Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et la société civile immobilière (SCI) A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2020 par lequel le maire de la commune de Montfuron les a mis en demeure de libérer la voie publique VC6 dite " Chemin C... " dans un délai de huit jours à compter de sa notification et les a informés qu'à défaut d'exécution, un procès-verbal de contravention de voirie serait dressé et transmis au procureur de la République et à titre subsidiaire, de proposer une médiation pour tenter de régler le litige qui les oppose à la commune de Montfuron.
Par un jugement n° 2002342 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 août 2022, M. A... et la société civile immobilière (SCI) A..., représentés par Me Citeau, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 juin 2022 ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2020 du maire de la commune de Montfuron ;
3°) à titre subsidiaire, de proposer une médiation pour tenter de régler le litige qui les oppose à la commune de Montfuron sur le fondement de l'article L. 213-7 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Montfuron le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le maire n'était pas compétent pour prendre l'arrêté en litige ;
- l'arrêté du 16 janvier 2020, au vu de sa motivation erronée, n'énonce pas les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ;
- la répression de l'atteinte à une voie communale ne peut être mise en œuvre par une mesure de police administrative ;
- la voie en litige ne peut être qualifiée de voie communale, dès lors qu'elle n'appartient pas à la commune, qu'elle n'est pas située dans l'agglomération du territoire communal et qu'elle n'est pas affectée à la circulation publique ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ainsi que d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2022, la commune de Montfuron, représentée par Me Berguet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge des appelants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code pénal ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la voirie routière ;
- l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chenal-Peter,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Citeau, représentant les requérants.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI A..., représentée par M. A..., est propriétaire depuis 2010 de parcelles cadastrées Section C n° 45 à 48, 54, 56 et 57 au lieu-dit " Les longues terres " sur le territoire de la commune de Montfuron. Cette propriété est traversée par un chemin, dit " chemin C... " sur lequel M. A... a installé, en novembre 2019, des merlons et une chaîne afin d'empêcher le passage sur ce chemin. Le maire de la commune, par l'arrêté du 16 janvier 2020, a mis en demeure le représentant de la SCI A... de libérer le chemin en procédant, dans un délai de huit jours à compter de la notification de cet arrêté, à l'enlèvement, à la destruction et au nettoyage des obstacles illégalement installés afin de permettre le rétablissement d'une circulation normale. Cet arrêté précise qu'à défaut d'exécution, un procès-verbal de contravention de voirie sera dressé et transmis au procureur de la République conformément aux dispositions de l'article L. 116-3 du code de la voirie routière. La SCI A... et M. A... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 juin 2022 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2020.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales, alors en vigueur : " La voirie des communes comprend : / 1° Les voies communales, qui font partie du domaine public ; / 2° Les chemins ruraux, qui appartiennent au domaine privé de la commune ", l'article 9 de cette même ordonnance précisant que : " Deviennent voies communales les voies qui, conformément à la législation en vigueur à la date de la présente ordonnance, appartiennent aux catégories ci-après : / 1° Les voies urbaines ; (...) 3° Ceux des chemins ruraux reconnus, dont le conseil municipal aura, dans un délai de six mois, décidé l'incorporation ; cette délibération pourra être prise sans enquête publique. ". Selon l'article L. 141-1 du code de la voirie routière : " Les voies qui font partie du domaine public routier communal sont dénommées voies communales ".
3. Et aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs ". L'article L. 2212-2 du même code dispose que : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : /1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, (...) ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ; (...) ".
4. En premier lieu, il ressort des termes des pièces du dossier que par une délibération du 20 décembre 1959, le chemin n° 6 dit " C... " situé à Montfuron a été classé dans la voirie communale en application de l'article 1er précité de l'ordonnance du 7 janvier 1959. Les requérants soutiennent que le chemin en litige ne correspond pas à ce chemin n° 6 dit " C... ", qui aurait aujourd'hui disparu, en précisant que cette voie contournait en réalité leur propriété. Toutefois, il ressort du rapport du 21 février 2014 établi par l'expert désigné par une ordonnance de référé du 13 juin 2013 du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains afin de déterminer le tracé exact du chemin C... et sa qualification juridique que l'actuel chemin carrossable qui traverse la campagne Mériton, soit le chemin VC n° 6, est bien celui qui a fait l'objet d'un classement dans le domaine public de la commune par la délibération du 20 décembre 1959 et constitue donc une voie communale. Si, par une délibération du 17 octobre 1970, le conseil municipal a décidé " du déclassement sur 1 500 mètres de la voie communale n° 6 entre le domaine C... et la limite de la bastide des Jourdans ", cette partie de la voie ne traverse pas la propriété des requérants. La circonstance que la commune n'aurait jamais communiqué l'atlas ou le plan de voirie communale qui aurait dû être établi en même temps que les tableaux de classement de la voie communale du 20 décembre 1959, du 1er mars 1979 et du 31 décembre 1983 est sans incidence sur la qualification du chemin en cause, de même que la circonstance qu'elle n'aurait jamais recouru à la procédure d'alignement. Les plans cadastraux napoléoniens et les plans cadastraux rénovés datant de 1936 produits par les requérants ne sont pas de nature à remettre en cause la qualification de voie communale résultant du classement effectué par la délibération du 20 janvier 1959. En outre, les circonstances que ce chemin, affecté à l'usage du public, soit situé en dehors de l'agglomération et se termine en impasse sont sans incidence sur cette qualification.
5. Dans ces conditions, le chemin en litige fait partie du domaine public de la commune et il appartenait au maire, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à un empiètement sur la voie publique. Si un élément immobilier vient à être construit sur l'emprise de la voie, le maire peut, le cas échéant, à la suite d'une mise en demeure non suivie d'effet, le démolir, faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie afin de mettre l'autorité judiciaire en mesure d'ordonner la démolition. En outre, la circonstance que l'article L. 116-1 du code de la voirie routière confie au juge judiciaire la répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier ne fait pas obstacle à ce que le maire d'une commune puisse faire usage des pouvoirs généraux de police administrative qu'il détient en application des dispositions précitées de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué et de ce que le maire ne pouvait faire usage de ses pouvoirs de police pour mettre en demeure les appelants d'enlever les éléments qui l'obstruaient doivent être écartés.
6. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. /A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : /1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
7. L'arrêté attaqué, qui vise le code général des collectivités territoriales et comporte précisément l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, en précisant en particulier qu'il est fait usage des pouvoirs de police administrative afin d'assurer la libre circulation sur une voie communale, est suffisamment motivé, alors même qu'il comporte des erreurs de plume sur la numérotation des articles du code général des collectivités territoriales.
8. Enfin, si les requérants soutiennent que le maire aurait fait usage des pouvoirs de police dans le seul but de satisfaire une habitante de la commune et que l'arrêté contesté est, pour ce motif, entaché d'un détournement de pouvoir, ils ne produisent pas d'élément probant à l'appui de leurs allégations.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI A... et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête, étant précisé qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de proposer une médiation aux parties.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des appelants la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Montfuron sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce que la commune, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse aux appelants la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... et de la SCI A... est rejetée.
Article 2 : M. A... et la SCI A... verseront à la commune de Montfuron la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société civile immobilière A... et à la commune de Montfuron.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes de Haute-Provence.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2023, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Marchessaux, première conseillère,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 septembre 2023.
N° 22MA02321 2
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