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19/09/2023 | FRANCE | N°22MA01309

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 19 septembre 2023, 22MA01309


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 20 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône,

à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 20 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de saisir la commission du titre de séjour et de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 2104459 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2022, M. A..., représenté par Me Chartier, demande à la Cour :

1°) de réformer la décision du tribunal administratif et d'annuler l'arrêté pris par le préfet des Bouches-du-Rhône le 20 avril 2021 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et l'autorisant à exercer une activité professionnelle, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de saisir la commission du titre de séjour et de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, en tout état de cause, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à exercer une activité professionnelle, sans délai et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Marseille, il justifie d'une présence continue en France depuis plus de vingt ans ;

- il est père d'un enfant français dont il participe à l'entretien et à l'éducation depuis la naissance ;

- l'arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation en droit pour ne pas avoir repris les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les articles L. 313-11 4°, 6° et 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et des conséquences qui en découlent ; il remplit les conditions fixées par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance de plein droit d'un titre de séjour au regard de l'intensité et de l'ancienneté de ses liens privés et familiaux en France où résident tous les membres de sa famille, dont la plupart sont des ressortissants français, et où il exerce une activité professionnelle ;

- le préfet a commis un vice de procédure en s'abstenant de saisir la commission du titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 2°, du 6° et du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la protection contre l'éloignement dès lors qu'il établit largement sa présence en France depuis 1990, son mariage avec une personne de nationalité française et la continuité de la vie commune, ainsi que sa qualité de père d'un enfant français et sa participation à l'entretien et à l'éducation de cet enfant ; la multiplicité des protections dont il peut se prévaloir aurait dû amener le préfet et le tribunal à procéder à un examen particulièrement attentif de sa situation ;

- les décisions portant refus de séjour, obligation à quitter le territoire français et interdiction de retour pour une durée de deux ans ont pour conséquence directe de priver durablement le jeune D... A... de la présence à ses côtés de son père dans le cas où il resterait en France avec sa mère, ou à l'inverse de la présence à ses côtés de sa mère dans le cas où il quitterait le pays avec son père ; par conséquent, l'arrêté préfectoral méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de son enfant ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de

deux ans est disproportionnée et méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet n'a absolument pas tenu compte des circonstances selon lesquelles l'intégralité de sa famille se trouve en France, et selon lesquelles il a construit toute sa vie sur le territoire français pour y vivre depuis l'âge de quatre ans, pas plus que de ses efforts d'insertion notables en travaillant dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ;

- cette décision ainsi que celle portant obligation de quitter le territoire français lui imposent une double peine, qui s'avère discriminatoire et disproportionnée.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 mars 2022.

Par ordonnance du 2 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 mai 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Martin.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 1er juillet 1986, a sollicité le 8 février 2021 le renouvellement de son titre de séjour en se prévalant de la qualité de parent d'enfant français sur le fondement de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 avril 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire. M. A... relève appel du jugement du 7 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ".

Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. L'arrêté attaqué vise notamment les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M. A.... Cet arrêté précise par ailleurs que l'intéressé, né le 1er juillet 1986 et de nationalité tunisienne, a été condamné à de multiples reprises à des peines d'emprisonnement entre 2005 et 2020, pour un cumul de plus de treize années d'emprisonnement, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, qu'il ne justifie pas d'une insertion socio-professionnelle notable, et que son comportement constitue un trouble récurrent à l'ordre public. S'il est certes exact que cet arrêté ne mentionne pas expressément la présence en France du fils de M. A..., une telle circonstance, pas plus d'ailleurs que celle résultant de l'absence de mention spécifique de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ne sont de nature à révéler une insuffisance de motivation dès lors que le préfet a explicitement visé le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et expressément analysé, sur ce fondement, la demande de renouvellement de titre de séjour de l'intéressé en qualité de parent d'un enfant français mineur. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à un examen particulier de la situation du requérant. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen ne peut, par conséquent, qu'être écarté.

Sur les moyens dirigés contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'un étranger remplissant l'une des conditions énumérées aux 1° à 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire, sous la seule réserve que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Lorsque l'administration lui oppose ce motif pour refuser de faire droit à sa demande, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

7. Pour refuser à M. A... le renouvellement de son titre de séjour en sa qualité de parent d'enfant français, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur le motif tiré de ce que la présence en France de l'intéressé représentait une menace pour l'ordre public. Il ressort en effet des pièces du dossier et notamment du bulletin n° 2 de son casier judiciaire que l'intéressé a été condamné le 14 juin 2005 à deux mois d'emprisonnement, le 9 mars 2009 et le 11 mai 2009 à huit et cinq mois d'emprisonnement pour des faits de vol, menace de mort, détention de stupéfiants, le 25 juin 2009, à quatre mois d'emprisonnement, le 17 juillet 2009 à un an et quatre mois d'emprisonnement, le 14 décembre 2009, par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à deux ans et six mois d'emprisonnement pour violence aggravée, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, le 30 juin 2011 et le 25 novembre 2011 à un et deux ans d'emprisonnement, le 15 mai 2017 à six mois d'emprisonnement, le 3 avril 2018 à quatre mois d'emprisonnement pour transport sans motif légitime d'arme blanche, stupéfiants, recel de bien provenant d'un délit, le 3 décembre 2018 à un an d'emprisonnement pour évasion et enfin, le 10 février 2020 par la chambre des appels correctionnels, à trois ans d'emprisonnement pour acquisition, détention non autorisée d'arme et transport sans motif légitime. Dans ces conditions, eu égard à la nature, la gravité et la répétition des faits commis par M. A..., le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement estimer que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public et qu'il n'y avait pas lieu, pour cette raison, de lui délivrer un titre de séjour.

8. Par ailleurs et d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier, constituées de quelques photographies, d'une attestation peu circonstanciée rédigée le 15 mai 2021 par son ancienne compagne et mère de son enfant, ainsi que d'un jugement du 28 février 2020 fixant la résidence de l'enfant au domicile de la mère et octroyant un droit de visite et d'hébergement un week-end sur deux ainsi que la moitié des vacances scolaires au bénéfice de l'appelant à sa sortie de prison, qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis sa naissance ou depuis au moins

deux ans. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'il remplissait les conditions d'octroi d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. D'autre part, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la communauté de vie entre M. A... et son épouse de nationalité française était effective à la date de la décision attaquée, et ce, d'autant plus que, selon l'attestation d'hébergement produite, il est domicilié depuis le 27 novembre 2020 chez un tiers, M. C.... Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir qu'il remplissait les conditions d'octroi d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. M. A... se prévaut de l'ancienneté de sa présence sur le territoire français où il serait entré en 1990, à l'âge de trois ans, ainsi que de sa qualité de père d'un enfant de nationalité française. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit, l'intéressé ne justifie pas, par les documents qu'il produit, constitués de quelques photographies et d'une attestation peu circonstanciée établie postérieurement à l'arrêté contesté par la mère de son enfant, de l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec celui-ci, ni de sa participation à son entretien et à son éducation.

Au demeurant, alors que la mère de son fils a déposé plainte contre M. A... le 6 juin 2019 pour des faits de harcèlement perpétrés tant sur les réseaux sociaux que par voie téléphonique alors qu'il était en détention, l'intéressé n'établit pas, par les pièces produites, qu'il exercerait son droit de visité et d'hébergement dans les conditions fixées par jugement du juge aux affaires familiales du 28 février 2020. Dans ces conditions, en dépit de la production de pièces établissant l'effectivité d'une insertion professionnelle régulière à compter de la fin de l'année 2019, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, de la menace pour l'ordre public que constitue la présence en France de M. A... et en dépit de la durée de sa présence sur le territoire français, l'arrêté contesté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, eu égard à son objet et à ses effets, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, en prenant cet arrêté, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis d'erreur manifeste d'appréciation.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents ".

13. M. A... ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations, qui créent seulement des obligations entre Etat membres, sans ouvrir de droits à leurs ressortissants.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

15. Eu égard au motif d'ordre public sur lequel repose la décision de refus de séjour et en l'absence d'éléments suffisants permettant de tenir pour établie l'implication de M. A... dans l'éducation de son fils qui vit avec sa mère, cette décision ne méconnaît pas, dans les circonstances de l'espèce, l'intérêt supérieur de son enfant, protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Le préfet n'est tenu, en application de ces dispositions, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre.

17. Il résulte de ce qui a été précédemment dit que M. A... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions citées au point 5. Par suite, il ne relève pas du champ d'application des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne peut dès lors utilement soutenir que la commission du titre de séjour aurait dû être consultée.

Sur les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :

18. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entre et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / 7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; (...) ".

19. D'une part, il résulte du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu protéger de l'éloignement les étrangers qui sont en France depuis l'enfance, à raison de leur âge d'entrée et d'établissement sur le territoire. Dans ce cadre, les éventuelles périodes d'incarcération en France, si elles ne peuvent être prises en compte dans le calcul d'une durée de résidence, ne sont pas de nature à remettre en cause la continuité de la résidence habituelle en France depuis au plus l'âge de treize ans, alors même qu'elles emportent, pour une partie de la période de présence sur le territoire, une obligation de résidence, pour l'intéressé, ne résultant pas d'un choix délibéré de sa part.

20. M. A... invoque les dispositions précitées du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et soutient résider en France depuis l'âge de trois ans, en ce incluses les périodes de détention auxquelles il a dû se soumettre en exécution des nombreuses condamnations pénales prononcées à son encontre entre 2005 et 2020, pour une durée totale d'emprisonnement de treize années. Toutefois, outre que l'effectivité de l'exécution de ces peines d'emprisonnement en France sur cette période significative ne ressort pas clairement des pièces du dossier, lesquelles font au demeurant apparaître une évasion au titre de laquelle l'intéressé a été condamné le 3 décembre 2018 par le tribunal correctionnel de Toulon, M. A... ne produit par ailleurs aucune pièce permettant d'attester sa présence en France au cours des années 2002 et 2003. La réalité d'une telle présence n'est pas d'avantage établie pour les années 2004 et 2005 par la seule production d'une attestation de couverture au titre de la CMU, ni pour l'année 2010, au titre de laquelle il se borne à produire un certificat médical du 9 décembre. Par suite, il n'établit pas résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans en 1999 et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

21. D'autre part, outre que M. A... n'établit pas l'existence d'une communauté de vie avec la mère de son enfant, il résulte de ce qui a été précédemment exposé qu'il n'établit pas davantage contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de celui-ci. Par suite, M. A... n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet, en décidant de l'obliger à quitter le territoire français, aurait méconnu les 6° et 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

22. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 12 à 15 du présent arrêt, les moyens tirés de la violation des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

23. En troisième lieu, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 21 du jugement attaqué, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français imposerait une double peine, que l'appelant réitère en cause d'appel sans apporter d'éléments nouveaux, ni critique utile de ce jugement.

Sur les moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

24. En premier lieu, aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

25. Il résulte des termes de l'arrêté attaqué que, pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans à l'encontre de M. A..., le préfet des Bouches-du-Rhône, après avoir pris en compte la présence alléguée en France de celui-ci ainsi que sa situation familiale, a relevé que son comportement constitue un trouble récurrent à l'ordre public dès lors qu'il a été condamné douze fois entre 2005 et 2020 pour un total cumulé de

treize années d'emprisonnement prononcées à son encontre. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation que le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, laquelle n'est pas disproportionnée.

26. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 12 à 15 du présent arrêt, les moyens tirés de la violation des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

27. En troisième et dernier lieu, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 21 du jugement attaqué, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français imposerait une double peine, que l'appelant réitère en cause d'appel sans apporter d'éléments nouveaux, ni critique utile de ce jugement.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par conséquent, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Frédérique Chartier et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 19 septembre 2023.

N° 22MA01309 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01309
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-19;22ma01309 ?
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