Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel la préfète des Hautes-Alpes a déclaré d'utilité publique le projet de réalisation d'un parc de stationnement public et d'un arrêt de bus, sur le territoire de la commune de Saint-Julien-en-Champsaur, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux, et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2003382 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin 2022 et 21 avril 2023, M. B..., représenté par Me Dessinges, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 avril 2022 ;
2°) d'annuler cet arrêté de la préfète des Hautes-Alpes du 6 novembre 2019 et cette décision implicite portant rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le projet exposé dans le dossier d'enquête publique ne correspond pas à celui évoqué dans la délibération du conseil municipal de Saint-Julien-en-Champsaur du 25 septembre 2018 sollicitant la mise en œuvre de la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique ; le tribunal administratif de Marseille n'a pas répondu à ce moyen ;
- il ne ressort pas des éléments versés aux débats que l'article R. 112-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique a été respecté ; c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a considéré qu'il n'était pas démontré que ce vice n'avait pas été susceptible d'exercer une influence sur la bonne information des personnes susceptibles d'être intéressées ;
- les registres d'enquête ont été clos et signés par le maire de Saint-Julien-en-Champsaur, en méconnaissance des dispositions de l'alinéa 1er de l'article R. 112-22 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- alors qu'il a consulté le dossier d'enquête publique, il n'a pas constaté que l'étude d'impact dont fait état le commissaire enquêteur y était présente ;
. malgré les considérations du tribunal administratif de Marseille, il n'y a pas d'avis personnel du commissaire enquêteur ;
- la procédure est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- l'utilité publique du projet est inexistante et le bilan coût-avantage n'est pas favorable à celui-ci ; quand bien même les avantages allégués de la commune de Saint-Julien-en-Champsaur seraient établis, les inconvénients qui en résulteraient sont disproportionnés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2022, la commune de Saint-Julien-en-Champsaur, représentée par Me Rouanet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il reprend à son compte les écritures produites en première instance par la préfète des Hautes-Alpes et fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un nouveau mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2023, à 10 heures 25, et non communiqué, la commune de Saint-Julien-en-Champsaur, représentée par Me Rouanet, persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens.
Par une ordonnance du 21 avril 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 21 avril 2023, a été reportée au 12 mai 2023, à 12 heures.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, le conseil de la commune de Saint-Julien-en-Champsaur a été invité, le 8 juin 2023, à produire :
- l'entier rapport du commissaire enquêteur accompagné de ses annexes et des conclusions motivées de ce dernier ;
- les pièces suivantes qui sont visées par le juge de l'expropriation près le tribunal judiciaire de Gap dans son ordonnance du 14 avril 2020, soit :
. le certificat établi le 12 juillet 2019 par son maire attestant l'affichage en mairie de l'arrêté d'ouverture d'enquête à compter du 15 juin 2019 et ce, jusqu'au dernier jour de l'enquête, soit le 12 juillet 2019 inclus ;
. le certificat établi le 12 juillet 2019 par son maire attestant que le registre et les pièces composant le dossier de l'enquête parcellaire ont été mis à la disposition du public pendant toute la durée de l'enquête, soit du 24 juin au 12 juillet 2019 inclus ;
. la lettre et son accusé de réception notifiant l'ouverture d'enquête parcellaire à M. A... B... ;
. le document attestant de la clôture et de la signature du registre d'enquête parcellaire par le maire et le commissaire enquêteur ;
. le document attestant de la clôture et la signature du registre d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique par le maire et le commissaire enquêteur ;
- une copie lisible de l'estimation des domaines figurant dans le dossier d'enquête préalable conjointe.
En réponse à cette mesure d'instruction, des pièces ont été produites, le 14 juin 2023, pour la commune de Saint-Julien-en-Champsaur, par Me Rouanet.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- et les conclusions de Mme Baralesque, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Suite à l'adoption d'une délibération du 25 septembre 2018 par le conseil municipal de Saint-Julien-en-Champsaur, la préfète des Hautes-Alpes a, par un arrêté du 24 mai 2019, prescrit une enquête conjointe d'utilité publique et parcellaire préalable à la déclaration d'utilité publique et à l'acquisition des terrains nécessaires à la réalisation d'un parc de stationnement public et d'un arrêt de bus, sur le territoire de la commune de Saint-Julien-en-Champsaur. A l'issue de l'enquête publique qui s'est déroulée du 24 juin au 12 juillet 2019 inclus, la préfète des Hautes-Alpes a déclaré ce projet d'utilité publique par un arrêté du 6 novembre 2019 dont l'annexe précise que ce projet " sera implanté sur la parcelle cadastrée numéro C 149 située au Hameau des Combettes ", laquelle appartient à M. A... B.... Dans la présente instance, M. C... B..., qui se présente comme le neveu de M. A... B... et qui a manifesté son souhait d'acquérir cette parcelle cadastrée section C n° 149 dont il soutient au demeurant avoir déjà la jouissance, relève appel du jugement du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 6 novembre 2019 et de la décision implicite de la préfète des Hautes-Alpes portant rejet de son recours gracieux.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée du défaut d'intérêt pour agir de M. C... B... :
2. Il n'est pas contesté en défense que M. C... B... est propriétaire de la parcelle cadastrée section C n° 150, laquelle est voisine de celle cadastrée section C n° 149 qui constitue le terrain d'assiette du projet en litige. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. C... B... a cherché à acquérir cette dernière parcelle auprès de M. A... B..., le propriétaire de celle-ci. Il en justifie en versant aux débats un acte de vente conditionnelle signé le 29 avril 2017. Par ailleurs, à sa demande, le tribunal administratif de Marseille a, par un jugement n° 1706526 du 21 novembre 2019, annulé la décision du 19 mai 2017 par laquelle le maire de Saint-Julien-en-Champsaur avait décidé de préempter cette même parcelle cadastrée section C n° 149. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la préfète des Hautes-Alpes devant les premiers juges, qui, eu égard aux termes des écritures d'appel du ministre de l'intérieur et des outre-mer, et des pièces qui y sont jointes, doit être regardée comme reprise devant la Cour par ce dernier, et tirée de l'absence d'intérêt à agir de M. C... B... doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente (Conseil d'Etat, 19 octobre 2012, n° 343070, B).
4. Au cas particulier, il ressort des pièces versées au dossier que la commune de Saint-Julien-en-Champsaur a engagé la procédure d'expropriation de la parcelle cadastrée section C n° 149 appartenant à M. A... B... pour permettre la réalisation, dans le hameau des Combettes, d'un parc de stationnement public, comprenant un espace dédié au car de ramassage scolaire, en raison de sa proximité avec la route départementale (RD) 43 et de son " positionnement sécuritaire ". Le but étant plus précisément, d'après les motifs de la délibération du conseil municipal de Saint-Julien-en-Champsaur du 25 septembre 2018 par laquelle la commune intimée a sollicité l'engagement de la procédure d'expropriation litigieuse, de disposer d'un espace dédié à ce car de ramassage scolaire, à l'écart de cette route, pour assurer la protection des enfants déposés mais aussi sécuriser le carrefour au droit de cette parcelle, en dégageant la vue sur ladite route et, enfin, d'éviter un stationnement anarchique en période d'affluence, à l'occasion des vacances ou lors d'importantes chutes de neige. Toutefois, aucune pièce versée aux débats ne permet de déterminer les besoins en stationnement dans ce hameau dont il apparaît au vu des documents cartographiques et photographiques joints au dossier qu'il n'est composé que de quelques habitations présentant des volumes importants avec des possibilités de garer des véhicules dans les cours des différents corps de fermes et que, situé au Nord-Est du territoire communal, il est isolé du centre-ville de la commune de Saint-Julien-en-Champsaur. En l'absence, là encore de pièces probantes et de toute indication utile, en particulier sur la fréquentation de la RD 43, notamment en période hivernale, ces mêmes documents ne permettent pas davantage d'établir l'existence de difficultés de circulation dans le hameau des Combettes, ni une dangerosité particulière du carrefour au droit de la parcelle cadastrée section C n° 149. Enfin, et alors que M. B... soutient qu'aucun enfant ne réside dans le hameau des Combettes et qu'il produit, au soutien de cette allégation, deux procès-verbaux respectivement dressés les 21 juin 2021, et les 6, 9 et 10 janvier 2023, dans lesquels les huissiers de justice commis tout en constatant que le car de ramassage scolaire ne s'arrête pas aux Combettes, observent qu'à la demande de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), un second arrêt de bus a été implanté dans le hameau voisin de Chantaussel, sans précision apportée par les intimés sur le nombre d'enfants du hameau des Combettes susceptibles d'utiliser le car de ramassage scolaire, la nécessité d'y bâtir un abri bus n'est pas démontrée. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'un abri en bois a déjà été bâti sur la parcelle cadastrée section n° C n° 151, située en face de la parcelle litigieuse et qui appartient à la commune de Saint-Julien-en-Champsaur. Dans la carte figurant à l'annexe 3 du dossier d'enquête préalable comme dans celle figurant à la page 12 du rapport de présentation du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Saint-Julien-en-Champsaur, tel que résultant de sa dernière modification adoptée par une délibération du conseil municipal du 9 novembre 2017 et disponible tant au juge qu'aux parties sur le site Internet Géoportail de l'urbanisme, cet abri est identifié comme un " abri bus ". Par suite, en l'état des pièces du dossier, et nonobstant la circonstance que la parcelle cadastrée section C n° 149 soit grevée, dans ce même document d'urbanisme, d'un emplacement réservé n° 11 pour la " création de stationnement aux Combettes ", le projet envisagé ne peut être regardé comme répondant à une finalité d'intérêt général.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué du 7 avril 2022, ni les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation tant de l'arrêté de la préfète des Hautes-Alpes du 6 novembre 2019 portant déclaration d'utilité publique du projet de réalisation d'un parc de stationnement public et d'un arrêt de bus sur le territoire de la commune de Saint-Julien-en-Champsaur que de la décision implicite portant rejet du recours gracieux qu'il a présenté à l'encontre de cet arrêté.
Sur les frais liés au litige :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
7. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la commune de Saint-Julien-en-Champsaur et non compris dans les dépens.
8. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. B....
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2003382 du tribunal administratif de Marseille du 7 avril 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté de la préfète des Hautes-Alpes du 6 novembre 2019 portant déclaration d'utilité publique du projet de réalisation d'un parc de stationnement public et d'un arrêt de bus sur le territoire de la commune de Saint-Julien-en-Champsaur et la décision implicite portant rejet du recours gracieux présenté par M. B... à l'encontre de cet arrêté sont annulés.
Article 3 : L'Etat (ministre de l'intérieur et des outre-mer) versera une somme de 2 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Julien-en-Champsaur tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et à la commune de Saint-Julien-en-Champsaur.
Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.
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No 22MA01592
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