Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler le titre exécutoire n° 635 émis le 23 septembre 2019 et par lequel le maire de La Roque-d'Anthéron l'a constitué débiteur de la somme de 20 665,44 euros en recouvrement de " loyers " afférents à la période entre juillet 2018 et septembre 2019, avec majorations, pour le logement de fonction situé sur la base de loisirs des Iscles dont il avait la jouissance, d'autre part, de le décharger du paiement de cette somme et, enfin, de mettre à la charge de cette commune une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1910400 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a entièrement annulé ce titre exécutoire, a déchargé M. A... du paiement de la somme mise à sa charge par celui-ci à hauteur du montant correspondant aux majorations de 50 et 100 % qui ont été appliquées et mis à la charge de la commune de La Roque-d'Anthéron une somme de 1 000 euros à verser à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 22 février, 27 juin et 28 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Singer, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 2021 en tant qu'il limite la décharge de la somme mise à sa charge par le titre exécutoire émis à son encontre le 23 septembre 2019 au seul montant correspondant à ces majorations de 50 et 100 % ;
2°) de le décharger totalement du paiement de la somme de 20 665,44 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de La Roque-d'Anthéron une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la circonstance que le titre exécutoire litigieux a aussi été annulé pour un motif mettant en cause son bien-fondé aurait dû, à elle seule, conduire le tribunal administratif de Marseille à prononcer la décharge totale de la somme correspondant à la créance dont l'administration se prévaut ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a limité la décharge qu'il demandait aux seules majorations : les circonstances de l'espèce auraient dû le conduire à considérer que la commune de La Roque-d'Anthéron ne pouvait exiger une redevance d'occupation avant le 24 avril 2019, date à laquelle ses services lui ont demandé de quitter les lieux ;
- les bases de liquidation de la partie de la somme considérée comme due au titre de " loyers " non majorés sont inconnues et a minima incertaines ;
- la somme indéterminée mise à sa charge n'est pas régularisable a posteriori en ce que l'absence de détermination de la redevance en amont l'a privée de la possibilité de percevoir les allocations d'aide personnalisée au logement ;
- le comportement de la commune de La Roque-d'Anthéron est en tout état de cause fautif dès lors qu'informée de ses démarches de recherche d'un logement, elle n'y a pas donné suite ;
- l'absence de proposition d'une concession de logement a eu de multiples conséquences sur sa situation ;
- l'ensemble des actes pris à son égard démontre la malveillance de la commune de La Roque-d'Anthéron à son encontre et la volonté de lui nuire.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 avril, 11 juillet et 11 août 2022, la commune de La Roque-d'Anthéron, représentée par Me de Laubier, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- M. A... était à même de connaître le motif, la base et le calcul de la somme réclamée et il ne peut donc soutenir que la redevance n'est toujours pas déterminée ;
- M. A... était bien redevable, dès le mois de juillet 2018, des loyers du logement qu'il occupait irrégulièrement après la suppression de son poste ;
- le moyen tiré de ce qu'elle aurait eu un comportement fautif est inopérant et, en tout état de cause, M. A... ne peut invoquer aucune faute de sa part.
La procédure a été communiquée au directeur départemental des finances publiques des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 2 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 août 2022, à 12 heures.
En réponse à une mesure d'instruction qui lui a été adressée, le 22 juin 2023, sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, M. A..., représenté par Me Singer, a produit, le 13 juillet suivant, ses bulletins de paie pour les mois de février à septembre 2019. Ces pièces n'ont pas été communiquées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Baralesque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Singer, représentant M. A..., et celles de Me Souchon, substituant Me de Laubier, représentant la commune de La Roque-d'Anthéron.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été recruté, le 1er avril 1997, au sein des services de la commune de La Roque-d'Anthéron en qualité de gardien de la base de loisirs des Iscles. Il s'est par là-même vu attribuer, à titre gratuit, un logement de fonction situé au sein de cette base de loisirs. Mais, après que, par une délibération du 28 juin 2018, le conseil municipal de La Roque-d'Anthéron a décidé de supprimer cet emploi, le maire a émis le 23 septembre 2019, à l'encontre de M. A..., un titre exécutoire en vue du recouvrement de la somme de 20 665,44 euros, au titre des " loyers " dus pour l'occupation sans droit, ni titre de ce logement de fonction entre
juillet 2018 et septembre 2019, avec des majorations de 50 et 100 %. Par son jugement attaqué du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, entièrement annulé ce titre exécutoire, d'autre part, prononcé la décharge du paiement de la somme mise à la charge de M. A... par ce titre exécutoire à hauteur du seul montant correspondant aux majorations de 50 et 100 % et, enfin, mis à la charge de la commune de La Roque-d'Anthéron une somme de 1 000 euros à verser à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions des parties. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas totalement fait droit à ses conclusions à fin de décharge.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge.
3. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse (Conseil d'Etat, 5 avril 2019, n° 413712, A).
4. Au cas particulier, M. A... soutient que si le tribunal administratif de Marseille a, dans son jugement attaqué du 22 décembre 2021, jugé qu'il était fondé à soutenir que le titre exécutoire contesté, qui n'indiquait pas suffisamment les bases de liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il avait été émis, était entaché d'illégalité, il a également accueilli un moyen ayant trait au bien-fondé de ce même titre exécutoire. L'appelant en conclut que cette circonstance aurait dû, à elle seule, conduire le tribunal administratif de Marseille à prononcer la décharge totale de la somme correspondant à la créance dont la commune de
La Roque-d'Anthéron se prévaut à son encontre. Il ressort toutefois de la lecture de ce jugement du 22 décembre 2021 que, s'agissant du bien-fondé de cette créance, les premiers juges ont seulement estimé que la commune de La Roque-d'Anthéron n'était pas fondée à lui réclamer le versement de majorations pour occupation sans titre, en application de l'article 5 de l'arrêté du 23 décembre 2013 par lequel le maire lui avait attribué, pour la dernière fois, un logement de fonction pour nécessité absolue de service, pour la période antérieure à la réception par l'intéressé de la mise en demeure de quitter les lieux du 24 avril 2019. Par suite, c'est sans entacher leur jugement d'une irrégularité que si lesdits juges ont annulé le titre exécutoire contesté en son entier pour défaut d'indications suffisantes des bases de liquidation, ils n'ont prononcé qu'une décharge partielle de la somme mise à la charge de M. A..., à la seule hauteur du montant correspondant à ces majorations. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, M. A... ne peut utilement soutenir qu'il ignorait les bases de liquidation de la partie de la somme due au titre de " loyers " non majorés pour contester le montant de la créance en litige, ni que l'absence de proposition par la commune de
La Roque-d'Anthéron d'une concession de logement aurait eu des conséquences sur sa situation. Ces deux moyens doivent, par conséquent, être écartés comme inopérants.
6. En deuxième lieu, si M. A... soutient que la somme mise à sa charge n'est pas régularisable a posteriori " en ce que l'absence de détermination de la redevance en amont [l']a (...) privé de la possibilité de percevoir les allocations d'aide personnalisée au logement ", ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Il suit de là qu'il ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 de la loi susvisée du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale et portant modification de certains articles du code des communes, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent la liste des emplois pour lesquels un logement de fonction peut être attribué gratuitement ou moyennant une redevance par la collectivité ou l'établissement public concerné, en raison notamment des contraintes liées à l'exercice de ces emplois. / (...) Les décisions individuelles sont prises en application de cette délibération par l'autorité territoriale ayant le pouvoir de nomination. (...) ".
8. Au cas particulier, il est constant que, par une délibération du 28 juin 2018, le conseil municipal de La Roque-d'Anthéron a voté la suppression du poste de gardien de la base des Iscles qu'occupait jusqu'alors M. A... ainsi que le retrait de ce poste de la liste des emplois ouvrant droit à un logement par nécessité de service. Toutefois, il résulte de l'instruction que, par un courrier du 2 octobre 2018, la directrice générale des services de la commune de
La Roque-d'Anthéron a indiqué à M. A..., sans au demeurant évoquer la question de l'occupation du logement en cause depuis juillet 2018, qu'un contrat de concession de logement lui serait proposé " avec effet au 1er janvier 2019 " et qu'il tiendrait compte des montants fixés par la délibération du 26 juillet 2018 relative aux redevances d'occupation des logements situés dans le domaine public communal et charges afférentes, laquelle était annexée à ce courrier.
Par un courrier du 14 décembre 2018, la même directrice générale des services a de nouveau informé l'appelant qu'un contrat de concession de logement serait conclu " avec effet au 1er janvier 2019 ". Dans ces conditions, l'autorité territoriale doit être regardée comme ayant fixé le terme de l'attribution du logement pour nécessité de service à M. A..., à cette date du 1er janvier 2019. Par suite, et alors qu'au surplus, les bulletins de paie de ce dernier incluent, jusqu'en décembre 2018, une ligne " Avantage en Nature - Logement ", le maire de
La Roque-d'Anthéron ne saurait rechercher à recouvrir les " loyers " afférents à la période courant entre juillet et décembre 2018 et le titre exécutoire contesté est donc également entaché d'illégalité en tant qu'il met à la charge de M. A... le versement de ces " loyers ".
9. En quatrième et dernier lieu, et alors même qu'il ne présente pas de conclusions indemnitaires, M. A... n'établit en tout état de cause pas que la commune de
La Roque-d'Anthéron aurait commis une faute en s'abstenant de donner suite à ses démarches de recherche d'un logement. Par ailleurs, à supposer que, par cette argumentation et par celle tenant à affirmer que l'ensemble des actes pris à son égard démontre la malveillance de cette commune et la volonté de lui nuire, l'appelant ait entendu invoquer un détournement de pouvoir entachant la légalité du titre exécutoire contesté, aucun élément probant ne venant au soutien d'un tel moyen, celui-ci ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 2021 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à être déchargé de la somme mise à sa charge par le titre exécutoire du 23 septembre 2019 à hauteur du montant correspondant aux " loyers " pour les mois de juillet à décembre 2018.
Sur les frais liés au litige :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune de La Roque-d'Anthéron et non compris dans les dépens.
13. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de le commune intimée la somme de 3 000 euros à verser à M. A....
D E C I D E :
Article 1er : M. A... est déchargé de la somme mise à sa charge par le titre exécutoire du 23 septembre 2019 à hauteur du montant correspondant aux " loyers " pour les mois de juillet à décembre 2018.
Article 2 : Le jugement n° 1910400 du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune de La Roque-d'Anthéron versera à M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de
La Roque-d'Anthéron.
Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.
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No 22MA00687