Vu la procédure suivante :
Procédure devant la Cour :
Par un arrêt n° 21MA00669 du 17 avril 2023, la Cour, saisie d'une requête du centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer tendant à la condamnation solidaire de la société par actions simplifiée Brunet Saunier Architecture, de la société à responsabilité limitée Unité d'Architecture JC, de la société par actions simplifiée Edeis, venant aux droits et obligations de la société Lavalin, venant elle-même aux droits de la société SIRR Ingénierie, et de la société à responsabilité limitée Christine et Michel Pena, à lui payer la somme de 3 997 569,44 euros toutes taxes comprises à parfaire, assortie des intérêts légaux capitalisés, en réparation du préjudice résultant de désordres constructifs affectant l'hôpital, a, après avoir mis la société Bureau Veritas Construction hors de cause et rejeté certaines demandes indemnitaires, prescrit la réalisation d'un avis technique en demandant au consultant désigné d'indiquer à la Cour si l'évolution de l'état des toitures-terrasses du centre hospitalier confirme, ou au contraire infirme, l'appréciation de l'expert, selon laquelle la dégradation du revêtement d'étanchéité du fait de la chaleur conduira inéluctablement à des fuites ou infiltrations généralisées rendant nécessaire une reprise de l'ensemble des revêtements.
Le 17 mai 2023, le consultant a rendu l'avis technique sollicité, qui a été communiqué aux parties le 30 mai 2023.
Par ordonnance du 24 mai 2023, la présidente de la Cour a liquidé et taxé les frais et honoraires du consultant à la somme de 2 051,81 euros.
Par une lettre du 30 mai 2023, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire ce dossier à une audience qui pourrait avoir lieu d'ici le 31 décembre 2023, et que la clôture de l'instruction pourrait être prononcée avec effet immédiat à compter du 1er juillet 2023, échéance ultérieurement reportée au 10 juillet par lettre du 3 juillet 2023.
Par un mémoire enregistré le 23 juin 2023, la société à responsabilité limitée SAPE, représentée par la SELARL Phare Avocat, conclut :
1°) à titre principal, au rejet des conclusions dirigées contre elle comme présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
2°) à titre subsidiaire, au rejet de ces conclusions comme irrecevables ;
3°) à titre plus subsidiaire, au rejet de ces conclusions comme infondées ;
4°) en toute hypothèse, de mettre in solidum à la charge des sociétés Brunet Saunier Architecture, la société à responsabilité limitée Unité d'Architecture JC, la société à responsabilité limitée Christine et Michel Pena, la somme de 3 500 euros ainsi que les dépens.
La société soutient que :
- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur les conclusions dirigées contre elle, dès lors qu'elle est sous-traitante de l'entrepreneur principal ;
- les conclusions dirigées contre elles sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;
- les appels en garantie dirigés contre elle sont infondés, aucune violation des règles de l'art ou méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires n'étant invoquée.
Par un mémoire enregistré le 27 juin 2023, le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer, représenté par la SELARL Abeille et Associés, maintient ses précédentes conclusions.
Il indique qu'aucune indemnisation n'a jamais été demandée au titre des toitures des locaux et édicules situés sur les toitures terrasses.
Par un mémoire récapitulatif enregistré le 29 juin 2023, la société par actions simplifiée Edeis Ingénierie, venant aux droits et aux obligations de la société Edeis, représentée par Me Fournier, demande à la Cour :
1°) de confirmer le jugement et de rejeter la requête d'appel ;
2°) subsidiairement, si une condamnation devait être prononcée à son encontre, de condamner la société Travaux du Midi Provence, la société Travaux du Midi Var, la société par actions simplifiée Socotec Construction et les sociétés Brunet Saunier Architecture et Unité d'Architecture JC à la garantir de toute condamnation ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres constatés par M. A... sont les mêmes que ceux constatés par M. B... ;
- M. A... n'a pas indiqué dans quel délai prévisible ou encore à quel horizon temporel la survenance de tels désordres à caractère décennal peut être attendue ;
- les édicules et autres locaux techniques ne sont pas concernés ;
- les désordres ne lui sont pas imputables ;
- subsidiairement, elle doit être intégralement garantie de toute condamnation.
Par un mémoire enregistré le 30 juin 2023, les sociétés Brunet Saunier Architecture, Unité d'Architecture JC et Christine et Michel Pena SARL, représentées par CCL Avocats, maintiennent leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens.
Elles soutiennent en outre que :
- l'avis du consultant est irrégulier dès lors que ce dernier a été accompagné sur les toitures terrasses par le personnel responsable de l'entretien des bâtiments du centre hospitalier, ce qui a pu permettre à ces derniers de présenter leur interprétation du dossier, en méconnaissance de l'arrêt de la Cour ;
- cet avis ne répond pas à la mission définie par la Cour ;
- le consultant n'évoque pas la question de l'entretien et de la maintenance ;
- il ne précise pas l'horizon temporel des désordres ;
- le centre hospitalier ne justifie pas du montant du préjudice ;
- il n'est pas recevable à solliciter une augmentation du montant de la condamnation demandée en première instance.
Par un mémoire enregistré le 30 juin 2023, et un mémoire enregistré le 25 juillet 2023 et qui, ne contenant pas d'élément nouveau, n'a pas été communiqué, la société Travaux du Midi, venant aux droits et aux obligations de la société Travaux du Midi Provence et de la société Travaux du Midi Var, et la société SENEC, représentées par Me Engelhard, maintiennent leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens.
Elles soutiennent que :
- l'avis technique est irrégulier dès lors que le consultant a été accompagné lors de sa visite par des représentants du centre hospitalier et a reçu communication du rapport d'expertise, ce qui a méconnu le principe du contradictoire ;
- le consultant s'est abstenu de répondre à la demande relative à l'horizon temporel de survenance des désordres ;
- les désordres dont le consultant indique qu'ils ont déjà commencé sont ceux qui ont déjà fait l'objet de travaux à la suite des déclarations de sinistre faites par le centre hospitalier à l'assureur dommage-ouvrage ;
- les désordres en cause ne sont pas généralisés ;
- un abattement de vétusté de 75 % devra être appliqué à l'indemnité ;
- la société Travaux du Midi ne peut être appelée en garantie sur un fondement quasi-délictuel à raison des fautes commises par son sous-traitant la société SAPE.
Par lettre du 30 mai 2023, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire le dossier à une audience qui pourrait avoir lieu d'ici le 31 décembre 2023 et qu'une clôture de l'instruction pourrait être prononcée avec effet immédiat à compter du 1er juillet 2023, échéance reportée au 10 juillet 2023 par lettre du 3 juillet 2023.
Par ordonnance du 26 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Pontier pour le centre hospitalier, de Me Blanc pour la société Edeis Ingénierie, de Me Meyer pour les sociétés Brunet Saunier Architecture, Unité d'Architecture JC, SIRR Ingénierie, et Christine et Michel Pena SARL, de Me Engelhard pour la société Travaux du Midi et la société SENEC, de Me Martinez pour la société Socotec Construction, de Me Puchol pour la société Bureau Véritas Construction et de Me François pour la société SAPE.
Considérant ce qui suit :
1. Par un contrat conclu le 9 janvier 2003, le centre hospitalier de Toulon - La Seyne-sur-Mer a confié à un groupement conjoint composé des sociétés Brunet Saunier Architecture, Unité d'Architecture JC, SIRR Ingénierie, et Christine et Michel Pena SARL, la maîtrise d'œuvre d'une opération de construction de trois nouveaux bâtiments, nommés " TER " (tertiaire, bureaux), " MOC " (médecine générale, obstétrique et chirurgie) et " PSY " (psychiatrie) sur le site de Sainte-Musse. Avant l'achèvement des travaux, des défauts affectant le complexe d'étanchéité ont été constatés. Ces désordres ont fait l'objet d'une reprise conformément aux préconisations d'un rapport déposé le 10 mars 2011 par un expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif. La réception de l'ouvrage a été prononcée le 25 janvier 2012. Le 2 janvier 2018, le centre hospitalier a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation, in solidum, des membres du groupement de maîtrise d'œuvre à l'indemniser, à hauteur de 3 351 046,04 euros, du préjudice subi du fait des désordres affectant le bâtiment. Par le jugement attaqué, dont le centre hospitalier relève appel, le tribunal administratif a rejeté cette demande, en estimant, d'une part, que la responsabilité contractuelle des constructeurs ne pouvait plus être engagée du fait de la réception des travaux et, d'autre part, que leur responsabilité décennale ne pouvait pas plus être engagée dès lors qu'il n'était pas établi que les désordres en cause compromettraient la solidité de l'ouvrage ou le rendraient impropre à sa destination dans un délai prévisible. Par un arrêt n° 21MA00669 du 17 avril 2023, la Cour a, après avoir mis la société Bureau Veritas Construction hors de cause et rejeté certaines demandes indemnitaires, prescrit la réalisation d'un avis technique en demandant au consultant désigné de lui indiquer si l'évolution de l'état des toitures-terrasses du centre hospitalier confirme, ou au contraire infirme, l'appréciation de l'expert, selon laquelle la dégradation du revêtement d'étanchéité du fait de la chaleur conduira inéluctablement à des fuites ou infiltrations généralisées rendant nécessaire une reprise de l'ensemble des revêtements.
1. Sur la régularité de l'avis technique :
2. Aux termes de l'article R. 626-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'une question technique ne requiert pas d'investigations complexes, la formation de jugement peut charger la personne qu'elle commet de lui fournir un avis sur les points qu'elle détermine. Elle peut, à cet effet, désigner une personne figurant sur l'un des tableaux établis en application de l'article R. 221-9. Elle peut, le cas échéant, désigner toute autre personne de son choix. Le consultant, à qui le dossier de l'instance n'est pas remis, n'a pas à opérer en respectant une procédure contradictoire à l'égard des parties ".
3. Il résulte de l'article R. 626-2 du code de justice administrative que, si le consultant désigné par le juge n'est pas tenu d'élaborer son avis dans le cadre d'une procédure contradictoire, il doit, dès lors qu'il est amené à entendre l'une des parties au procès ou à examiner des pièces produites par elle, associer en principe l'autre partie au procès à ces auditions ou examens, dans toute la mesure où le respect d'un secret, tel que le secret médical ou le secret des affaires, ne s'y oppose pas. Dans l'article 4 de son arrêt avant dire droit, la Cour a donc précisé au consultant que, dans le cas où il souhaiterait entendre l'une des parties au procès ou examiner des pièces produites par elle, il devait associer les autres parties au procès à ces auditions ou examen.
4. Il ressort de l'avis technique que celui-ci se fonde seulement sur un constat visuel de l'état des toitures-terrasses du centre hospitalier. Rien ne suggère que le consultant aurait pu, en méconnaissance de l'arrêt avant dire droit de la Cour, tenir compte d'arguments avancés par les agents du centre hospitalier, ou que son avis aurait pu être d'une façon ou d'une autre influencé par ces derniers. De ce point de vue, la seule circonstance que le responsable de l'entretien des bâtiments lui ait donné accès aux toitures et qu'un agent du centre hospitalier l'ait accompagné lors de la visite des lieux ne permet pas de caractériser une irrégularité de l'avis technique. De même, le consultant pouvait prendre connaissance du rapport d'expertise contradictoirement établi, dont il était chargé de confirmer ou d'infirmer une analyse au vu d'un constat factuel, sans y associer les autres parties au procès.
5. Par ailleurs, en répondant, d'une part, que " l'évolution de l'état des toitures-terrasses (...) confirme l'appréciation de l'expert B... selon laquelle la dégradation du revêtement d'étanchéité du fait de la chaleur conduira inéluctablement à des fuites ou infiltrations généralisées rendant nécessaire la reprise de l'ensemble des revêtements " et, d'autre part, que " ces désordres ont déjà commencé ", le consultant a rempli la mission qui lui avait été confiée, en précisant la survenue certaine de désordres décennaux ayant débuté. Par ailleurs, il ressort de l'avis que ce dernier, qui a indiqué sur une photographie aérienne les toitures affectées par les désordres, conclut au caractère généralisé de ces derniers, à l'exception des édicules et locaux construits sur les toitures-terrasses. Enfin, en répondant que la dégradation du revêtement d'étanchéité résulte de la chaleur, le consultant a exclu d'autres causes, et notamment un mauvais entretien du toit.
2. Sur les conclusions d'appel du centre hospitalier :
2.1. En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :
6. Il ressort du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Toulon, déposé le 20 mai 2015, que le complexe d'isolation et d'étanchéité, dont la qualité avait été réduite pour des raisons d'économie, n'était pas en mesure de supporter l'échauffement provenant, par effet de réverbération, des panneaux de façade des locaux techniques, constitués d'un bardage en aluminium naturel lisse qui ont, par un tel effet, haussé la température des pieds de façade des édicules en toiture, sur une largeur de 1 à 1,5 mètre, à plus de 100°C, faisant fondre, au pied des locaux techniques, le polystyrène isolant situé sous le revêtement d'étanchéité, et entraînant l'affaissement et la détérioration de ce revêtement. L'expert, après avoir constaté l'état de détérioration de l'isolant, sujet à un " affaissement quasi-généralisé ", y compris dans les secteurs ayant fait l'objet des travaux de reprise prescrits par l'ordre de service n° 119, a ainsi estimé " que l'isolation qui couvre les toitures-terrasses [des] trois bâtiments [allait], année après année, lors des périodes estivales, continuer à se désagréger ". Il a précisé, à ce titre, que, dans un premier temps, le défaut d'isolation entraînera des " ponts thermiques " et une déperdition d'énergie et que, dans un second temps, " le revêtement d'étanchéité qui est collé sur ces panneaux [allait] se déchirer et entraîner des dégâts des eaux conséquents ". Il ressortait ainsi du rapport d'expertise que la dégradation de l'isolation de l'ouvrage, sous l'effet de la chaleur, conduirait inéluctablement à la détérioration du revêtement d'étanchéité, causant des dégâts des eaux importants. Ce pronostic de l'expert est corroboré par le procès-verbal de constat d'huissier du 18 mars 2021, qui établit l'état de détérioration avancé des revêtements d'étanchéité des toitures terrasses. Les photographies produites à l'appui de ce constat montrent, notamment, un phénomène de déformation et de bullage affectant les bardeaux bitumés rectangulaires, également appelés " shingles ", assurant l'étanchéité des toitures terrasses, ce phénomène touchant également les bardeaux de couleur noire posés en remplacement des précédents dans le cadre des travaux de reprise. Ce phénomène témoigne d'une dégradation du revêtement d'étanchéité dont le constat, même si les angles de vue des photographies ne sont pas reportés sur un plan, vient corroborer les prévisions de l'expert quant à la perspective d'une dégradation généralisée de l'étanchéité des toitures-terrasses. Enfin, ces prévisions sont également confirmées par l'avis technique établi en exécution de l'arrêt avant dire droit de la Cour, qui permet d'étayer avec un très grand degré de certitude, au regard de l'évolution des désordres, l'appréciation de l'expert selon laquelle la dégradation du revêtement d'étanchéité du fait de la chaleur conduira inéluctablement à des fuites ou infiltrations généralisées rendant nécessaire une reprise de l'ensemble des revêtements des toitures terrasses, à l'exception des toitures et édicules techniques. Le consultant a, ainsi qu'il a été dit plus haut, précisé que les désordres décennaux, liés à l'altération du revêtement d'étanchéité sous l'effet des causes décrites par l'expert, avaient déjà débuté. Ce dernier point est d'ailleurs corroboré par le rapport définitif dommages-ouvrage, dressé le 4 mai 2017, qui indique que des infiltrations intervenues sous la toiture du bâtiment MCO avaient été causées par " un retrait de l'isolant en panneau de polystyrène expansé ".
7. A ce titre, si la société Travaux du Midi, venant aux droits et aux obligations de la société Dumez Méditerranée, mandataire du groupement d'entreprises en charge des travaux, soutient que les désordres identifiés par le consultant auraient une cause distincte de celle relevée par l'expert, ou que les désordres ne seraient, contrairement à l'avis de l'expert et du consultant, pas généralisés, elle n'apporte pas au soutien de ces allégations d'éléments suffisants pour combattre sérieusement l'avis de ces deux hommes de l'art.
8. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, comme le propose l'expert, que les désordres affectant ces toitures-terrasses rendront, dans un délai prévisible, l'ouvrage impropre à sa destination.
9. Par ailleurs, si le consultant relève dans son avis technique que les toitures des édicules et locaux situés sur les toitures-terrasses ne sont pas concernées par la dégradation du complexe d'étanchéité, son avis ne diffère pas de celui de l'expert B... qui n'avait à aucun moment mis en cause l'étanchéité des couvertures de ces constructions.
10. Dès lors que le caractère inéluctable des dégradations pronostiquées est suffisamment étayé par le rapport d'expertise, le constat d'huissier et l'avis technique, le fait que le centre hospitalier ne démontre pas avoir été, à ce jour, victime d'un sinistre en lien avec le vice relevé par l'expert, n'est pas de nature à ôter à ces désordres leur caractère décennal en raison des dégâts des eaux prévisibles. Il en va de même de la circonstance que le rapport d'expertise ne précise pas la date à laquelle les désordres, du fait de leur généralisation, rendront l'ouvrage impropre à sa destination, dès lors que le caractère inéluctable de ces désordres est établi.
11. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que la responsabilité décennale des constructeurs ne pouvait être engagée faute pour le centre hospitalier d'établir que les désordres acquerraient un caractère décennal dans un délai prévisible.
2.2. En ce qui concerne le caractère inapparent de ces désordres au moment de la réception :
12. Si certains désordres affectant les toitures-terrasses étaient apparus en cours de chantier, le centre hospitalier soutient, sans que ces affirmations soient contredites par les membres du groupement de maîtrise d'œuvre, que les désordres avaient fait l'objet de travaux de reprise, dont la réalisation avait été prescrite par l'ordre de service n° 119, qui prévoyait, à la suite d'une expertise amiable, la mise en place de dallettes destinées à rétablir l'étanchéité sur le pourtour des locaux techniques des bâtiments, et dont l'inefficacité n'a pu être constatée que postérieurement à la réception de l'ouvrage. Rien n'indique en outre que la réapparition des désordres, et leur étendue, auraient été prévisibles pour le maître d'œuvre et le maître de l'ouvrage. Dans ces conditions, les désordres doivent être regardés comme inapparents au moment des opérations préalables à la réception.
2.3. En ce qui concerne l'imputabilité :
13. La responsabilité décennale d'un constructeur est engagée du seul fait de sa participation à la réalisation des ouvrages affectés de désordres, et en l'absence même de faute établie, sauf dans l'hypothèse où les vices à l'origine des désordres, étant étrangers à la mission qui lui a été confiée, ne lui sont pas imputables.
14. Le contrat de maîtrise d'œuvre, qui ne précise pas la répartition des missions entre les membres du groupement, confie à ce dernier, notamment, l'étude de projet (" PRO "), l'assistance au maître d'ouvrage pour la passation des marchés de travaux (" ACT ") et la direction de l'exécution des travaux (" DET "). Toutefois, le groupement de maîtrise d'œuvre étant un groupement conjoint et non un groupement solidaire, il y a lieu, pour déterminer l'imputabilité des désordres, de se référer aux missions effectivement assurées par les membres respectifs du groupement en vertu de la convention de groupement. Il ressort de la convention conclue le 10 juin 2003 par les membres du groupement de maîtrise d'œuvre que les sociétés Brunet Saunier Architecture et Unité d'Architecture JC étaient en charge de la conception et du suivi des travaux s'agissant des lots architecturaux et que la société SIRR Ingénierie, aux droits et obligations de laquelle vient la société Edeis, avait la charge des lots techniques, et notamment de l'étanchéité. A ce titre, la société Brunet Saunier Architecture avait, au titre de la mission " APD ", la charge de " [définir] les matériaux " avec " le cas échéant l'assistance [de SIRR Ingénierie], puis la charge de " coordonne[r] la remise du [dossier de consultation des entreprises] au maître d'ouvrage ". La société Unité d'Architecture JC et la société SIRR Ingénierie avaient, quant à elles, la charge de la mise au point des pièces constitutives du marché de travaux au titre de la mission " ACT ", ainsi que celle du contrôle de l'exécution des travaux au titre de la mission " DET ". La société Brunet Saunier Architecture était, quant à elle, chargée de la coordination de la préparation du rapport " ACT " " afin d'en assurer la cohérence ".
15. Il résulte de l'instruction que la modification du complexe d'étanchéité et d'isolation résulte de la modification, dans un souci d'économie, du cahier des clauses techniques particulières d'origine, dans le cadre de la procédure négociée ayant conduit à l'attribution du marché de travaux. Cette modification a été effectuée dans le cadre de la phase " ACT ". Les désordres affectant le complexe d'isolation et d'étanchéité ne sont donc pas étrangers aux missions confiées aux sociétés Brunet Saunier Architecture, Unité d'Architecture JC et SIRR Ingénierie. La circonstance que la société SIRR Ingénierie n'ait pas participé au choix des bardages est dès lors sans influence sur l'imputabilité des désordres à cette société.
16. En revanche, la mission de la société Christine et Michel Pena SARL concernait seulement les aspects paysagers, et notamment la voirie et les espaces verts.
17. Il résulte de ce qui précède que les désordres sont imputables aux sociétés Brunet Saunier Architecture, Unité d'Architecture JC et SIRR Ingénierie, aux obligations de laquelle vient la société Edeis. Il y a donc lieu de déclarer ces trois sociétés responsables in solidum du préjudice subi par le centre hospitalier.
2.4. En ce qui concerne la faute exonératoire du maître de l'ouvrage :
18. Si les désordres ont été causés par l'adoption d'une variante, moins performante, à la place de la solution technique de base, jugée trop onéreuse, il ne résulte pas de l'instruction que le centre hospitalier aurait pu avoir connaissance, en sollicitant et validant cette modification, des risques en résultant. Aucune imprudence, ni aucune autre faute du centre hospitalier, de nature à exonérer les constructeurs de leur responsabilité, n'est donc établie.
2.5. En ce qui concerne le préjudice :
2.5.1. S'agissant du coût des travaux de reprise :
19. Il ressort du rapport d'expertise, établi en fonction des quantités estimées et des prix unitaires, que la reprise des désordres affectant l'isolation et l'étanchéité suppose, en premier lieu, l'installation de grues, pour un coût hors taxes évalué à 12 960 euros, en deuxième lieu, l'arrachage et l'évacuation à la décharge des revêtements d'étanchéité et panneaux d'isolant sur les parties planes (223 088 euros hors taxes), ainsi que des revêtements d'étanchéité sur les parties en relevés et leur évacuation (62 150,40 euros hors taxes), en troisième lieu, la mise en œuvre de la solution de base initialement prévue dans les marchés pour un coût global estimé à 1 731 951,38 euros hors taxes.
20. La seule circonstance que le bureau de contrôle technique avait émis un avis négatif sur la solution technique consistant à mettre en place un lit de gravillons roulés sur 4 cm d'épaisseur, compte tenu de l'exposition au vent et de la présence de l'hélistation, ne suffit pas, au regard du caractère facultatif de cet avis et en l'absence d'une démonstration d'une véritable dangerosité de cette solution, à la considérer comme impraticable.
21. Les membres du groupement de maîtrise d'œuvre ne critiquent pas utilement le calcul du préjudice effectué par l'expert, sur le fondement des prix unitaires du marché et de quantités susceptibles d'être discutées par les parties. S'ils soutiennent que la solution réparatoire envisagée par la société Arcaris, sapiteur en thermographie, et consistant à surélever les dallettes existantes de 3 cm pour permettre une ventilation du complexe isolant, aurait été " sans aucun doute moins coûteuse que la pose et la repose de la toiture en son entier ", cette argumentation, non autrement étayée, n'est pas de nature à remettre en cause la pertinence de la solution technique choisie par l'expert.
2.5.2. S'agissant des abattements :
2.5.2.1. Quant à l'abattement pour plus-value :
22. La solution de reprise préconisée par l'expert correspond à la solution technique de base stipulée dans le marché public de travaux, avant que celle-ci fût modifiée, dans un but d'économie, par le maître d'œuvre. La plus-value devant être déduite du montant du coût des travaux de reprise pour déterminer le montant du préjudice subi par le centre hospitalier s'élève donc, comme l'a estimé l'expert, au montant de l'économie résultant de la modification effectuée par le maître d'œuvre, soit 65 905,44 euros hors taxes en valeur d'août 2006, correspondant à 78 553 euros hors taxes en valeur de janvier 2015 pour tenir compte de l'évolution de l'indice des coûts à la construction.
2.5.2.2. Quant à l'abattement pour vétusté :
23. La société Travaux du Midi sollicite l'application d'un coefficient de vétusté de 75 %. Toutefois, elle ne fournit aucune indication sur la durabilité des complexes d'étanchéité et ne justifie donc pas de la nécessité d'appliquer un tel coefficient.
2.5.3. S'agissant des travaux réalisés par la société Dumez, aux droits de laquelle vient la société Travaux du Midi :
24. La société Edeis ne peut utilement soutenir que c'est la société Dumez qui " a supporté le coût [des] travaux " de reprise, dès lors que les travaux de reprise dont la nécessité a été constatée par l'expert l'ont été en 2015, postérieurement à la réalisation des travaux de reprise par la société Dumez.
2.5.4. S'agissant des effets de la subrogation :
25. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui par leur fait ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ".
26. Le simple fait qu'un maître de l'ouvrage soit couvert par une assurance dommages-ouvrage couvrant la réparation des désordres de nature décennale ne fait pas obstacle à ce que le maître d'ouvrage assuré engage la responsabilité décennale des constructeurs dans l'hypothèse où l'assureur n'est pas encore subrogé dans ses droits.
27. Si l'assureur dommage-ouvrage du centre hospitalier a ponctuellement accordé à ce dernier diverses indemnités au titre de divers sinistres, il n'a pas financé, à cette occasion, la reprise d'ensemble du complexe d'isolation et d'étanchéité des bâtiments, seule solution à même, selon l'expert, de remédier aux désordres, mais seulement des reprises de défauts d'exécution ponctuels qui sont sans lien avec les désordres constatés par l'expert. Les sociétés Brunet Saunier Architecture, Unité d'Architecture JC et Christine et Michel Pena SARL ne sont donc pas fondées à soutenir que le financement de travaux de reprise par l'assureur SMABTP priverait d'objet la demande indemnitaire du centre hospitalier.
2.5.5. S'agissant du préjudice :
28. Le coût total des travaux de reprise s'élevant à 2 030 149,78 euros HT (12 960 + 223 088 + 62 150,40 + 1 731 951,38 euros hors taxes), le montant du préjudice s'élève donc, compte tenu de l'abattement pour plus-value, à 1 951 596,78 euros hors taxes (2 030 149,78 - 78 553 euros), soit 2 341 916,14 euros TTC (1 951 596,78 euros x 1,2).
29. Le coût des travaux de réfection doit être évalué à la date de la remise du rapport d'expertise, à laquelle la cause et l'étendue des dommages étant connu, il pouvait être procédé à leur réalisation. Le centre hospitalier ne soutient pas avoir été dans l'impossibilité matérielle ou financière d'effectuer lesdits travaux immédiatement après le dépôt du rapport. Il n'est donc pas fondé à solliciter l'actualisation de son préjudice pour tenir compte du renchérissement des coûts à la construction. Les membres du groupement de maîtrise d'œuvre ne sont quant à eux pas non plus fondés à soutenir que le centre hospitalier " ne démontre pas que les prix proposés sont toujours pertinents plus de sept ans après " l'expertise. Pour les mêmes raisons, les conclusions du centre hospitalier tendant à ce qu'une nouvelle expertise soit prescrite doivent être rejetées.
2.5.6. S'agissant de la demande de répartition de la condamnation :
30. Les constructeurs auxquels un dommage décennal est imputable sont tenus, in solidum, au paiement de l'indemnité correspondante, sans pouvoir, comme le sollicitent les sociétés membres du groupement de maîtrise d'œuvre, solliciter une condamnation individuelle limitée au regard de leurs fautes respectives.
31. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier est fondé à solliciter la condamnation, in solidum, des sociétés Brunet Saunier Architecture, Unité d'Architecture JC et Edeis Ingénierie sont condamnées, à lui payer une somme de 2 341 916,14 euros TTC au titre de la garantie décennale des constructeurs.
2.6. En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :
32. En vertu de l'article 1153 du code civil, alors en vigueur, les intérêts au taux légal sont dus à compter de la date à laquelle le centre hospitalier a pour la première fois réclamé le paiement d'une indemnité aux sociétés membres du groupement de maîtrise d'œuvre, c'est-à-dire, en l'espèce, le 2 janvier 2018.
33. En vertu de l'article 1154 du même code, alors en vigueur, ces intérêts doivent être capitalisés à la date du 2 janvier 2019 et à chaque échéance annuelle ultérieure.
2.7. En ce qui concerne les frais liés au litige opposant le centre hospitalier aux constructeurs :
34. Dans le litige opposant le centre hospitalier aux sociétés Brunet Saunier Architecture, Unité d'Architecture JC et Edeis, ces trois sociétés, condamnées in solidum au titre de la garantie décennale, sont les parties perdantes. Aucune somme ne peut donc être mise à la charge du centre hospitalier à leur bénéfice. Elles doivent, en en revanche, être tenues, in solidum, aux dépens. Il y a lieu de mettre à la charge de ces trois sociétés, tenues aux dépens, trois sommes de 1 000 euros à verser au centre hospitalier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
35. En revanche, les dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la société Christine et Michel Pena SARL qui n'est pas la partie perdante dans ce litige. Dans le litige opposant cette société au centre hospitalier, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ce dernier une somme à ce même titre.
2.8. En ce qui concerne les conclusions présentées à titre subsidiaire par le centre hospitalier :
36. Le présent arrêt ne faisant que partiellement droit aux demandes présentées à titre principal, sur le fondement de la garantie décennale, il y a lieu d'examiner les demandes présentées à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle des constructeurs.
2.8.1. S'agissant de la responsabilité du maître d'œuvre pour manquement à son obligation de surveillance durant l'exécution des travaux :
37. La réception de l'ouvrage met fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l'ouvrage, au nombre desquelles figurent, notamment, les missions de conception de cet ouvrage ainsi que les prestations de contrôle et de suivi des travaux.
38. La réception de l'ouvrage ayant été prononcée, et toutes les réserves ayant été levées, le centre hospitalier ne peut donc plus invoquer un manquement des sociétés constituant le groupement de maîtrise d'œuvre au titre de leur mission de surveillance de l'exécution des travaux.
2.8.2. S'agissant de la responsabilité du maître d'œuvre pour manquement à son devoir de conseil au moment des opérations de réception :
39. Sans que la réception des travaux y fasse obstacle, la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre peut être recherchée pour manquement à l'obligation de conseil du maître de l'ouvrage au moment de cette réception pour tous les vices apparents, mêmes ceux non couverts par la garantie décennale.
40. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 12, les désordres que l'expert identifie sous les nos 1 à 3, seuls demeurant en litige compte tenu du rejet par l'arrêt avant-dire droit des demandes relatives aux autres désordres identifiés sous les numéros nos 4 à 6, n'étaient pas apparents au moment des opérations de réception.
41. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier est seulement fondé à solliciter l'octroi, sur le fondement de la garantie décennale, d'une indemnité s'élevant à 2 341 916,14 euros toutes taxes comprises.
3. Sur les appels en garantie :
42. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les appels en garantie présentés en première instance par les sociétés dont la responsabilité décennale est retenue par le présent arrêt.
3.1. En ce qui concerne l'appel en garantie présenté par la société Edeis Ingénierie :
3.1.1. S'agissant de l'exception de prescription :
43. Aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ".
44. Si le fait générateur de la créance réclamée par la société Edeis Ingénierie dans le cadre de ses appels en garantie est la faute qu'elle impute aux autres constructeurs, seule sa condamnation, prononcée pour la première fois par le présent arrêt, lui permet d'exercer son appel en garantie. Cette action n'est donc pas prescrite.
3.1.2. S'agissant des fautes :
45. Il ressort du rapport d'expertise que les désordres décennaux en cause sont imputables au choix d'un complexe d'isolation et d'étanchéité composé d'une couche de polystyrène recouvert d'un simple revêtement d'étanchéité. En effet, pendant les périodes estivales, les rayons du soleil ont fait fondre la couche de polystyrène composant l'isolation, entraînant un affaissement du complexe d'étanchéité et une fragilisation progressive de ce dernier.
46. Par ailleurs, si le rapport d'expertise relève que ces désordres ont pu localement s'accélérer au pied des édicules des toitures-terrasses en raison de l'effet réfléchissant du bardage en aluminum de ces édicules, rien n'indique qu'un tel bardage aurait pu causer à lui seul des dégâts de ce type si un complexe d'isolation et d'étanchéité adapté avait été choisi.
47. Or, il ressort de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, en page 32, que ce remplacement du complexe d'isolation et d'étanchéité initialement prévu par un complexe constitué d'une couche de polystyrène a été proposé, lors des négociations préalables à la conclusion du contrat, par le groupement d'entreprises de travaux. Cette proposition a nécessairement été faite par la société Dumez Méditerranée qui, ainsi que l'a ultérieurement prévu l'annexe 1A à l'acte d'engagement, avait la charge de la prestation technique n° 4 relative à la couverture et à l'étanchéité. Par ailleurs, dans le document intitulé " Récapitulatif des variantes " établi par la société SIRR Ingénierie, membre du groupement de maîtrise d'œuvre en charge des lots techniques, la variante tenant au remplacement de l'isolation en polyuréthane par une isolation en polystyrène est jugée " acceptable sous réserve du maintien de la hauteur des garde-corps de sécurité à 1 mètre ", et la variante tenant à la suppression de la protection en gravillons, remplacée par un complexe auto-protégé, est, de même, jugée " acceptable selon localisation et surfaces prises en compte ". Les sociétés Brunet Saunier Architecture et Unité d'Architecture JC soutiennent, sans que ces affirmations soient sérieusement critiquées, que c'est la société SIRR Ingénierie, en charge des lots techniques, qui seule " a validé l'offre et la variante proposée par le groupement Dumez ". Par ailleurs, la société Socotec France, membre du groupement de contrôle technique et titulaire, au sein de ce groupement, de la mission " LP " relative au contrôle de la solidité de l'ouvrage, n'a pas, comme elle l'aurait dû, rendu un avis défavorable sur cette solution technique. La circonstance que son avis n'avait qu'un caractère facultatif est sans incidence sur cette appréciation, dès lors qu'un avis défavorable aurait conduit le maître d'œuvre et le maître d'ouvrage à reconsidérer la solution technique reconnue et aurait ainsi contribué à prévenir la survenance des désordres.
48. Il résulte de ce qui précède que l'erreur de conception qui est à l'origine des désordres résulte des fautes conjuguées de la société Dumez Méditerranée, aux obligations de laquelle vient la société Travaux du Midi, de la société SIRR Ingénierie, aux obligations de laquelle vient la société Edeis Ingénierie, et de la société Socotec Construction, dont les parts de responsabilité doivent être fixées, respectivement, à 40 %, 40 % et 20 %.
49. Il résulte de ce qui précède que la société Edeis Ingénierie est fondée à demander à être garantie par les sociétés Travaux du Midi et Socotec Construction à hauteur de 40 % et 20 % respectivement.
3.2. En ce qui concerne les appels en garantie des sociétés Brunet Saunier Architecture, Unité d'Architecture JC et Christine et Michel Pena SARL :
3.2.1. S'agissant de l'exception d'incompétence soulevée par la société SAPE :
50. N'étant pas liées à la société SAPE, sous-traitante de l'entreprise de travaux, par un contrat, les sociétés membres du groupement de maîtrise d'œuvre peuvent saisir le juge administratif d'un appel en garantie dirigé contre cette société, un tel appel en garantie présentant le caractère d'une action quasi-délictuelle relevant de la compétence du juge administratif dès lors que la société SAPE participait à une opération de travaux publics.
3.2.2. S'agissant du bien-fondé de ces appels en garantie :
51. L'appel en garantie de la société Christine et Michel Pena SARL, qui n'a pas été condamnée, est sans objet.
52. Si les sociétés Brunet Saunier Architecture et Unité d'Architecture JC invoquent une faute de la société SAPE, sous-traitant du groupement d'entreprise de travaux, elles se bornent à invoquer à ce titre une " obligation de résultat ", sans fournir de précision sur la nature précise de la faute imputée à cette société. Elles n'indiquent pas plus en quoi les sociétés Travaux du Midi Var ou SENEC auraient eu un comportement fautif. Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société SAPE, ces appels en garantie ne peuvent donc être accueillis.
53. En revanche, compte tenu des fautes respectives décrites aux points 45 à 49, les sociétés Brunet Saunier Architecture et Unité d'Architecture JC doivent être relevées et garanties par les sociétés Travaux du Midi, Edeis Ingénierie et Socotec Construction, à hauteur, respectivement, de 40 %, 40 % et 20 % des sommes mises à leur charge.
3.2.3. S'agissant des frais liés à ces litiges :
54. La société Edeis Ingénierie est la partie perdante dans le litige relatif à la charge définitive des condamnations qui l'oppose aux sociétés Unité d'Architecture JC et Brunet Saunier Architecture, qui l'appelle en garantie. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait donc obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de ces dernières sociétés. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des sociétés Unité d'Architecture JC et Brunet Saunier Architecture contre la société Edeis Ingénierie.
55. Dans le litige opposant la société Socotec Construction aux membres du groupement de maîtrise d'œuvre, qui avaient formé des appels en garantie contre elle, la société Socotec Construction est la partie perdante. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait donc obstacle à ce que les frais du litige lui soient remboursés par eux.
56. Les sociétés Edeis Ingénierie, Unité d'Architecture JC et Brunet Saunier Architecture sont les parties perdantes dans les litiges les opposant à la société SAPE. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait donc obstacle à ce que les frais du litige soient mis à la charge de la société SAPE. En l'espèce, il y a lieu de mettre à leur charge le paiement de trois sommes de 500 euros à payer à la société SAPE.
4. Sur les conclusions d'appel des sociétés Travaux du Midi et SENEC :
57. En première instance, les sociétés aux droits desquelles vient la société Travaux du Midi, ainsi que la société SENEC, défenderesses à l'instance, avaient saisi le tribunal administratif de demandes tendant à la condamnation de la société Unité d'Architecture, également défenderesse, à lui payer la somme de 214 286,86 euros. Les premiers juges ont rejeté ces demandes en estimant qu'il s'agissait d'un litige distinct de celui dont ils étaient saisis, et qui opposait le centre hospitalier aux différents constructeurs. Les sociétés Travaux du Midi et SENEC contestent en appel ce point du jugement.
58. Toutefois, comme l'a jugé le tribunal administratif, si un partie défenderesse en première instance est recevable à présenter des demandes reconventionnelles à l'encontre du requérant, et à appeler d'autres personnes en garantie des condamnations éventuellement présentées à son encontre, elle ne peut en revanche, sans soulever un litige distinct, présenter une demande tendant à la condamnation d'une partie autre que le requérant de première instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1800010 du 16 décembre 2020 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : Les sociétés Brunet Saunier Architecture, Unité d'Architecture JC et Edeis Ingénierie sont condamnées, in solidum, à payer au centre hospitalier de Toulon-La Seyne-sur-Mer une somme de 2 341 916,14 euros TTC au titre de la garantie décennale des constructeurs. Cette somme est assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2018. Ces intérêts seront capitalisés à la date du 2 janvier 2019 et à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 3 : Les frais d'expertise et les honoraires du consultant sont mis, in solidum, à la charge des sociétés Brunet Saunier Architecture, Unité d'Architecture JC et Edeis Ingénierie.
Article 4 : Une somme de 1 000 euros sera versée par chacune de ces sociétés, tenues aux dépens, au centre hospitalier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Une somme de 500 euros sera versée par chacune de ces sociétés à la société SAPE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La société Socotec Construction garantira les sociétés Brunet Saunier Architecture, Unité d'Architecture JC et Edeis Ingénierie à hauteur de 20 % des sommes qui pourraient leur être demandées en application des articles 2 à 5.
Article 7 : La société Edeis Ingénierie garantira la société Brunet Saunier Architecture et la société Unité d'Architecture JC, à hauteur de 40 % des sommes qui pourraient leur être demandées en application des articles 2 à 5.
Article 8 : La société Travaux du Midi garantira la société Edéis Ingénierie, la société Brunet Saunier Architecture et la société Unité d'Architecture JC, à hauteur de 40 % des sommes qui pourraient leur être demandées en application des articles 2 à 5.
Article 9 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 10 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Toulon-La Seyne-sur-Mer, à la société Brunet Saunier Architecture, à la société Unité d'Architecture JC, à la société Christine et Michel Pena SARL, à la société Edeis Ingénierie, à la société Socotec Construction, à la société Bureau Veritas Construction, à la société Travaux du Midi, à la société SENEC et à la société SAPE.
Copie en sera adressée à l'expert, M. B..., et au consultant, M. A....
Délibéré après l'audience du 28 août 2023, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président,
- M. Renaud Thielé, président-assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 septembre 2023.
N° 21MA00669 2