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19/09/2023 | FRANCE | N°22MA02086

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 19 septembre 2023, 22MA02086


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Gardanne à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral.

Par un jugement n° 2002299 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2022, Mme C... A..., représentée par Me B..., dema

nde à la Cour :

1°) d'annuler et de réformer le jugement n° 2002299 du 7 juin 2022 du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Gardanne à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral.

Par un jugement n° 2002299 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2022, Mme C... A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler et de réformer le jugement n° 2002299 du 7 juin 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision explicite de rejet du maire de Gardanne du 27 janvier 2020 portant rejet de la demande indemnitaire préalable du 9 décembre 2019 ;

3°) de condamner la commune de Gardanne à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral en raison du harcèlement moral subi ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Gardanne le versement de la somme de

2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, en ce que les premiers juges, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative, ont insuffisamment motivé leur jugement et omis de répondre au moyen relatif à l'atteinte à la vie privée et à la violation du secret des correspondances et du secret médical, et, d'autre part, en ce qu'ils n'ont pas fait droit à une demande de réouverture d'instruction, la privant de ce fait de la garantie du respect du principe du contradictoire en l'empêchant de produire un mémoire ou des pièces susceptibles d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire ;

- elle a subi des faits de harcèlement moral dans l'exercice de ses fonctions commis par le directeur des ressources humaines et la première adjointe au maire ; ces faits sont constitutifs d'une faute qui engage la responsabilité de la commune ;

- le jugement du tribunal administratif de Marseille est entaché d'une dénaturation des faits, d'erreur de droit et d'erreurs d'appréciation ;

- elle est fondée à demander la condamnation de la commune de Gardanne à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait des cinq années de souffrances qu'elle a vécues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2023, la commune de Gardanne, représentée par Me Guillet, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Un courrier du 24 avril 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 26 mai 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire, présenté par Mme A... par Me B..., enregistré le 26 mai 2023 après notification de l'ordonnance de clôture d'instruction, n'a pas été communiqué.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, Mme A... a été invitée à transmettre à la Cour la pièce jointe n° 1 mentionnée dans le bordereau des pièces communiqués par son conseil en première instance.

En réponse à cette mesure d'instruction, des pièces ont été produites le 12 juillet 2023 par M. B... pour Mme A... et communiquées le 7 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- les observations de Me B... pour Mme A...,

- et les observations de Me B..., représentant Mme A..., de Mme A... et de Me Pascia, substituant Me Guillet, représentant la commune de Gardanne.

Une note en délibéré, présentée pour Mme A... par Me B..., a été enregistrée le 5 septembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., titulaire du grade d'attachée territoriale, a été recrutée en mars 2009 par la commune de Gardanne pour exercer les fonctions de responsable formation au sein de la direction des ressources humaines. A compter du mois de novembre 2012, Mme A... s'est vue confier les fonctions de directrice du secteur éducation, lequel avait notamment pour mission la mise en place des nouveaux rythmes scolaires à compter de la rentrée scolaire 2014-2015. S'estimant victime de faits constitutifs d'un harcèlement moral à compter de l'arrivée, au cours de l'année 2014, du nouveau directeur des ressources humaines de la collectivité, Mme A..., qui a sollicité et obtenu le bénéfice de la protection fonctionnelle par décision du 25 juillet 2019, et dont plusieurs arrêts maladies ont été reconnus imputables au service, a par ailleurs saisi le maire de la commune de Gardanne d'une demande tendant à ce que lui soit versée la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi à raison du harcèlement moral perpétré à son encontre tant par le directeur des ressources humaines que par la première adjointe au maire. Cette demande ayant été rejetée par courrier du 27 janvier 2020, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à ce que soit prononcée la condamnation de la commune de Gardanne à l'indemniser de son préjudice. Par un jugement du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande Mme A.... Il s'agit du jugement dont l'intéressée relève appel dans la présente instance.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort du jugement contesté que les premiers juges ont examiné l'ensemble des faits invoqués par Mme A... pour justifier de l'existence d'une situation de harcèlement moral avant de conclure, au point 12, que ceux-ci, pris dans leur ensemble, ne pouvaient être regardés comme ayant excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et du pouvoir d'organisation du service. Au demeurant, alors même que le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments invoqués par Mme A..., il a expressément relevé, au point 11 du jugement attaqué, que l'intéressée ne saurait se prévaloir de l'attitude de la première adjointe au maire dans le cadre de l'examen de sa demande d'imputabilité au service de son état de santé, et des difficultés qu'elle a rencontrées dans le cadre de l'expertise médicale qui s'est déroulée le 13 février 2019 dès lors que ces éléments sont peu étayés et qu'au surplus, ils n'ont pas été un obstacle à l'aboutissement de sa demande. Par suite, les moyens tirés de l'omission à statuer et de l'insuffisante motivation dont serait entaché le jugement doivent être écartés.

3. En deuxième lieu, l'article L. 5 du code de justice administrative dispose que : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article R. 611-1 de ce code : " Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Enfin, l'article R. 613-3 dudit code dispose que : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ".

4. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 5 juillet 2021, le greffe de la neuvième chambre du tribunal administratif de Marseille a communiqué au conseil de Mme A... le mémoire en défense de la commune de Gardanne avec un délai de réponse de trois mois. S'il est constant que, par un courrier du 1er octobre 2021, notifié avant même l'expiration du délai de trois mois qui avait été imparti à la requérante pour produire d'éventuelles observations, lequel devait expirer le 5 octobre 2021, les parties ont été informées de ce qu'en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, il était envisagé d'appeler l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu au cours du premier semestre 2022, une telle circonstance demeure sans incidence sur le respect du caractère contradictoire de la procédure dès lors que, par ce même courrier, elles étaient informées de que la clôture d'instruction serait susceptible d'intervenir à compter du 29 octobre 2021 seulement. En outre, si, par courrier du 22 avril 2022, le conseil de la requérante a sollicité que soit prononcée la réouverture de l'instruction, laquelle avait été clôturée par ordonnance du 5 novembre 2021, les seules circonstances alléguées pour justifier d'une telle demande, tenant à la nature des fonctions exercées par Mme A... et à l'échec d'une procédure amiable entre les parties, ne peuvent être regardées comme constitutives d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Dans ces conditions, en refusant de rouvrir l'instruction, le tribunal administratif de Marseille n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

6. Enfin, en troisième et dernier lieu, Mme A... ne critique pas plus utilement la régularité du jugement attaqué par des moyens pris d'une dénaturation des faits, s'agissant d'un moyen de cassation et non d'appel quand il vise une décision juridictionnelle, et d'erreurs d'appréciation ou de droit, qui constituent des moyens relevant du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; (...) ".

8. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement et il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

9. En premier lieu, Mme A... se plaint d'avoir été victime d'agissements de harcèlement moral de la part du directeur des ressources humaines de la commune de Gardanne et de la première adjointe au maire, résultant d'un comportement et d'attitudes humiliants et vexatoires, notamment en réunions devant les cadres et agents du service, et de désinformation et critiques constantes sur son travail. Il résulte toutefois des attestations de l'époux et des collaborateurs de Mme A... produites au dossier que l'attitude critique et déplacée alléguée du directeur des ressources humaines n'était, en tout état de cause, pas exclusivement dirigée contre Mme A... mais orientée d'une manière beaucoup plus générale sur le fonctionnement et l'organisation du service dont elle assurait la gestion, notamment en ce qui concerne la maîtrise de la masse salariale du secteur dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. S'il est néanmoins exact que, selon les termes de ces attestations, Mme A... n'était plus respectée et davantage maltraitée que ses proches collaborateurs, les seuls faits clairement identifiés concernent une réunion organisée au cours de l'année 2017 à l'occasion d'un audit réalisé par le centre de gestion, au cours duquel le directeur des ressources humaines aurait manifesté son mépris à l'égard de Mme A..., une réunion de travail, non précisément datée, qui s'est tenue dans le bureau de ce même directeur, au sujet du personnel ATSEM, au cours de laquelle Mme A... se serait vue reprocher de ne pas contrôler le pointage des heures des animateurs vacataires, et, enfin, une réunion du 22 janvier 2019 au cours de laquelle la première adjointe au maire n'aurait cessé de poser des questions à Mme A... sans prendre la peine d'écouter ses réponses. De plus, il ne résulte pas de ces attestations qu'au cours des évènements ainsi relatés, Mme A... aurait été victime d'attitudes humiliantes ou propos vexatoires dont la teneur n'est, au demeurant, pas précisée. Il résulte par ailleurs de l'instruction que, si Mme A... a été placée une première fois en congés de maladie pour une durée de quatre mois en raison d'un syndrome anxieux généralisé au lendemain d'un comité de pilotage qui s'est tenu le 17 mai 2018, comité au cours duquel les propositions qu'elle a formulées pour diminuer la masse salariale de son secteur ont été rejetées par le maire de la commune, une telle circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à révéler ou à présumer l'existence de faits de harcèlement moral, et ce en dépit de la circonstance que l'épuisement de l'appelante, médicalement constaté et, au demeurant, non contesté par la commune qui a reconnu l'imputabilité au service de l'arrêt maladie qu'il a entrainé, résulterait de ce qu'elle a dû élaborer ses propositions dans un temps très restreint pour répondre aux exigences formulées par le directeur des ressources humaines lors d'une réunion de travail qui s'est tenue le 14 mai 2018, soit trois jours seulement avant le comité de pilotage, et ce quand bien même ces exigences se seraient-elles révélées, a posteriori, contraires aux options finalement retenues par l'exécutif communal.

10. En deuxième lieu, si Mme A... soutient devant la Cour comme devant les premiers juges qu'elle a subi des entraves au bon accomplissement de ses fonctions, notamment, et d'une part, en ce qu'elle n'aurait pas été conviée à des réunions concernant le secteur éducation dont elle assurait la direction, il résulte de l'instruction, et notamment des deux courriels auquel elle se réfère pour en justifier et qu'elle a elle-même rédigés et adressés au directeur des ressources humaines et à la première adjointe du maire le 3 avril 2019, que ce n'est qu'au sujet d'une seule réunion devant se tenir le 4 avril 2019 dans le bureau de cette dernière, afin de faire un point sur la commission administrative paritaire à venir en ce qui concerne les avancements et l'organisation du service de restauration, que l'appelante n'a pas été conviée, réunion à laquelle, à supposer même que sa présence ait été requise compte tenu de ses fonctions, elle n'établit pas avoir été finalement empêchée de participer à la suite du courriel qu'elle a adressé la veille de sa tenue, à la première adjointe, manifestant expressément son intention d'y être présente. S'agissant, d'autre part, des ingérences alléguées du directeur des ressources humaines dans les domaines relevant de sa seule compétence, plus précisément des nombreuses visites que celui-ci a effectuées dans les écoles, centres de loisirs et crèches de la commune, il ne résulte nullement de l'instruction qu'elles auraient excédé le champ de ses compétences, ainsi que Mme A... l'a d'ailleurs reconnu dans son courriel adressé le 18 juillet 2017 à la directrice générale des services, et ce quand bien même cette dernière s'est interrogée, ainsi que cela ressort du courriel qu'elle a adressé le 14 décembre 2016 au directeur des ressources humaines, sur d'éventuels dysfonctionnements tenant à l'absence d'information préalable des cadres du secteur éducation quant à ces visites. Il ne résulte par ailleurs pas clairement du courriel précité du 18 juillet 2017, ni d'aucune autre des pièces produites, notamment du courrier adressé le 19 juillet 2017 par Mme A... au maire, ou encore des courriels des 21 et 28 juillet 2017 rédigés par le responsable du service enfance-jeunesse, que Mme A... aurait été personnellement et de manière répétée mise en cause par le directeur des ressources humaines au sujet des évènements relatés, les deux dernières pièces citées se bornant à révéler l'existence de tensions entre le seul rédacteur de ces courriels et le directeur des ressources humaines. Enfin, s'il résulte de l'instruction que des divergences importantes d'appréciation sont apparues entre le directeur des ressources humaines et l'ensemble des cadres du secteur éducation quant à l'absence de maîtrise de la masse salariale entre 2013 et 2017, il n'est pour autant pas établi que Mme A... aurait été victime d'une campagne de désinformation et de rumeurs portant sur sa propre manière de servir, les attestations qu'elle produit, rédigées pour la plupart par les cadres du secteur éducation, n'étant pas suffisamment circonstanciées pour établir l'existence de faits et agissements précis et répétés de nature à démontrer l'existence d'une volonté de lui nuire personnellement et de porter atteinte tant à sa réputation qu'au bon déroulement de sa carrière, et ce d'autant plus, sur ce dernier point, que la carrière de Mme A..., qui a par la suite occupé les fonctions de directrice générale des services de la commune de Gardanne, a connu une évolution favorable sans jamais qu'il ait été porté atteinte aux prérogatives qu'elle tenait de son statut ou de son grade, ni qu'elle ait été assujettie à une diminution de ses attributions ou de sa rémunération.

11. Enfin, en troisième et dernier lieu, s'il est constant que l'état de santé de Mme A... a nécessité son placement en congés de maladie pour un syndrome anxieux généralisé pour une période de quatre mois à compter du 18 mai 2018, puis du 23 janvier au 1er février 2019, et du 23 mai au 17 octobre 2019, et que ces arrêts ont été reconnus comme étant imputables au service par la commune de Gardanne à raison du " burn-out " médicalement objectivé comme étant en lien direct et certain avec l'activité professionnelle de l'intéressée, ayant généré un épuisement généralisé, aucune des pièces médicales produites ne permettent d'établir l'existence d'une situation de harcèlement moral, les conclusions de l'expertise du 13 février 2019, complétées le 21 février 2019, évoquant certes une souffrance psychologique au travail corrélable à des difficultés relationnelles, mais sans autre précision. Si Mme A... conteste les conditions de réalisation de cette expertise, alléguant la disparition de documents composant le dossier médical destiné à l'expert, il est constant que cette circonstance n'a eu aucune incidence sur l'issue de sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie. De plus, il n'est pas établi que les documents ainsi retirés auraient été de nature à établir de manière certaine l'existence d'une situation de harcèlement moral, le courrier d'alerte de la médecine du travail adressé au maire le 18 mai 2018, qui aurait figuré parmi les pièces retirées, évoquant de manière très générale des risques professionnels dans le secteur éducation, et les deux pétitions signées par Mme A... et les cadres de ce secteur les 27 avril et 14 mai 2018, également retirées du dossier, relevant quant à elles, et là encore de manière très générale, les difficultés rencontrées par l'ensemble des signataires pour exercer sereinement leur mission à raison de propos irrespectueux qui auraient été tenus à leur encontre par le directeur des ressources humaines selon diverses sources internes ou externes, là encore sans autre précision. Au demeurant, il résulte du courrier adressé à Mme A... le 29 octobre 2019 par l'ancienne directrice générale des services dans le cadre de la mise en œuvre de la protection fonctionnelle qui lui a été accordée que le directeur des ressources humaines s'est déclaré injustement considéré comme coupable et a soutenu subir lui-même des attaques à l'occasion de courriers et de réunions, et que par ailleurs, un rapport rédigé par la commune le 12 février 2019 révèle que si un manque de transversalité entre la direction des ressources humaines et le secteur éducation a bien été repéré, la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires a conduit à la création d'un poste supplémentaire au sein de ce secteur en 2017, qu'un accompagnement a été mis en place par le centre de gestion pour une période de six mois pour un montant de 60 000 euros, et que malgré ces mesures, Mme A... n'a jamais adhéré à l'état des lieux et aux préconisations formulées par le centre de gestion. Enfin, s'il est constant que le cadre mis en cause par l'appelante a finalement quitté les effectifs de la commune de Gardanne en septembre 2020 et qu'à la suite de ce départ, le nouveau maire de la commune a souhaité, parallèlement à la procédure pénale en cours, que toutes les personnes qui le souhaitent puissent s'exprimer sur le comportement de celui-ci lors de son affectation au sein de la commune, ces éléments demeurent là encore, par eux-mêmes, insuffisants pour établir l'existence de faits de harcèlement perpétrés à l'encontre de l'appelante.

12. Par conséquent, si les éléments invoqués par Mme A... permettent d'établir une situation professionnelle particulièrement stressante dans un contexte de réforme des rythmes scolaires avec des contraintes budgétaires lourdes, et d'évidentes difficultés structurelles et relationnelles entre le directeur des ressources humaines, à compter de l'année 2017, et l'ensemble du secteur éducation chargé de la mise en œuvre de cette réforme, de telles circonstances, prises isolément ou cumulativement, ne sauraient pour autant être regardées comme étant de nature à faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral dont elle aurait été victime de la part du directeur des ressources humaines ou de la première adjointe au maire.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur la commission à son encontre de tels agissements. Par suite, ses conclusions à fin d'indemnisation doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune de Gardanne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu non plus de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la commune de Gardanne.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Gardanne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune de Gardanne.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 19 septembre 2023.

N° 22MA02086 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02086
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SELARL NOUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-19;22ma02086 ?
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