La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2023 | FRANCE | N°22MA01598

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 22 septembre 2023, 22MA01598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 200929, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 27 décembre 2019 par laquelle le président de la Métropole Nice Côte d'Azur lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire d'une durée de six mois, de condamner la Métropole Nice Côte d'Azur à lui verser la somme 46 000 euros en réparation des préjudices moral et matériel qu'il a subis du fait de cette décision et de mettre à la charge de ladite métropole la somme de 2 000 euros en application

des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sous...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 200929, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 27 décembre 2019 par laquelle le président de la Métropole Nice Côte d'Azur lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire d'une durée de six mois, de condamner la Métropole Nice Côte d'Azur à lui verser la somme 46 000 euros en réparation des préjudices moral et matériel qu'il a subis du fait de cette décision et de mettre à la charge de ladite métropole la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sous le n° 2004650, M. A... a demandé à ce même tribunal de condamner la Métropole Nice Côte d'Azur à lui payer la somme de 46 000 euros en réparation de ses préjudices moral et matériel et de mettre à la charge de ladite métropole la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement numéros 2000929 et 2004650 du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Nice, après avoir joint ces deux requêtes, a annulé la décision du 27 décembre 2019 et condamné la métropole à payer à M. A... la somme de 24 026, 24 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 20 juillet 2020 et leur capitalisation, mis à la charge de cet établissement public une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juin et 13 septembre 2022, la Métropole Nice Côte d'Azur, représentée par Me de Faÿ, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal :

- d'annuler le jugement numéros 2000929 et 2004650 du 6 avril 2022 du tribunal administratif de Nice et de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal ;

- de rejeter les conclusions d'appel incident de M. A... ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de la condamnation mise à sa charge.

Elle soutient que :

- le tribunal a statué ultra petita en mettant à sa charge une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative alors que le requérant avait limité sa demande à la somme de 2 000 euros ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'ensemble des faits reprochés à M. A... sont matériellement exacts et présentent un caractère fautif, et la sanction qui lui a été infligée leur est proportionnée ;

- c'est par conséquent à tort que le tribunal a accordé une indemnisation à M. A... ;

- à titre subsidiaire, la part de responsabilité incombant à la Métropole doit être ramenée à 30 %.

Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 10 août 2022, M. B... A..., représenté par Me Borgnat, conclut au rejet de la requête d'appel de la Métropole Nice Côte d'Azur et demande à la cour :

1°) de réformer le jugement en portant à la somme de 46 000 euros le montant de l'indemnisation auquel le tribunal a condamné la Métropole Nice Côte d'Azur ;

2°) de mettre à la charge de la Métropole Nice Côte d'Azur la somme de 3 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

-les moyens soulevés par la Métropole Nice Côte d'Azur ne sont pas fondés ;

- le tribunal a insuffisamment évalué son préjudice moral.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Lesure, représentant la Métropole Nice Côte d'Azur, et de Me Borgnat, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. A compter du 16 mars 2017, M. A... a exercé, en tant qu'agent contractuel, les fonctions de responsable de la régie publicitaire au sein de la direction des relations publiques de la Métropole Nice Côte d'Azur. Par un arrêté du 21 août 2019, le président de cet établissement public l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée de quatre mois. Puis, par un arrêté du 27 décembre 2019, il lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire d'une durée de six mois.

2. La Métropole Nice Côte d'Azur relève appel du jugement numéros 2000929 et 2004650 du 6 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 27 décembre 2019 et l'a condamnée à payer à M. A... la somme de 24 026,24 euros, avec intérêts à compter du 20 juillet 2020 et capitalisation, en réparation de son préjudice, outre une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties. M. A... relève appel incident de ce jugement en tant que le tribunal n'a pas fait intégralement droit à ses conclusions indemnitaires.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il résulte des dossiers de première instance que M. A... avait demandé dans chacune des deux requêtes ayant donné lieu au jugement dont appel, la condamnation de la Métropole Nice Côte d'Azur à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, soit un total 4 000 euros. Le tribunal administratif de Nice a joint les requêtes numéros 2000929 et 2004650 pour y statuer par un seul jugement. Par suite, il n'a pas statué au-delà de ce qui lui était demandé en mettant à la charge de la Métropole Nice Côte d'Azur une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Sur le bien-fondé du jugement du 6 avril 2022 :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 27 décembre 2019 par laquelle le président de la Métropole Nice Côte d'Azur a infligé à M. A... une sanction d'exclusion temporaire d'une durée de six mois :

4. Aux termes de l'article 36 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent contractuel dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal ". L'article 36-1 de ce même décret précise, dans sa rédaction applicable au présent litige, que : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. / Toute décision individuelle relative aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme est soumise à consultation de la commission consultative paritaire prévue à l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée. ".

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Pour prendre la mesure contestée, le président de la Métropole Nice Côte d'Azur a considéré que M. A... avait fait preuve, depuis l'arrivée dans le service d'une nouvelle directrice des ressources humaines, le 1er octobre 2018, d'un comportement irrespectueux à l'égard tant de sa hiérarchie que de ses collègues, tout en dénigrant son administration en présence de tiers, en méconnaissance de ses obligations de réserve et d'obéissance hiérarchique, ce comportement étant, en outre, de nature à porter atteinte au bon fonctionnement dudit service et par ailleurs, à la négligence et au manque de conscience professionnelle de l'intéressé dans l'accomplissement de ses fonctions de cadre.

7. Il ressort des pièces du dossier que le rapport hiérarchique du 7 octobre 2019 sur lequel s'est appuyé le président de la Métropole Nice Côte d'Azur pour prononcer la sanction disciplinaire en litige est identique à celui du 15 juillet précédent et rédigé par la même autrice. Si ce rapport reproche à M. A... divers emportements et une méconnaissance de son devoir d'obéissance hiérarchique, il n'est pas accompagné de témoignages de tiers ayant assisté aux comportements dénoncés. En outre, aucun des " SMS " ou courriels produits par les parties ne révèle d'abus de langage fautif de la part de M. A... ou de refus de sa part de se soumettre à des consignes qui lui auraient été données. Ainsi, s'agissant de l'organisation du Nice Jazz Festival de 2019, l'intéressé indiquait, en réponse à la remarque de sa supérieure hiérarchique l'informant de l'impossibilité juridique d'offrir des invitations aux partenaires commerciaux de la Métropole Nice Côte d'Azur, qu'il allait " bien entendu " suivre ses recommandations et " en informer " qui de droit. Par ailleurs, s'il ressort des mêmes pièces, ainsi que d'un document relatif à l'organisation de la même manifestation culturelle, que celle-ci n'a pas été exempte de difficultés, à l'instar d'autres évènements, rien ne permet d'imputer celles-ci à M. A..., en particulier en ce qui concerne la modification du nombre de tirages d'un livre d'art. Il en va de même de la prétendue modification de ses dates de congés par M. A... sans autorisation ou des propos excessifs qu'il aurait tenus au sujet de sa supérieure hiérarchique, de ses collègues et de son administration, qui ne sont étayés par aucun témoignage, de leurs victimes si ce n'est la supérieure hiérarchique de M. A... ou de leurs destinataires. Il s'en suit que les faits reprochés à M. A... ci-dessus décrits ne sont pas suffisamment établis pour justifier qu'une sanction disciplinaire soit prise à son encontre. Par ailleurs, les commentaires sur l'aménagement des locaux exprimés par M. A..., son abstention de participer à certaines réunions portant sur des sujets ne relevant pas de ses attributions, au demeurant avec l'autorisation de sa supérieure hiérarchique, délivrée le 29 avril 2019, ou l'expression, de manière généralement mesurée, de ses regrets et d'une certaine amertume face à leurs désaccords professionnels ne sont pas fautifs. N'est pas davantage fautive, la seule circonstance, à la supposer établie, que l'intéressé aurait qualifié, lors d'une entrevue du 19 mars 2019 avec sa supérieure hiérarchique, de " malhonnête " et " inacceptable " la proposition qui lui était faite d'accroître ses missions à statut et rémunération constants, dans un contexte déjà marqué par des divergences de vues entre eux au sujet de ces derniers. En outre, il ressort des pièces du dossier que s'est établie une collaboration efficace entre M. A... et sa supérieure hiérarchique lors de nombreuses opérations de communication menées à bien, les évaluations annuelles de M. A... en 2017 et 2018 étant, à cet égard, très positives. Les pièces du dossier ne révèlent, dès lors, que des faits qui, pris isolément ou même ensemble, n'illustrent au mieux qu'une éventuelle mésentente professionnelle entre M. A... et sa supérieure hiérarchique, laquelle ne peut être regardée comme fautive dès lors que M. A... s'en est tenu à exprimer des opinions certes parfois contraires à celles de sa supérieure hiérarchique mais sans porter atteinte au respect qu'il lui devait et à son devoir d'obéissance. Il s'en suit que les faits reprochés à M. A... ci-dessus décrits qui sont soit non établis, soit non fautifs ne peuvent justifier qu'une sanction disciplinaire soit prise à son encontre. Par suite, la Métropole n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision du 27 décembre 2019.

En ce qui concerne le préjudice subi par M. A... :

8. Il résulte de ce qui vient d'être que la décision en date du 27 décembre 2019 est entachée d'une illégalité interne. Cette illégalité fautive est de nature à engager la responsabilité de l'administration. M. A... soutient qu'il a subi un préjudice matériel à hauteur de 21 000 euros au titre de la rémunération qu'il aurait perçue pour l'exercice de ses fonctions du 20 janvier 2020 au 19 juillet 2020. Il résulte de l'instruction que l'intéressé aurait perçu une rémunération nette de 20 032,80 euros pendant cette période, avant prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, comprenant son traitement et l'indemnité de résidence, l'indemnité de fonction, de sujétions et d'expertise et l'indemnité compensatrice de la hausse de la contribution sociale généralisée, qui ne sont pas des primes destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liées à l'exercice des fonctions et dont l'intéressé avait une chance sérieuse de bénéficier pendant toute la période comprise entre le 20 janvier 2020 et 19 juillet 2020. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des sommes déclarées à l'administration fiscale perçues au titre de l'année 2020 et des justificatifs produits par M. A... le 11 mars 2022, que l'intéressé aurait perçu des revenus de remplacement au cours de la période d'exclusion. Par suite, sa perte de rémunération est donc égale à 20 032,80 euros.

9. M. A... justifie, par la production du rapport médical en date du 12 février 2020, d'un préjudice moral résultant des répercussions psychologiques entraînées par la décision d'exclusion temporaire de fonctions dont il a fait l'objet. Le tribunal en a toutefois fait une évaluation excessive en fixant la réparation de ce poste de préjudice, avant l'application du partage de responsabilité qu'il a décidé, à la somme de 10 000 euros. Il en sera fait une juste appréciation, dans les circonstances de l'espèce et au regard, notamment, de la durée de six mois de l'éviction illégale, par l'allocation d'une somme de 4 000 euros.

10. Ces préjudices trouvent leur cause directe et exclusive dans l'illégalité commise par la Métropole Nice Côte d'Azur. Par suite, M. A... était fondé à demander la réparation intégrale des préjudices subis en raison de cette illégalité. Dès lors, c'est à tort que le tribunal a relevé certaines fautes à son encontre de nature à justifier une sanction disciplinaire moindre et a fixé en conséquence, une part de responsabilité imputable à la métropole limitée à hauteur de 80 % des préjudices indemnisables.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la Métropole Nice Côte d'Azur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a engagé sa responsabilité et que M. A... est uniquement fondé à soutenir que la somme à laquelle ce tribunal a fixé le montant de la réparation à laquelle il a le droit doit être portée à la somme de 24 032,80 euros.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la Métropole Nice Côte d'Azur la somme demandée par M. A... au titre des frais qu'il a exposés sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la Métropole Nice Côte d'Azur au profit de M. A..., mentionné à l'article 2 du jugement numéros 2000929 et 2004650 du 6 avril 2022, prononcé par le tribunal administratif de Nice, est porté à 24 032,80 euros.

Article 2 : Le jugement numéros 2000929 et 2004650 du 6 avril 2022, rendu par le tribunal administratif de Nice, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Métropole Nice Côte d'Azur et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 septembre 2023.

2

N° 22MA01598


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01598
Date de la décision : 22/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET BARDON et DE FAY- AVOCATS ASSOCIÉS - BF2A;CABINET BARDON et DE FAY- AVOCATS ASSOCIÉS - BF2A;CABINET BARDON et DE FAY- AVOCATS ASSOCIÉS - BF2A

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-22;22ma01598 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award