Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de son renvoi.
Par un jugement n° 2203699 du 22 août 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 septembre 2022, sous le n° 22MA02515, M. A..., représenté par Me Abassit, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice du 22 août 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2022 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une attestation de demande d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas procédé à l'examen sérieux de sa situation ;
- le principe de confidentialité des demandeurs d'asile a été méconnu ;
- c'est à tort que sa nouvelle demande de réexamen a été orientée en procédure accélérée, dès lors qu'elle n'a pas été présentée en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; par suite la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Le préfet des Alpes-Maritimes, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux réfugiés signés à Genève le 28 juillet 1951 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Chenal-Peter a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant russe né le 12 avril 1980, fait valoir qu'il est entré en France en 2017, pour rejoindre son épouse et leurs deux enfants. Il a présenté une première demande d'asile le 31 octobre 2018 qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés (OFPRA) le 5 août 2019, ce rejet ayant été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 25 février 2020. Il a présenté une demande de réexamen le 10 novembre 2020, qui a été rejetée par l'OFPRA le 23 novembre suivant comme étant irrecevable, puis définitivement rejetée par la CNDA le 10 mai 2021. Il a fait l'objet d'un arrêté en date du 18 janvier 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... a, le 5 juillet 2022, présenté une nouvelle demande de réexamen de sa demande d'asile. Par un arrêté du même jour, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, et a fixé le pays de son renvoi. M. A... relève appel du jugement du 22 août 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte dans ses visas et motifs toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et, en particulier, fait référence de manière suffisamment précise à la situation personnelle de M. A.... Par suite, cet arrêté, qui n'avait pas à mentionner tous les éléments de fait relatifs à la situation de l'intéressé, est suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation personnelle du requérant.
4. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, (...) ; ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Et aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : (...) b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; (...) 2° Lorsque le demandeur : (...) c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; (...) Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ". Enfin, aux termes de l'article L. 542-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque le droit au maintien sur le territoire français a pris fin dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 ou L. 542-2, l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou renouvellement refusé. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que l'autorité de police est tenue de transmettre au préfet compétent, et celui-ci à enregistrer, une demande d'asile formulée par un étranger à l'occasion de son interpellation. Par voie de conséquence, elles font légalement obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confèrent les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière avant qu'il ait été statué sur cette demande. En application de l'article L. 542-3, ce n'est que dans les hypothèses limitativement énumérées à l'article L. 542-2, que la délivrance d'une attestation de demande d'asile peut être refusée et que le préfet peut prendre une mesure d'éloignement à l'encontre du demandeur d'asile.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile le 5 juillet 2022. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 1, l'intéressé a présenté une première demande d'asile rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 5 août 2019, confirmée par une décision du 25 février 2020 par la cour nationale du droit d'asile, puis une première demande de réexamen, rejetée par une décision d'irrecevabilité de l'OFPRA du 23 novembre 2020 prise en application du 3° de l'article L. 531-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le recours intenté auprès de la cour nationale du droit d'asile à l'encontre de cette décision d'irrecevabilité a été rejeté par une décision du 10 mai 2021. Ainsi, M. A... ayant fait l'objet à la fois d'une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32 et d'une décision définitive de rejet de sa demande de réexamen, il ne bénéficiait plus de son droit au maintien sur le territoire français en application des dispositions du b) du 1° et du c) du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en ayant pris l'arrêté contesté alors qu'il avait formulé une nouvelle demande d'asile doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. A... soutient qu'il réside en France depuis 2017 avec son épouse et que leurs enfants sont scolarisés. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'épouse de l'intéressé est également en situation irrégulière, que la scolarisation de leurs enfants est récente au moment de la décision attaquée et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. A..., l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Et aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (...) ".
11. En outre, parmi les secrets qu'il lui incombe de garantir figure la confidentialité des éléments d'information relatifs aux personnes sollicitant l'asile en France, qui constitue tant une garantie essentielle du droit constitutionnel d'asile qu'une exigence découlant de la convention de Genève relative au statut des réfugiés.
12. M. A... soutient qu'il risque d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Russie. D'une part, l'Office français de protection des réfugiés et la Cour nationale du droit d'asile ont refusé à deux reprises de reconnaître au requérant la qualité de réfugié. En outre, si l'intéressé a formé une nouvelle demande de réexamen le 5 juillet 2022 et affirme avoir fait l'objet d'une convocation par les autorités militaires russes lui intimant l'ordre de se présenter au Commissariat militaire afin de rejoindre l'armée russe, il ne peut être déduit de cette seule convocation, en l'absence de toute autre argumentation sur les conditions dans lesquelles le requérant pourrait se trouver mobilisé puis appelé à combattre, qu'il serait exposé, en cas de retour en Russie, à des risques de traitement inhumain ou dégradant. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que la police aux frontières a, par un courrier en date du 19 janvier 2022, communiqué un procès-verbal d'audition au consulat de Russie à Marseille, eu égard à la nature des informations contenues dans ce document, la méconnaissance de la garantie de confidentialité n'a pas créé à elle seule les conditions d'une exposition à des traitements inhumains ou dégradants. Dès lors, en désignant la Russie comme pays de destination le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2022 du préfet des Alpes-Maritimes.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en litige, n'implique aucune mesure particulière d'exécution au regard des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions de M. A... aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
15. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie, des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige. Les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de ces dispositions doivent, dès lors, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2023, où siégeaient :
-Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
-Mme Marchessaux, première conseillère.
-Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2023.
N° 22MA02515 2
bb