Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 2102114 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2023, Mme B... A..., représentée par Me Oloumi, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer un document provisoire de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande en lui délivrant dans l'attente un document provisoire de séjour lui permettant de travailler ;
4°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation et le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande alors qu'elle établit l'avoir fondée sur les dispositions de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces mêmes dispositions.
Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire.
Par ordonnance du 30 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Claudé-Mougel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1 Mme A..., de nationalité albanaise, demande l'annulation du jugement du 29 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L .313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public et à condition qu'il ne vive pas en état de polygamie, la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2, à l'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles qui justifie de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 313-25 du même code dans sa rédaction applicable : " Pour l'application de l'article L. 313-14-1, l'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 présente à l'appui de la demande, outre les pièces prévues aux articles R. 313-1 et R. 311-2-2 : 1° Les pièces justifiant de trois années d'activité ininterrompue au sein de l'organisme, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration ; 2° Un rapport établi par le responsable de l'organisme d'accueil mentionné au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles précisant notamment la nature des missions effectuées et leur volume horaire, permettant de justifier de trois années d'activité ininterrompue exercée en son sein, ainsi que du caractère réel et sérieux de cette activité ; ce rapport précise également les perspectives d'intégration de l'intéressé au regard notamment du niveau de langue, des compétences acquises et le cas échéant, de son projet professionnel ainsi que des éléments tirés de la vie privée et familiale ; 3° S'il est marié et ressortissant d'un Etat dont la loi autorise la polygamie, une déclaration sur l'honneur selon laquelle il ne vit pas en France en état de polygamie ".
4. Mme A... établit avoir présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en visant clairement ces dispositions et faisant état de son accueil au sein de la communauté Emmaüs, laquelle a été réceptionnée par la préfecture des Alpes-Maritimes le 27 janvier 2021. L'arrêté attaqué ne fait aucunement mention de ce fondement, ni des éléments allégués par Mme A... à l'appui. Cette dernière est donc fondée à soutenir que cet arrêté est insuffisamment motivé et que le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que de l'arrêté attaqué.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes délivre une carte de séjour temporaire à Mme A..., mais seulement que cette autorité procède au réexamen de la situation de l'intéressée. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer immédiatement un récépissé de demande de titre de séjour.
Sur les frais de l'instance :
7. Mme A... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Oloumi renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros.
D É C I D E
Article 1er : Le jugement n° 2102114 du 29 décembre 2022 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 11 février 2021 du préfet des Alpes-Maritimes est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer immédiatement un récépissé de demande de titre de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me Oloumi une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer ainsi qu'à Me Oloumi.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 septembre 2023.
N° 23MA00256 2
nb