Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile du Domaine des Bormettes a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de La Londe-les-Maures a rejeté sa demande datée du 21 janvier 2020 tendant à l'abrogation partielle du plan local d'urbanisme en tant qu'il classe une partie des parcelles cadastrées section AP n° 7 et section AT n° 11 et n° 12 en zone naturelle.
Par un jugement n° 2001363 du 28 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision en ce qu'elle porte sur la partie nord-est de la parcelle cadastrée section AT n° 11.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 février 2022 et le 3 octobre 2022, la société civile du Domaine des Bormettes, représentée par Me Hansen, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 28 décembre 2021 en ce qu'il n'a pas prononcé l'annulation totale de la décision implicite du maire de La Londe-les-Maures ;
2°) d'annuler en totalité la décision implicite par laquelle le maire de La Londe-les-Maures a rejeté sa demande datée du 21 janvier 2020 tendant à l'abrogation partielle du plan local d'urbanisme en tant qu'il classe une partie des parcelles cadastrées section AP n° 7 et section AT n° 11 et n° 12 en zone naturelle ;
3°) d'enjoindre à la commune de La Londe-les-Maures d'abroger, dans cette mesure, le plan local d'urbanisme sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de La Londe-les-Maures la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation découlant de la méconnaissance du plan de conquête et de reconquête agricole ;
- l'affectation agricole, le potentiel agronomique, la présence de bâtiments à usage agricole, la situation en zone d'appellation d'origine contrôlée, le contenu de la Charte pour une reconnaissance et une gestion durable des territoires départementaux à vocation agricole et du plan de conquête et de reconquête agricole révèlent l'erreur manifeste d'appréciation du classement des parcelles en litige en zone naturelle et non pas en zone agricole ;
- ce classement est incompatible avec le projet d'aménagement et de développement durable du PLU.
Par des mémoires en défense enregistrés le 15 avril 2022 et le 8 février 2023, la commune de La Londe-les-Maures, représentée par la société d'avocats MGR, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société civile du Domaine des Bormettes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société civile du Domaine des Bormettes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Triquet Le Boeuf, représentant la société civile du Domaine des Bormettes, et de Me Pillet, représentant la commune de La Londe-les-Maures.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 19 juin 2013, le conseil municipal de La Londe-les-Maures a approuvé la révision générale du plan d'occupation des sols (POS) de la commune valant élaboration du plan local d'urbanisme (PLU). Par lettre du 21 janvier 2020, la société civile du Domaine des Bormettes a demandé au maire de cette commune l'abrogation du PLU en tant qu'il classe une partie des parcelles cadastrées section AP n° 7 et section AT n° 11 et n° 12 en zone naturelle. Par un jugement du 28 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision implicite née du silence gardé par le maire sur cette demande en ce qu'elle porte sur la partie nord-est de la parcelle cadastrée section AT n° 11. La société civile du Domaine des Bormettes relève appel de ce jugement en ce qu'il n'a pas prononcé l'annulation totale de la décision implicite du maire de La Londe-les-Maures.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ". Aux termes de l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque, après la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant d'une des parties, il lui appartient d'en prendre connaissance ainsi que de le viser dans sa décision. S'il a toujours la faculté d'en tenir compte après l'avoir analysé et avoir rouvert l'instruction, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.
3. Par une ordonnance du 3 février 2021, le magistrat rapporteur a fixé la clôture de l'instruction au 2 mars 2021. Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2021, la société civile du Domaine des Bormettes a, au soutien du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du classement en zone N des parcelles en litige, déjà soulevé dans sa requête et son mémoire enregistrés avant clôture, un argument nouveau fondé sur l'identification de ces terrains par le plan de conquête et de reconquête agricoles élaboré par la Chambre d'agriculture du Var. Alors d'ailleurs que le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués à l'appui d'un moyen, cet élément nouveau ne peut être regardé comme l'une des circonstances de fait ou de droit qui imposent au juge d'en tenir compte et de rouvrir l'instruction. Ainsi, l'absence de réponse sur ce point au jugement attaqué ne révèle aucune irrégularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ". L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à la demande tendant à ce que soit abrogé un document de portée générale réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à son abrogation. Dans un tel cas, le juge doit apprécier la légalité des dispositions contestées au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.
5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ".
6. Le PLU de La Londe-les-Maures délimite une zone naturelle N qui recouvre les espaces naturels de la commune, équipés ou non, qui sont à préserver en raison, soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espace naturel. Cette zone comporte plusieurs secteurs dont un secteur Nl, correspondant aux espaces à préserver au titre de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, actuellement L. 121-23 du même code. Ce secteur est strictement protégé selon les dispositions en vigueur des dispositions du code de l'urbanisme relatives au littoral.
7. Il ressort des pièces du dossier que les auteurs du PLU de La Londe-les-Maures ont défini au projet d'aménagement et de développement durable (PADD) du PLU une orientation tendant à préserver un cadre environnemental de qualité et à mettre en valeur le patrimoine bâti et paysager, et notamment les paysages viticoles. S'agissant des terrains anciennement classés en zone naturelle au plan d'occupation de sols, le rapport de présentation mentionne qu'ils n'ont entendu reclasser dans la zone agricole que ceux de ces terrains qui étaient exploités.
8. D'une part, la parcelle cadastrée section AP n° 7 a été classée au PLU approuvé le 19 juin 2013 en secteur Nl et grevée d'un espace boisé classé sur cette même surface pour sa partie centrale correspondant à une colline, et en zone agricole pour sa partie périphérique au nord et à l'est. La société civile du Domaine des Bormettes conteste le maintien du classement de sa partie ouest correspondant à deux bandes de terrains non boisés se trouvant au pied de la colline. Il est constant que ces parties de parcelle, actuellement en nature de lande selon le constat d'huissier produit, ne font pas l'objet d'une exploitation agricole et qu'elles n'en ont pas fait l'objet, du moins à une période récente. Au contraire, par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 janvier 2022, la requérante a été condamnée pénalement pour avoir effectué notamment sur cette parcelle plusieurs exhaussements et défrichement non autorisés en vue d'une mise en culture de vignes. Si l'intéressée soutient que cette juridiction a prononcé la nullité du procès-verbal établi le 16 mars 2017 portant sur cette parcelle, il résulte des motifs de cet arrêt que les faits portant sur la partie de la parcelle cadastrée section AP n° 7 classée en zone N ont été considérés comme établis. En ce qui concerne la parcelle cadastrée section AT n° 12, celle-ci a été classée partie en secteur Nl et grevée d'un espace boisé classé, partie en zone N, seul contestée, au nord-ouest. Prolongeant au sud la parcelle AP 07, elle se situe comme celle-ci au pied de la même colline boisée et est en nature de friche. Eu égard au parti d'aménagement retenu et de la situation existante, alors même que ces parties de parcelles sont incluses dans la zone d'appellation d'origine contrôlée " Côtes de Provence " et à supposer que les oliviers dont la présence a été constatée par huissier aient été plantés de main d'homme et révèleraient la valeur agronomique de ce terrain, le maintien de leur classement en zone N n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation. La circonstance qu'une charte pour une reconnaissance et une gestion durable des territoires départementaux à vocation agricole et un plan de conquête et de reconquête agricole prévoient des actions pour limiter les friches agricoles est sans incidence sur la légalité de ce classement. En outre, il n'appartient pas au juge administratif de vérifier si un autre classement aurait été possible, mais seulement de s'assurer que le classement retenu n'est pas illégal. Par suite, il ne peut être utilement soutenu que ces parties de parcelles auraient dû être classées en zone A du PLU.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".
10. Ainsi qu'il a été relevé au point 7, le PADD du PLU de La Londe-les-Maures comporte une orientation 1 tendant à préserver un cadre environnemental de qualité et à mettre en valeur le patrimoine bâti et paysager, et notamment les paysages viticoles. Si la société civile du Domaine des Bormettes soutient que les parties de parcelles en litige sont identifiées comme un espace concerné par l'objectif de préservation des paysages viticoles et non par l'objectif de préservation des espaces naturels, il résulte du motif énoncé au point 8 que ces terrains sont en friche et ne correspondent pas, en conséquence, à un paysage viticole. Le PADD détermine également une orientation 2 qui consiste à accompagner le développement économique et notamment l'activité viticole et oléicole, en sorte qu'il est " indispensable de déclasser des Espaces Boisés Classés en zone agricole, tout en limitant l'impact environnemental et paysager que les déboisements pourraient occasionner ". Cependant, alors d'ailleurs que les parties de parcelles en cause ne sont pas couvertes par un espace boisé classé, le développement économique recherché doit être concilié avec la préservation de l'environnement qui fait l'objet de l'orientation 1. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incohérence du classement en zone naturelle de ces parties des parcelles AP n° 7 et AT n° 12 avec le PADD doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société civile du Domaine des Bormettes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision implicite née du silence gardé par le maire sur sa demande d'abrogation du PLU en tant seulement qu'elle porte sur la partie nord-est de la parcelle cadastrée section AT n° 11.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Londe-les-Maures qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société civile du Domaine des Bormettes demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société civile du Domaine des Bormettes une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de La Londe-les-Maures et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société civile du Domaine des Bormettes est rejetée.
Article 2 : La société civile du Domaine des Bormettes versera à la commune de La Londe-les-Maures une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile du Domaine des Bormettes et à la commune de La Londe-les-Maures.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 31 août 2023, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.
N° 22MA00737 2
nb