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28/09/2023 | FRANCE | N°23MA01507

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 28 septembre 2023, 23MA01507


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2107961 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Chartier, doit être regard

ée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2107961 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Chartier, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de cette notification et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas répondu à certains des moyens invoqués devant lui ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été précédé d'un examen réel et sérieux de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cette décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mouret,

- et les observations de Me Chartier, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante albanaise née en 1987, déclare être entrée en France au cours du mois de juillet 2016 avec son époux et leurs deux premiers enfants. Elle a sollicité, le 26 novembre 2020, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 8 avril 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français. Mme A... relève appel du jugement du 7 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté de refus de titre de séjour.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des motifs de l'arrêté contesté que le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé que Mme A... ne pouvait bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme A... a notamment invoqué, dans sa demande de première instance, les moyens tirés de ce que l'arrêté de refus de titre de séjour en litige est entaché d'une erreur de droit ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions. Les premiers juges n'ont pas visé ces moyens, qui n'étaient pas inopérants compte tenu des motifs retenus par le préfet, et n'y ont pas répondu. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité invoqué, Mme A... est fondée à soutenir que ce jugement est irrégulier et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur la légalité de l'arrêté de refus de titre de séjour en litige :

4. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui vise notamment la convention internationale relative aux droits de l'enfant, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivé.

5. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des autres pièces du dossier, que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de Mme A... avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". En vertu des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté contesté, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée sur le territoire français durant le mois de juillet 2016 en compagnie de son époux et de leurs deux premiers enfants nés en 2007 et 2009. Deux autres enfants, issus de cette union, sont nés en France respectivement au cours des années 2016 et 2021. La requérante, qui ne se prévaut d'aucune autre attache en France, ne démontre pas y avoir tissé des liens intenses et ne justifie par ailleurs pas d'une intégration sociale et professionnelle particulière. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches en Albanie, pays dont son époux est également originaire et dans lequel leurs deux premiers enfants sont nés, ni qu'elle se trouverait dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale hors de France avec son époux, qui s'est également vu refuser la délivrance d'un titre de séjour le 8 avril 2021, et leurs quatre enfants mineurs. Il n'est en outre pas établi que les enfants de Mme A... ne pourraient poursuivre leur scolarité en dehors du territoire français. Dans ces conditions, l'arrêté de refus de titre de séjour en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celui tiré de la méconnaissance des dispositions alors en vigueur du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, l'arrêté contesté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de Mme A....

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".

9. D'une part, si Mme A... se prévaut des critères énoncés dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 et relatifs aux demandes d'admission exceptionnelle au séjour présentées sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne détient toutefois aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation. Par suite, elle ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans cette circulaire pour l'exercice de ce pouvoir.

10. D'autre part, si la requérante évoque les risques auxquels sa famille serait exposée en cas de retour en Albanie, en raison d'une vendetta qui y aurait été initiée à la suite d'un accident de la route dont son époux serait responsable, elle ne produit pas d'éléments suffisamment probants de nature à corroborer ses allégations sur ce point. Au demeurant, sa demande d'asile et celle déposée par son époux, ainsi que leur demande de réexamen, ont été rejetées par des décisions du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dont la légalité a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile. Ni les craintes ainsi alléguées, dont la réalité n'est pas établie, ni les autres éléments de la situation de Mme A... évoqués au point 7, ne sont de nature à caractériser l'existence, à la date de l'arrêté contesté, de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de Mme A....

11. En cinquième et dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

12. La décision de refus de titre de séjour en litige, qui n'est au demeurant assortie d'aucune mesure d'éloignement, n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme A... et son époux de leurs enfants mineurs. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que ces derniers seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité en dehors du territoire français. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de Mme A.... Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour contestée méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 avril 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 février 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer ainsi qu'à Me Chartier.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.

2

N° 23MA01507


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01507
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Légalité externe.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-28;23ma01507 ?
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