Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le département des Alpes-de-Haute-Provence à lui verser la somme de 43 562,44 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité fautive de la décision du 10 décembre 2018 refusant de retirer l'arrêté du 13 juin 2018 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2019.
Par un jugement n° 2000233 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2022, M. A..., représenté par
Me Journault, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000233 du 4 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler la décision du 8 novembre 2019 par laquelle le conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence a rejeté sa demande indemnitaire préalable ;
3°) de condamner le conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence à lui verser la somme de 43 562,44 euros en réparation du préjudice qu'il subit du fait du refus illégal de retirer la décision emportant sa mise à la retraite avant l'âge limite ;
4°) de mettre à la charge du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 10 décembre 2018 portant rejet de sa demande de retrait de l'arrêté du 13 juin 2018 est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'illégalité de cette décision constitue une faute de nature à engager la responsabilité du département des Alpes-de-Haute-Provence dès lors qu'elle est directement en lien avec les préjudices qu'il a subis ;
- il est fondé à demander la condamnation du département des Alpes-de-Haute-Provence à lui verser la somme de 43 562,44 euros en réparation du préjudice économique résultant de l'illégalité fautive commise par l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2023, le département des Alpes-de-Haute-Provence, représenté par Me Paccard, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du requérant la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Journault, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., alors adjoint technique territorial principal de première classe au sein du département des Alpes-de-Haute-Provence, a sollicité, par courrier du 29 mai 2018, son admission à la retraite à compter du 1er janvier 2019. Par un arrêté du 13 juin 2018, notifié le 13 novembre 2018, le président du conseil départemental a satisfait à cette demande, qui n'a pas été prononcée par limite d'âge, et a radié l'intéressé des cadres de la collectivité à compter du 1er janvier 2019. Par courrier du 29 novembre 2018, M. A... a sollicité, pour raisons personnelles, le report de sa mise à la retraite. Par courrier du 10 décembre 2018, cette demande de report a été rejetée par le président du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence.
A la suite de ce refus, M. A... a saisi le département, par courrier du 4 septembre 2019, d'une demande tendant à ce qu'il soit indemnisé du préjudice économique qu'il estime avoir subi du fait du refus illégal qui lui a été opposé le 10 décembre 2018 à sa demande de report de la date de son départ à la retraite. Par la présente requête, il relève appel du jugement du 4 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de condamnation du département des Alpes-de-Haute-Provence à l'indemniser du préjudice économique résultant du refus qui lui a été opposé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article L. 242-4 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Sur demande du bénéficiaire de la décision, l'administration peut, selon le cas et sans condition de délai, abroger ou retirer une décision créatrice de droits, même légale, si son retrait ou son abrogation n'est pas susceptible de porter atteinte aux droits des tiers et s'il s'agit de la remplacer par une décision plus favorable au bénéficiaire ".
3. Si, lorsque les conditions prévues par ces dispositions sont réunies, l'auteur d'une décision peut, sans condition de délai, faire droit à une demande de retrait présentée par son bénéficiaire, il n'est toutefois pas tenu de procéder à un tel retrait, alors même que la décision serait entachée d'illégalité. Il appartient ainsi à l'auteur de la décision d'apprécier, sous le contrôle du juge, s'il peut procéder ou non au retrait, compte tenu tant de l'intérêt de celui qui l'a saisi que de celui du service. Il en résulte que, lorsque la mise à la retraite n'a pas été prononcée pour limite d'âge, une telle mesure peut, sur demande de l'intéressée, être retirée par l'autorité administrative compétente à laquelle il appartient d'apprécier, en fonction de l'intérêt du service, s'il y a lieu de reporter sa date d'effet, l'auteur de la décision n'étant, en pareil cas, pas tenu de prononcer le retrait sollicité.
4. En premier lieu, en sollicitant, par courrier du 29 novembre 2018, le report de sa mise à la retraite pour raisons personnelles, M. A... doit être regardé comme ayant demandé au président du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence de procéder au retrait de l'arrêté du 13 juin 2018 par lequel cette autorité avait, sur sa demande, admis l'intéressé à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2019. Il est par ailleurs constant que, tant à la date à laquelle cette demande de retrait a été formulée, qu'à la date à laquelle l'administration l'a rejetée, soit le 10 décembre 2018, le département n'avait pas encore procédé à l'affectation d'un agent en vue du remplacement de M. A..., lequel n'est intervenu que le 1er février 2019. Au surplus, si le département fait valoir, sans être contredit, que le recrutement du remplaçant de M. A... est intervenu dans le cadre d'une procédure de reclassement pour raisons de santé, aux termes d'un avis émis le 30 novembre 2017 par lequel le médecin du travail a considéré que la reprise du travail de l'intéressé était possible en qualité de chauffeur livreur à l'unité de préparation culinaire, il n'établit toutefois pas qu'aucun autre poste n'aurait pu être proposé à cet agent en tenant compte des prescriptions émises par la médecine du travail. Si, dans ces conditions, à la date de la décision portant rejet de la demande de retrait de l'arrêté de mise à la retraite de M. A..., soit le 10 décembre 2018, un éventuel retrait de cet arrêté n'était pas susceptible de porter atteinte aux droits de l'agent affecté sur son poste le 1er février 2019, de sorte qu'il était légalement possible, le président du conseil départemental, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, n'était en tout état de cause pas tenu d'y procéder. Dans ces conditions, la décision du 10 décembre 2018 par laquelle la demande de retrait de M. A... a été rejetée n'est pas entachée d'erreur de droit.
5. En second lieu, il résulte de l'instruction qu'afin d'assurer la continuité du service, la procédure de recrutement en vue de pourvoir le poste occupé par M. A..., qui a abouti, ainsi qu'il a été dit, à l'affectation d'un agent le 1er février 2019, était en cours à la date de la demande de retrait formulée par courrier du 29 novembre 2018 ainsi que cela résulte, notamment, du courrier daté du 25 septembre 2018 par lequel l'autorité administrative a informé le remplaçant de l'appelant de son affectation sur le poste dont il s'agit dans le cadre de sa demande de reclassement professionnelle. Par ailleurs, la seule circonstance que cet agent relèverait d'un cadre d'emploi de catégorie B ne saurait, par elle-même, dénier à son affectation tout intérêt pour le service. Enfin, outre que la demande de retrait de M. A... se bornait à faire référence à des " raisons personnelles " sans autre forme de précision, il ne résulte nullement de l'instruction, et notamment pas du courrier du 4 septembre 2019 portant demande indemnitaire préalable, que M. A..., qui a expressément sollicité, par ce courrier et à titre principal, sa réintégration dans ses précédentes fonctions, aurait manifesté la volonté d'être affecté sur tout autre poste susceptible d'être vacant. Dans ces conditions, indépendamment de la circonstance que sa manière de servir aurait toujours été satisfaisante, le rejet de sa demande de retrait, qui a pris en compte sa situation personnelle, n'est pas fondé sur des circonstances étrangères à l'intérêt du service et n'est, par suite, pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en rejetant, par la décision du 10 décembre 2018, sa demande de retrait de l'arrêté du 13 juin 2018, le président du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence aurait commis une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la collectivité. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcée la condamnation du département des Alpes-de-Haute-Provence à l'indemniser des préjudices résultant d'une illégalité fautive entachant la décision du 10 décembre 2018. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement ainsi qu'aux fins d'indemnisation doivent, par conséquent, être rejetées.
Sur les frais d'instance :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chaque partie la charge de ses frais.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département des Alpes-de-Haute-Provence en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au département des Alpes-de-Haute-Provence.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2023.
2
N° 22MA02890