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14/09/2023 | FRANCE | N°21MA03736

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 14 septembre 2023, 21MA03736


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Samat a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 19 juin 2018 par laquelle le maire d'Hyères a contesté la conformité des travaux au permis de construire qui lui a été délivré et l'a mise en demeure de mettre les travaux en conformité dans un délai de deux mois, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1803611 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 31 août 2021...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Samat a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 19 juin 2018 par laquelle le maire d'Hyères a contesté la conformité des travaux au permis de construire qui lui a été délivré et l'a mise en demeure de mettre les travaux en conformité dans un délai de deux mois, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1803611 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 31 août 2021, le 16 novembre 2022 et le 6 janvier 2023, la SCI Samat, représentée par la SELARL LLC et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du maire d'Hyères du 19 juin 2018 et la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire d'Hyères de lui délivrer un certificat de conformité dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Hyères la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mise en demeure en litige constitue une décision faisant grief ;

- cette décision est irrégulière au regard de l'article R. 462-9 du code de l'urbanisme ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que les aménagements extérieurs ont été réalisés ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les travaux de construction en cause sont sans lien avec les travaux de démolition autorisés antérieurement.

Par des mémoires en défense enregistrés les 21 avril et 19 décembre 2022, la commune d'Hyères, représentée par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SCI Samat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, en cas d'annulation du jugement attaqué, elle s'en remet à ses écritures de première instance et la demande de première instance était irrecevable dès lors que la mise en demeure litigieuse constitue un acte préparatoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mouret,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- les observations de Me Reghin, représentant la SCI Samat, et celles de Me Barbeau, représentant la commune d'Hyères.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 2 octobre 2006, le maire d'Hyères a délivré un permis de construire à la SCI Samat en vue de l'édification d'une maison individuelle sur un terrain situé au lieu-dit " L'Ayguade ". Cette société s'est vu accorder, le 27 septembre 2007, un permis de construire modificatif. Par un arrêté du 25 novembre 2010, le maire d'Hyères a retiré le permis de construire initial du 2 octobre 2006 ainsi que le permis de construire modificatif du 27 septembre 2007. Cet arrêté de retrait du 25 novembre 2010 et la décision implicite rejetant le recours gracieux formé à son encontre ont toutefois été annulés par un jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 juillet 2013, devenu définitif. La déclaration de la SCI Samat attestant l'achèvement et la conformité des travaux autorisés a été enregistrée en mairie le 23 avril 2018. A la suite d'une visite de récolement effectuée le 18 juin suivant, le maire d'Hyères a, par une décision du 19 juin 2018, contesté la conformité des travaux réalisés par la SCI Samat et l'a mise en demeure de mettre les travaux en conformité avec l'autorisation d'urbanisme accordée dans un délai de deux mois. La SCI Samat relève appel du jugement du 2 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 19 juin 2018 ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

2. La décision du 19 juin 2018 en litige, prise sur le fondement des dispositions citées ci-dessous des articles L. 462-2 et R. 462-9 du code de l'urbanisme et mettant notamment son destinataire en demeure de réaliser des travaux de mise en conformité, revêt, eu égard à son objet et à ses effets, le caractère d'une décision faisant grief, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la commune d'Hyères doit être écartée.

Sur la légalité des décisions litigieuses :

3. Aux termes de l'article L. 462-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " A l'achèvement des travaux de construction ou d'aménagement, une déclaration attestant cet achèvement et la conformité des travaux au permis délivré ou à la déclaration préalable est adressée à la mairie ". Le premier alinéa de l'article R. 462-1 du même code dispose que : " La déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux est signée par le bénéficiaire du permis de construire ou d'aménager ou de la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou par l'architecte ou l'agréé en architecture, dans le cas où ils ont dirigé les travaux ".

4. L'article L. 462-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que : " L'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3 peut, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, procéder ou faire procéder à un récolement des travaux et, lorsque ceux-ci ne sont pas conformes au permis délivré ou à la déclaration préalable, mettre en demeure le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité. Un décret en Conseil d'Etat fixe les cas où le récolement est obligatoire. / Passé ce délai, l'autorité compétente ne peut plus contester la conformité des travaux ". Selon le premier alinéa de l'article R. 462-9 de ce code : " Lorsqu'elle estime que les travaux ne sont pas conformes à l'autorisation, l'autorité compétente pour délivrer le permis ou prendre la décision sur la déclaration préalable met en demeure, dans le délai prévu à l'article R. 462-6, le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité avec l'autorisation accordée ".

5. D'une part, il résulte des dispositions citées aux deux points précédents que la conformité des travaux de construction ou d'aménagement mentionnés dans la déclaration prévue à l'article L. 462-1 du code de l'urbanisme doit être appréciée par l'autorité compétente au regard des autorisations d'urbanisme accordées, au nombre desquelles ne figurent pas les permis de démolir.

6. D'autre part, il résulte des articles L. 421-6 et R. 431-21 du code de l'urbanisme que, si le permis de construire et le permis de démolir peuvent être accordés par une même décision, au terme d'une instruction commune, ils constituent des actes distincts ayant des effets propres. Eu égard à l'objet et à la portée du permis de démolir, la décision statuant sur la demande de permis de construire ne peut valoir autorisation de démolir que si le dossier de demande mentionne explicitement que le pétitionnaire entend solliciter cette autorisation. Est par elle-même sans incidence la circonstance que les plans joints à la demande de permis de construire montrent que la réalisation de la construction implique la démolition de bâtiments existants.

7. Pour contester la conformité des travaux réalisés par la SCI Samat, le maire d'Hyères a relevé, d'une part, que " les aménagements extérieurs ne sont pas réalisés ", sans d'ailleurs préciser la nature des " aménagements extérieurs " en cause, et, d'autre part, que " la démolition de l'ancienne construction n'a pas été effectuée ".

8. Il ressort des dossiers des demandes de permis de construire initial et modificatif de la SCI Samat que celle-ci n'a pas sollicité, à l'occasion du dépôt de ces demandes portant sur l'édification d'une construction nouvelle au centre du terrain d'assiette, l'autorisation de démolir la construction existante implantée au nord de ce terrain. Cette démolition, dissociable du projet objet de la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux déposée par la SCI Samat, a été autorisée par un permis de démolir accordé à cette société le 14 juin 2006, soit antérieurement à l'obtention par celle-ci du permis de construire initial le 2 octobre suivant. Dans ces conditions, alors même que les plans et les autres éléments - et en particulier la notice descriptive - joints à la demande de permis de construire initial, faisaient état de la démolition en cause, les permis de construire initial et modificatif des 2 octobre 2006 et 27 septembre 2007 ne sauraient être regardés comme valant permis de démolir, ni d'ailleurs comme impliquant, par eux-mêmes, cette démolition antérieurement autorisée. Par suite, compte tenu de l'objet de la déclaration d'achèvement déposée par la SCI Samat et de ce qui a été dit au point 5, le maire d'Hyères ne pouvait, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, légalement retenir l'existence d'une non-conformité tenant à l'absence de réalisation des travaux de démolition autorisés par ce permis de démolir.

9. Il ne résulte pas de l'instruction que le maire d'Hyères aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur l'autre non-conformité relevée dans sa décision du 19 juin 2018 et rappelée au point 7.

10. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible de fonder l'annulation des décisions litigieuses.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Samat est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire d'Hyères du 19 juin 2018 ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur l'injonction et l'astreinte :

12. Eu égard au motif d'annulation retenu et à ce qui est dit au point 9, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le maire d'Hyères délivre à la SCI Samat l'attestation mentionnée à l'article R. 462-10 du code de l'urbanisme. En revanche, il y a lieu d'enjoindre à cette autorité de procéder au réexamen de la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux déposée par la SCI Samat, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 2 juillet 2021 est annulé.

Article 2 : La décision du maire d'Hyères du 19 juin 2018 et sa décision implicite rejetant le recours gracieux formé par la SCI Samat sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au maire d'Hyères de procéder au réexamen de la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux déposée par la SCI Samat, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Samat et à la commune d'Hyères.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.

2

N° 21MA03736

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03736
Date de la décision : 14/09/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03-05-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Contrôle des travaux. - Certificat de conformité.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-14;21ma03736 ?
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