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21/09/2023 | FRANCE | N°22MA02719

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 21 septembre 2023, 22MA02719


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2201990 du 15 juin 20

22, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2201990 du 15 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Chartier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 juin 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre demandé dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à Me Chartier sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le tribunal a omis de statuer sur l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en s'abstenant de vérifier la disponibilité effective d'un traitement approprié dans son pays d'origine sur le moyen contestant sa capacité à voyager sans risque, et sur l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet au regard de sa situation personnelle ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée, en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- il s'est estimé à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- il a commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner si un traitement était effectivement disponible dans son pays d'origine ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article L. 425-9 et le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité des autres décisions ;

- elle est disproportionnée.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Mérenne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant arménien, fait appel du jugement du 15 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, le jugement attaqué, qui, contrairement à ce que soutient M. B..., n'avait pas à s'interroger sur les motifs de l'évolution des avis rendus par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, expose de façon détaillée les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est par suite suffisamment motivé, conformément à l'article L. 9 du code de justice administrative.

3. D'autre part, le tribunal administratif a écarté l'erreur qu'aurait commise le préfet en se prononçant uniquement sur les conséquences d'un défaut de traitement au point 6 du jugement attaqué. Il a écarté le moyen tiré de ce que l'intéressé ne pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine, qui n'était invoqué qu'à titre de conséquence des développements sur son état de santé, à la première phrase du point 8. Il a écarté l'erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle de l'intéressé à la dernière phrase du même point. Le tribunal administratif n'a donc pas omis de statuer sur un moyen.

4. Les moyens tirés de l'irrégularité du jugement doivent par suite être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. En premier lieu, le tribunal administratif a écarté les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de séjour, de l'absence d'examen particulier de la situation de l'intéressé, de ce que le préfet se serait estimé à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle de l'intéressé par des motifs appropriés, figurant aux points 2, 5 et 7 à 10 du jugement attaqué, qu'il convient d'adopter en appel.

6. En deuxième lieu, le préfet des Bouches-du-Rhône pouvait se fonder sur le seul motif tiré de ce que le défaut de prise en charge médicale n'était pas susceptible d'entraîner pour M. B... des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qui suffisait pour rejeter la demande de titre de séjour pour motif de santé dont il était saisi. Il n'a pas commis d'erreur de droit en s'abstenant d'examiner si un traitement était effectivement disponible dans son pays d'origine.

7. En troisième lieu, M. B..., né en 1980, souffre d'une schizophrénie paranoïde interprétative. S'agissant des conséquences d'un défaut de traitement, la pièce la plus significative est le certificat établi le 25 février 2021 par le psychiatre qui le suit depuis septembre 2019. Selon ce dernier, M. B... " a construit une relation de confiance avec son psychiatre et accepte de prendre son traitement (aidé en cela par la pression de son frère et de sa mère). S'il ne pouvait se maintenir en France, sous la tutelle de sa famille, dans le cadre de la relation thérapeutique nouée pour la première fois avec un psychiatre, sa pathologie évoluerait très probablement vers une désorganisation accrue de sa personnalité avec les risques connexes (passage à l'acte, évolution détériorative, aggravation du délire et persécution). On peut d'autant plus soutenir cette analyse qu'il n'est pas arménophone (strictement russophone) ". D'une part, les questions relatives aux effets positifs de la résidence en France, aux relations familiales de l'intéressé et à la langue pratiquée par ce dernier, qui n'est au demeurant pas davantage francophone, sont sans rapport avec un traitement médical, et ne peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 et le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, il ne ressort pas de cette pièce du dossier, ni des autres, que le passage vers une désorganisation accrue de la personnalité et les risques connexes présentent un caractère suffisant d'immédiateté et de gravité pour être regardés comme des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens de ces deux articles. En estimant qu'un défaut de traitement n'entraînerait pas de telles conséquences, le préfet n' a pas fait une inexacte application de l'article L. 425-9 et du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En quatrième lieu, si l'intéressé suit un traitement, notamment médicamenteux, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'un voyage vers son pays d'origine comporte un risque pour sa santé.

9. En cinquième lieu, M. B... fait valoir qu'il est né en 1980 au sein de la diaspora arménienne en république d'Azerbaïdjan, qui faisait alors partie de l'URSS, et qu'il a quitté Bakou pour la Russie en 1988 avec sa mère et son frère en raison de la première guerre du Haut-Karabakh, d'abord pour Piatigorsk, puis pour Saint-Pétersbourg. Si M. B... fait état de la seconde guerre du Haut-Karabakh, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait un lien avec cette région ou qu'il ait vocation à participer à ce conflit armé. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les membres de la diaspora arménienne nés et ayant vécu en Azerbaïdjan soient exposés à un risque particulier en Arménie. Enfin, la circonstance qu'il n'ait jamais vécu dans ce pays et qu'il parle exclusivement le russe, langue au demeurant largement pratiquée en Arménie, ne l'expose pas à un risque de traitement inhumain ou dégradant. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît ni l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En dernier lieu, le tribunal administratif a écarté les moyens dirigés contre l'interdiction de retour sur le territoire français par des motifs appropriés, figurant aux points 14 et 15 du jugement attaqué, qu'il convient d'adopter en appel.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.

12. L'État, qui n'est pas tenu aux dépens, n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. B... sur leur fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Chartier et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président-assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.

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No 22MA02719


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02719
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-21;22ma02719 ?
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