs reprochés à M. A... et qui sont à l'origine de la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle engagée à son encontre, en considérant que ceux-ci n'en relevaient pas.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2013, M. A... doit être regardé comme concluant, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre accessoire, à ce que le harcèlement dont il estime être victime et les demandes engagées par la commune de Cuges-les-Pins devant le tribunal administratif de Marseille soient condamnés financièrement.

Il fait valoir que :

- la commune de Cuges-les-Pins a refusé de régulariser sa situation et de lui verser la condamnation des frais de justice ;

- la commune de Cuges-les-Pins a refusé de prendre en charge ses frais de déménagement suite au licenciement abusif dont il a été l'objet et à son obligation de changer de lieu de résidence ;

- la commune de Cuges-les-Pins a refusé de lui fournir les documents demandés malgré les avis de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) et de ses courriers ;

- la commune de Cuges-les-Pins continue de le harceler.

Un courrier du 12 avril 2023, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

En application de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, M. A... a été invité, par des courriers des 9 mai et 27 juin 2023, à produire, par le biais d'un avocat, sauf à voir les pièces produites en réponse écartées des débats comme irrecevables, les pièces suivantes :

. une copie du rapport d'audit de son service qu'il aurait remis le 27 mai 2016 ;

. une copie des courriers par lesquels il a entendu dénoncer des délits auprès du procureur de la République sur le fondement des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale ;

. tout document permettant de déterminer ce qu'il est advenu des plaintes qu'il a déposées contre des agents ou des élus de la commune de Cuges-les-Pins ;

. l'ensemble des pièces annexées à son mémoire en défense en vue de la réunion de la commission administrative paritaire du 29 mars 2021 ;

. l'ensemble des pièces annexées à ses observations en défense en vue du conseil de discipline du 17 mai 2021.

En application de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, le conseil de la commune de Cuges-les-Pins a été invité, par un courrier du 22 juin 2023, à produire :

. l'ensemble des pièces annexées au rapport de saisine de la commission administrative paritaire pour une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle dressé par son maire le 22 février 2021 ;

. le procès-verbal de la réunion de la commission administrative paritaire qui s'est réunie le 29 mars 2021 avec le sens de son avis ;

. l'ensemble des pièces annexées au rapport de saisine du conseil de discipline en vue de se prononcer pour avis dans le cadre d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle dressé par son maire le 29 avril 2021.

En réponse à cette mesure d'instruction, la commune de Cuges-les-Pins, représentée par Me Grimaldi, a produit des pièces, le 26 juin 2023.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Germe, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Cuges-les-Pins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le moyen soulevé par la commune de Cuges-les-Pins n'est pas fondé et le jugement attaqué devra donc être confirmé ;

- si, par extraordinaire, la Cour devait censurer ce jugement, elle fera tout de même droit à sa demande de première instance dès lors que :

. les faits qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis ;

. la décision contestée est entachée d'une erreur de droit, d'un détournement de procédure, d'un détournement de pouvoir et d'une erreur manifeste d'appréciation.

La clôture de l'instruction est intervenue trois jours francs avant l'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Une note en délibéré, présentée pour M. A..., par Me Capdefosse, suppléant Me Germe, a été enregistrée le 22 septembre 2023.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Cuges-les-Pins, par Me Grimaldi, a été enregistrée le 29 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le décret n° 2016-201 du 26 février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- les observations tant de Me Schwing, substituant Me Grimaldi, représentant la commune de Cuges-les-Pins, que de son maire,

- et les observations tant de Me Capdefosse, substituant Me Germe, représentant M. A..., que de ce dernier.

Considérant ce qui suit :

1. Ingénieur territorial principal, en poste au sein des effectifs de la commune de Cuges-les-Pins depuis le 21 avril 2016, M. A... a été, à compter du 31 mai 2021, licencié pour insuffisance professionnelle et radié des cadres de la fonction publique territoriale, par un arrêté du maire de cette commune du 28 mai 2021. Par un jugement du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. A..., annulé cet arrêté et enjoint à la commune de Cuges-les-Pins de procéder tant à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de ce dernier qu'à sa réintégration juridique et effective, dans un délai de deux mois à compter de sa notification. La commune de Cuges-les-Pins relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité du mémoire en défense présenté par M. A... et enregistré le 5 avril 2023 :

2. Aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 774-8, les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2. (...) ".

3. Le mémoire en défense susvisé, enregistré le 5 avril 2023, a été présenté par M. A... sans ministère d'avocat et donc en méconnaissance des dispositions des articles R. 811-7 et R. 431-11 du code de justice administrative. L'intimé a été informé de l'obligation de recourir à ce ministère d'avocat par la Cour par un courrier de régularisation du 9 mai 2013, qui est revenu, le 2 juin suivant, des services postaux avec les mentions " Présenté / avisé le : 12/05 " et " Pli avisé et non réclamé ". M. A... n'a cependant pas procédé à la régularisation de ces écritures et, dans son mémoire enregistré le 28 juillet 2023, son conseil ne les a pas reprises à son compte. Dans ces conditions, ce mémoire enregistré le 5 avril 2023 doit être écarté des débats.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Marseille :

4. D'une part, le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un fonctionnaire ne peut être fondé que sur des éléments manifestant son inaptitude à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent, ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées (Conseil d'Etat, 1er juin 2016, n° 392621, B).

5. L'insuffisance professionnelle peut résulter d'une manière de servir qui, prise dans son ensemble, révèle l'incapacité de l'agent à accomplir correctement les missions qui lui sont confiées dans le cadre normal de ses fonctions ou, s'agissant d'un stagiaire, des fonctions auxquelles il peut être appelé. Si, dans l'appréciation de cette insuffisance professionnelle, les compétences techniques sont déterminantes, il appartient au juge d'apprécier plus globalement la façon dont l'agent a exercé ses fonctions, soit sa manière de servir et son comportement général dans ses relations de travail, et ce, même si les faits en cause seraient de nature à caractériser des fautes disciplinaires.

6. D'autre part, aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 26 février 2016 portant statut particulier du cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux : " Les ingénieurs territoriaux exercent leurs fonctions dans tous les domaines à caractère scientifique et technique entrant dans les compétences d'une collectivité territoriale (...), notamment dans les domaines relatifs : / 1° A l'ingénierie ; / 2° A la gestion technique et à l'architecture ; / 3° Aux infrastructures et aux réseaux ; / 4° A la prévention et à la gestion des risques ; / 5° A l'urbanisme, à l'aménagement et aux paysages ; / 6° A l'informatique et aux systèmes d'information. /

Ils assurent des missions de conception et d'encadrement. Ils peuvent se voir confier des missions d'expertise, des études ou la conduite de projets. / Ils sont chargés, suivant le cas, de la gestion d'un service technique, d'une partie du service ou d'une section à laquelle sont confiées les attributions relevant de plusieurs services techniques. (...) ". L'article 4 du même décret ajoute que : " (...) les ingénieurs principaux sont placés à la tête d'un service technique, d'un laboratoire d'analyses ou d'un groupe de services techniques dont ils coordonnent l'activité et assurent le contrôle. / Les ingénieurs principaux peuvent également occuper les emplois de directeur des services techniques des communes et de directeur général des services techniques des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de 10 000 à 40 000 habitants ainsi que l'emploi de directeur général des services techniques des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de 40 000 à 80 000 habitants. "

7. Au cas particulier, pour justifier le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. A..., le maire de Cuges-les-Pins a relevé, dans son arrêté du 28 mai 2021, un comportement professionnel inadapté de l'intéressé caractérisé par de grandes difficultés d'intégration au sein de la collectivité, des conflits tant avec ses collaborateurs qu'avec sa hiérarchie et les élus cugeois, un manque de conscience professionnelle et d'intérêt dans ses fonctions ainsi que des carences dans ses fonctions d'encadrement et de la désinvolture.

8. Il ressort des pièces du dossier que les tâches confiées à M. A... au sein des services de la commune de Cuges-les-Pins relevaient du grade d'ingénieur territorial principal et il n'apparaît pas que ce dernier n'aurait pas disposé du nombre de collaborateurs requis ou des moyens matériels lui permettant de réaliser ses missions, y compris lorsqu'il cumulait les fonctions de directeur des services techniques et celles de directeur de l'urbanisme. Il ressort également de ces mêmes pièces que, malgré les longues périodes durant lesquelles il a été en congés ou en arrêts de travail, M. A... a sollicité, à plusieurs reprises et avec insistance, l'octroi de primes, ou des reports de congés non pris, et que son souhait était clairement de quitter les services de la commune de Cuges-les-Pins pour intégrer ceux de la métropole Aix-Marseille-Provence. Toutefois, par les pièces versées aux débats, et en l'absence de précisions utiles apportées par la commune appelante, celle-ci n'établit pas davantage devant la Cour que devant le tribunal administratif de Marseille la matérialité des griefs tenant aux carences dans ses fonctions d'encadrement, au défaut d'organisation et au manque de conscience professionnelle de M. A..., dont, au demeurant la manière de servir n'a pas été évaluée au cours d'un entretien professionnel.

9. En revanche, plusieurs pièces du dossier révèlent des problèmes de comportement de M. A... avec une tendance à s'emporter, voire à faire montre d'agressivité, dans ses relations avec ses subordonnés ou ses collègues de travail. Ainsi, dès le 6 juin 2016, soit à peine

deux mois après sa prise de poste, onze agents des services techniques de la commune de Cuges-les-Pins placés sous sa responsabilité se sont plaints, par une lettre adressée au maire, de son comportement insultant et agressif. Les 21 et 24 avril 2017, deux autres agents de la commune de Cuges-les-Pins ont déposé des mains-courantes contre M. A... pour des " agressions verbales ". Il ressort également des pièces du dossier que l'intimé s'est conduit de manière inadaptée et désinvolte lors de différents entretiens qu'il a pu avoir avec le directeur général des services et le maire de Cuges-les-Pins. Il a adopté des postures revendicatives, d'opposition, voire, comme lors de la réunion du 2 février 2021, de mutisme. Le 21 mai 2019, une altercation verbale l'a même opposé au directeur général des services, lequel a dû faire appel aux services de la police municipale alors que M. A... refusait de quitter les locaux de la mairie. En mai 2020, l'intimé a refusé de reprendre son poste de directeur des services techniques et il a fallu qu'il fasse l'objet d'une mise en demeure pour qu'il réintègre les effectifs communaux. Ainsi, l'intimé ne justifie pas du positionnement attendu d'un cadre territorial, qui plus est dans une collectivité de taille modeste.

10. A l'appui de ses écritures, M. A... soutient que l'ensemble des griefs contenus dans l'arrêté du 28 mai 2021 a été artificiellement créé par la municipalité et que la décision de le licencier pour insuffisance professionnelle est en réalité motivée par le fait qu'alors qu'il avait pris ses fonctions au sein des services de la commune de Cuges-les-Pins, cette collectivité faisait l'objet d'un contrôle de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et qu'à cette occasion, il avait dénoncé des malversations impliquant tant des agents que des élus cugeois. M. A... explique ainsi la lettre susmentionnée du 6 juin 2016 par la circonstance qu'il avait, dans ce cadre, mis en cause certains des agents qui l'ont signée. Il ajoute avoir lui-même été agressé verbalement et même physiquement. S'il ressort effectivement des pièces du dossier qu'alors même qu'il n'avait intégré les effectifs communaux que le 21 avril 2016, M. A... a, dès le mois de mai 2016, donné des informations au magistrat-instructeur chargé de ce contrôle, il n'établit toutefois pas que l'ensemble des onze agents qui ont signé cette lettre avaient été mis en cause dans les malversations qu'il avait signalées et il reste que, ainsi qu'il a été dit, deux autres agents ont déposé des mains-courantes à son encontre en 2017, sans qu'un quelconque lien puisse être établi avec le contrôle opéré par la chambre régionale des comptes PACA. Par ailleurs, faute d'avoir répondu à la mesure d'instruction susvisée, M. A... ne met pas en mesure la Cour de déterminer ce qu'il est advenu des plaintes qu'il a déposées et, au demeurant, les échanges au cours de l'audience n'ont pas davantage permis de l'éclairer. Ayant trait aux exercices 2009 et suivants, le rapport d'observations définitives de la chambre régionale des comptes PACA fait état de dysfonctionnements et d'irrégularités dans la gestion de la commune de Cuges-les-Pins qui concernent essentiellement la municipalité en place avant les élections municipales de 2014. Mais, comme le soutient M. A..., ce rapport s'intéresse également aux premières années de la mandature de la nouvelle majorité issue de ces élections et conduite par le maire en fonction. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que l'intimé a signalé au magistrat-instructeur de la chambre régionale des comptes PACA les conditions d'achat d'un véhicule impliquant la première adjointe déléguée aux finances et à l'économie de ce maire en fonction et, dans son rapport d'observations définitives, ladite chambre pointe cette opération. Pour autant, M. A... ne donne pas de précisions sur les suites qui auraient été données au rapport d'observations définitives de la chambre régionale des comptes PACA, ni davantage sur le sort qui aurait été réservé par le procureur de la République aux dénonciations qu'il lui a adressées sur le fondement des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale. Ainsi, et d'une manière générale, les pièces versées aux débats, y compris les propos tenus par le maire de Cuges-les-Pins au cours d'une interview réalisée par un journaliste et restituée au moyen d'un support électronique joint au dossier, ne sont pas suffisantes pour que la décision de licencier M. A... puisse être regardée comme une mesure de rétorsion suite aux dénonciations que ce dernier a faites au magistrat de la chambre régionale des comptes PACA chargé de l'audit de la gestion de la commune de Cuges-les-Pins.

11. Dans ces conditions, le comportement général M. A... dans l'exercice de ses fonctions et dans ses relations de travail, qui constitue le motif déterminant de l'arrêté du 28 mai 2021 et dont le caractère inadapté n'apparaît pas isolé au vu de son parcours professionnel, a perturbé le bon fonctionnement du service. Il révèle ainsi l'inaptitude de l'intimé à exercer les fonctions correspondant à son grade d'ingénieur territorial principal. Par suite, cet arrêté du 28 mai 2021 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle n'est, dans cette mesure, entaché ni d'inexactitude matérielle, ni d'une erreur d'appréciation. La commune de Cuges-les-Pins est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé, après avoir accueilli ce dernier moyen, cet arrêté.

12. Il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. A... :

13. En premier lieu, le maire de Cuges-les-Pins a pu, sans entacher son arrêté du 28 mai 2021 d'une erreur de droit, se fonder sur le comportement général de M. A... depuis sa prise de poste au sein des services de sa commune pour estimer qu'il n'était pas apte à occuper un emploi relevant du grade d'ingénieur principal alors même qu'entre le 2 février et le 31 mars 2021, ce dernier avait été affecté sur un poste de chargé de mission avant qu'il ne demande à être réintégré sur le poste de directeur des services techniques et qu'il ne soit fait droit à cette demande. Ce moyen doit dès lors être écarté.

14. En deuxième lieu, la circonstance que certains des faits retenus à l'encontre de M. A... pour justifier son licenciement pour insuffisance professionnelle seraient susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher cette mesure d'illégalité, dès lors que l'autorité administrative se fonde sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent au regard du comportement qu'elle est en droit d'attendre d'un fonctionnaire de son grade. Ainsi, la circonstance qu'avant d'intenter une procédure de licenciement pour inaptitude professionnelle à l'encontre de l'intimé, la commune de Cuges-les-Pins a engagé une procédure disciplinaire à son endroit n'est pas révélatrice, à elle seule, d'un détournement de procédure. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

15. En troisième et dernier lieu, le licenciement étant justifié ainsi qu'il a été dit au point 11 ci-dessus du présent arrêt, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit également être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Cuges-les-Pins est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté de son maire du 28 mai 2021 prononçant le licenciement de M. A... pour inaptitude professionnelle.

Sur les frais liés au litige :

17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

18. D'une part, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cuges-les-Pins, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

19. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions par la commune de Cuges-les-Pins.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2106481 du tribunal administratif de Marseille du 15 décembre 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions d'appel des parties sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cuges-les-Pins et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.

2

No 23MA00172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00172
Date de la décision : 03/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Licenciement. - Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : GERME

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-03;23ma00172 ?
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