Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B..., Mme D... B..., M. E... A..., Mme H... G... et
Mme F... I... ont demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le maire de la commune de Levie a délivré au syndicat de valorisation des déchets de la Corse (SYVADEC) un permis de construire une déchetterie sur la parcelle cadastrée section B n° 571, lieudit Ciniccia, et de mettre à la charge de la commune de Levie une somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2000331 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande et mis à leur charge une somme de 1 000 euros au bénéfice, respectivement, de la commune de Levie et du SYVADEC, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, après avoir admis l'intervention volontaire en défense de la communauté de communes de l'Alta-Rocca.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2021, Mme B..., M. A... et M. B..., représentée par Me Busson, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 octobre 2021 ;
2°) d'annuler ce permis de construire du 2 décembre 2019 ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Levie et du SYVADEC la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur demande de première instance était recevable, dès lors, d'une part, qu'ils justifient de la qualité de propriétaire des parcelles et de la maison d'habitation de M. C... B..., et de celle d'occupants de Mme B... et de M. A..., à la date du permis, et d'autre part, que le projet, par ses caractéristiques et sa proximité, est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens ;
- le permis de construire en litige a été signé d'une autorité incompétente, faute de production d'une délégation régulière et publiée ;
- cette autorisation a été prise en méconnaissance de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, tel que précisé par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse, dans la mesure où le projet ne se situe pas en continuité avec l'urbanisation existante et où la déchetterie en cause n'est pas incompatible avec le voisinage d'une zone habitée ;
- en accordant le permis de construire en litige, le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le " bassin d'infiltration ", la " rampe d'accès au quai de transfert " et la " zone de rétention des eaux de défense incendie " compris dans le projet étant soumis à un risque brutal d'inondation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2022, le syndicat de valorisation des déchets en Corse (SYVADEC), représenté par Me Lacroix de la SELARL Itinéraires avocats, conclut au rejet de la requête, subsidiairement au rejet de la demande de première instance, très subsidiairement à ce qu'il soit sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dans l'attente de la régularisation du permis et en tout état de cause à ce que soit mise à la charge solidaire des appelants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le syndicat fait valoir que :
- les moyens d'appel ne sont pas fondés ;
- subsidiairement, il conviendrait de faire usage de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme si l'un des vices de légalité invoqués devait néanmoins être retenu par la Cour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2022, la commune de Levie, représentée par Me Santoni, conclut au rejet de la requête, subsidiairement au rejet de la demande de première instance, très subsidiairement à ce qu'il soit sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dans l'attente de la régularisation du permis et en tout état de cause à ce que soit mise à la charge solidaire des appelants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le syndicat fait valoir que :
- les moyens d'appel ne sont pas fondés ;
- subsidiairement, il conviendrait de faire usage de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme si l'un des vices de légalité invoqués devait néanmoins être retenu par la Cour.
Par un mémoire enregistré le 19 avril 2022, la communauté de communes de l'Alta Rocca, représentée par Me Gaschy de la SCP Casalta-Gaschy, déclare intervenir volontairement au soutien des conclusions de la commune de Lévie et du SYVADEC, et conclut au rejet de la requête, subsidiairement au rejet de la demande de première instance et très subsidiairement à ce qu'il soit sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dans l'attente de la régularisation du permis en litige et à ce que soient mise à la charge des appelants la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
La communauté de communes fait valoir que :
- elle est recevable à intervenir au soutien des écritures des intimées, compte tenu de ses compétences statutaires ;
- les moyens d'appel ne sont pas fondés ;
- subsidiairement, il conviendrait de faire usage de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme si l'un des vices de légalité invoqués devait néanmoins être retenu par la Cour.
Par une ordonnance du 14 avril 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 2 mai 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Busson, représentant Mme B..., M. A... et M. B... et de Me Plenet, substituant Me Lacroix, représentant le SYVADEC.
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 septembre 2019, le syndicat de valorisation des déchets en corse (SYVADEC) a déposé une demande de permis de construire, sur la parcelle cadastrée section B, n° 571, sise lieudit Ciniccia sur la commune de Levie, pour l'implantation d'un centre technique comprenant une déchetterie et un quai de transfert de déchets valorisables, sur une surface de 6 971 m². Par un arrêté du 2 décembre 2019, le maire de la commune de Levie a délivré ce permis de construire. Par un jugement du 12 octobre 2021, dont seuls Mme B..., M. A... et M. B... relèvent appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande, également présentée par Mmes G... et I..., tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'intervention de la communauté de communes de l'Alta Rocca :
2. Eu égard à la nature et à l'objet du litige relatif à la légalité d'un permis de construire pour l'implantation d'une déchetterie, la communauté de communes de l'Alta Rocca, en raison de ses compétences statutaires, lesquelles incluent notamment le service de collecte des encombrants, justifie d'un intérêt au maintien de cette autorisation d'urbanisme, et partant au maintien du jugement qui rejette le recours tendant à l'annulation de celle-ci. Il y a donc lieu d'admettre son intervention volontaire au soutien des écritures en défense produites à la fois par la commune de Levie, auteur du permis litigieux, et par le SYVADEC, bénéficiaire de cette autorisation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'état du droit applicable :
3. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Aux termes de l'article R. 600-4 du même code : " Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant./ (...) ".
4. Une personne, entendant agir comme propriétaire d'un tel bien, qui ne fait état ni d'un acte de propriété, ni d'une promesse de vente, ni d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ne justifie pas d'un intérêt de nature à lui donner qualité pour demander l'annulation d'une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme, sauf à ce qu'elle puisse sérieusement revendiquer la propriété de ce bien devant le juge compétent.
5. Par ailleurs, il appartient à l'auteur d'un recours contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol, autre que le pétitionnaire, de produire la ou les pièces requises par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, notamment, s'agissant d'un requérant autre que l'Etat, une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou une association, le titre ou l'acte correspondant au bien dont les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance seraient selon lui directement affectées par le projet litigieux. Dans le cas où, à la suite d'une fin de non-recevoir opposée sur ce point par le défendeur ou, à défaut, d'une invitation à régulariser qu'il appartient alors au tribunal administratif de lui adresser, la ou les pièces requises par ces dispositions n'ont pas été produites, la requête doit être rejetée comme irrecevable. Sous réserve du cas dans lequel le juge d'appel annulerait le jugement et statuerait sur la demande de première instance par la voie de l'évocation, le requérant n'est pas recevable à produire pour la première fois en appel ces éléments justificatifs, notamment, s'agissant d'un requérant entrant dans le champ d'application du premier alinéa de l'article R. 600-4, le titre ou l'acte correspondant à l'intérêt pour agir dont il se prévalait en première instance.
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
6. Pour rejeter la demande de Mme B... et autres, les premiers juges ont considéré, d'une part, qu'ils n'avaient pas produit les pièces requises par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme pour justifier de leur intérêt à demander l'annulation du permis de construire du 2 décembre 2019, et d'autre part que leur intérêt à agir contre cette autorisation n'était pas suffisant au regard des conditions posées par l'article L. 600-1-2 du même code.
7. Pour justifier de la qualité de propriétaire de trois parcelles cadastrées section F
n° 623 à 625, dont une parcelle bâtie, qu'il invoquait au soutien de sa demande, M. C... B... s'est borné à produire devant le tribunal un relevé cadastral de ces propriétés et un avis de taxe foncière au titre de l'année 2019. Toutefois, en admettant que ce relevé, qui ne comporte aucune date, se rapporte à l'année 1998, ainsi que l'indique la date du tampon du service communal qui y est apposé, et alors que l'avis d'imposition foncière ne précise pas la propriété concernée mais se borne à mentionner l'adresse de M. B..., à Porto-Vecchio, aucune de ces deux pièces, même lues conjointement, ne peut tenir lieu de titre de propriété ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de la détention du bien invoquée par le requérant, au sens et pour l'application de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme. M. B..., dûment invité par le tribunal à produire les justificatifs exigés par cet article et auquel avaient été communiqués les mémoires de la commune et du SYVADEC lui opposant la fin de non-recevoir tirée du non-respect de ces dispositions, n'est en outre pas recevable à produire, pour la première fois devant la Cour, l'acte de donation-partage, du 22 février 2021, le mentionnant comme propriétaire de ces parcelles, ainsi que le font valoir les intimés.
8. En outre, pour justifier de la qualité d'occupants d'un chalet édifié en 1998 sur les parcelles section F n° 623 à 625, dont ils se prévalaient devant les premiers juges, Mme B... et M. A... ont versé au dossier de première instance, respectivement, un permis de construire délivré le 9 avril 1998 au nom de la première, accompagné d'une attestation de son père, M. C... B... se présentant comme le propriétaire du terrain d'assiette du projet, et pour le second, une facture d'électricité établie le 3 mars 2020 à son seul nom, faisant apparaître une consommation antérieure au permis en litige, ainsi qu'une attestation de Mme B... du 17 avril 2020 selon laquelle celle-ci le loge dans son chalet depuis le 1er janvier 2018 à titre gracieux. Cependant, dans la mesure où, même en admettant que la délivrance du permis de construire du 9 avril 1998 à Mme B... puisse valoir autorisation de son père à occuper ce bien, ce dernier ne justifie pas de sa détention régulière du terrain d'assiette de cette construction, ainsi qu'il a été dit au point 7, et où Mme B... ne justifie ainsi pas non plus d'un titre régulier d'occupation, M. A... ne peut davantage se prévaloir régulièrement de la qualité d'hébergé à titre gracieux par cette dernière. Au demeurant, M. A... ne livre aucune indication de nature à expliquer l'établissement d'une facture d'énergie à son seul nom, alors qu'il affirme n'être qu'hébergé à titre gracieux par Mme B....
9. Enfin, Mme B... et M. A..., qui ont été eux aussi invités par le tribunal à régulariser leur demande au regard des exigences de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme et qui ont reçu communication des écritures des défendeurs invoquant l'irrecevabilité de leur action sur le fondement de ces dispositions, ne sont pas recevables à se prévaloir, pour la première fois devant la Cour, de l'acte de donation-partage du 22 février 2021 au bénéfice de Mme B..., ni des factures d'énergie établies en 2019 et 2020, d'un avis d'imposition à la taxe d'habitation pour 2020 et d'un avis d'imposition à la taxe foncière, au nom de celle-ci, ni enfin d'un avis d'imposition à la taxe d'habitation de M. A... pour 2021.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre motif du jugement attaqué, que Mme B... et autres, qui n'ont pas valablement justifié de leurs qualités leur donnant intérêt pour agir contre le permis de construire en litige, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande comme irrecevable.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Levie et du SYVADEC, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, au titre des frais exposés par Mme B... et autres, et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Levie et du SYVADEC tendant à l'application de ces mêmes dispositions, ni en tout état de cause à celles présentées aux mêmes fins par la communauté de communes de l'Alta Rocca.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la communauté de communes de l'Alta Rocca est admise.
Article 2 : La requête de Mme B... et autres est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Levie, du SYVADEC et de la communauté de communes de l'Alta Rocca tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., M. E... A..., M. C... B..., au syndicat de dévalorisation des déchets en Corse, à la commune de Levie et à la communauté de communes de l'Alta Rocca.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.
N° 21MA047342