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13/07/2023 | FRANCE | N°21MA00955

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 13 juillet 2023, 21MA00955


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de l'amende fiscale prononcée à l'encontre de la société à responsabilité limitée (SARL) Société de Production du Bâtiment (SPB) au titre des années 2013 et 2014, sur le fondement des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts, mise à sa charge en sa qualité de débiteur solidaire de cette société en application du 3 du V de l'article 1754 du même code.

Par un jugement n° 1902478 du 12

janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de l'amende fiscale prononcée à l'encontre de la société à responsabilité limitée (SARL) Société de Production du Bâtiment (SPB) au titre des années 2013 et 2014, sur le fondement des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts, mise à sa charge en sa qualité de débiteur solidaire de cette société en application du 3 du V de l'article 1754 du même code.

Par un jugement n° 1902478 du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2021 régularisée le 17 mars suivant, et des mémoires enregistrés les 26 avril et 14 juin 2021, M. B..., représenté par Me Mathieu, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 12 janvier 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge de l'amende en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé concernant le moyen tiré de ce que les bénéfices éventuellement non déclarés ne peuvent être présumés avoir été systématiquement distribués et est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation des faits ;

- les conditions de l'opposition à contrôle fiscal prévu par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales n'étaient pas réunies s'agissant de la SARL SPB ;

- l'administration a méconnu l'article 117 du code général des impôts en exigeant que la lettre de désignation des bénéficiaires des distributions soit contresignée par les bénéficiaires désignés ;

- l'administration a usé d'un procédé déloyal et manqué à son devoir d'information ;

- l'exigence du contreseing, non prévue par la loi, méconnaît les principes de sécurité juridique et de confiance légitime garantis par les articles 8 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'égalité devant la loi protégé par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, d'impartialité et de non-discrimination garantis par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'assiette de l'amende est exagérée dès lors que l'administration a procédé à une évaluation théorique des charges admises en déduction qui ne reflète pas le fonctionnement de la société et il justifie de l'insuffisance des charges admises en déduction par la production de justificatifs, dont les factures de ses fournisseurs ;

- les sommes présumées distribuées n'ont pas été désinvesties.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 et 30 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carotenuto,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Société de Production du Bâtiment (SPB), entreprise de travaux du bâtiment ayant recours à des prestations de service de sociétés de droit polonais, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014, à l'issue de laquelle, après avoir constaté une opposition à contrôle fiscal, l'administration lui a notamment notifié, par une proposition de rectification du 29 août 2016, des rehaussements de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés suivant la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. L'administration ayant constaté l'existence de revenus distribués à partir du résultat fiscal reconstitué en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, a, par la même proposition de rectification, demandé à la société de désigner le ou les bénéficiaires de ces revenus dans le délai de trente jours, en application de l'article 117 du même code. En l'absence de réponse, le service a fait application de l'article 1759 de ce code et mis à la charge de la société une amende correspondant à 100 % des revenus considérés comme distribués au titre des exercices clos en 2013 et 2014, correspondant à une somme de 816 479 euros. Cette amende n'ayant pas été acquittée par la société, elle a été mise à la charge de M. B..., en sa qualité de gérant de la société et débiteur solidaire conformément au 3 du V de l'article 1754 du même code. M. B... relève appel du jugement du 12 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette amende.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, d'erreurs de droit et d'appréciation des faits que les premiers juges auraient commises.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient M. B..., le tribunal a répondu de façon suffisamment motivée au point 10 du jugement attaqué au moyen tiré de ce que les sommes présumées distribuées n'ont pas été désinvesties en indiquant que compte tenu de la nature des rectifications apportées aux résultats sociaux de la SARL SPB, qui correspondent à la remise en cause de charges initialement déduites, c'est à bon droit que l'administration a regardé ces sommes comme désinvesties sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit ainsi être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées ". Le 3 du V de l'article 1754 du même code dispose que : " (...) Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l'amende prévue à l'article 1759 ".

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre de la SARL SPB :

5. Les dispositions citées au point précédent instaurent une pénalité fiscale sanctionnant le refus par une personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus. Cette pénalité est distincte de l'impôt sur les sociétés et ne peut être regardée comme une pénalité correspondant à cet impôt. La personne sanctionnée par cette pénalité peut contester son principe, son montant et la procédure propre à la pénalité. En revanche, elle ne peut utilement se prévaloir de moyens relatifs à la procédure d'imposition ayant conduit à mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Il en va de même des dirigeants solidairement tenus au paiement de la pénalité. Il en résulte que M. B... ne peut utilement se prévaloir de ce que l'administration ne pouvait évaluer d'office les bases d'imposition de la SARL SPB en application des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne l'assiette de l'amende :

6. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire (...) ". Le 1 de l'article 109 du même code dispose que : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Enfin, aux termes de son article 110 : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ".

7. Il résulte de la proposition de rectification du 29 août 2016 qu'en dépit de l'existence d'une comptabilité régulière remise au vérificateur sur l'ensemble de période vérifiée, la SARL SPB n'a présenté aucun document comptable ou pièce justificative. L'administration a remis en cause, au titre de l'exercice 2014, une provision pour client douteux et, au titre des deux exercices vérifiés, une partie des charges d'exploitation, financières ou exceptionnelles inscrites en comptabilité. Le service vérificateur, compte tenu des éléments dont il disposait, a admis en déduction les amortissements, le salaire du gérant et du chef de chantier, les charges sociales inhérentes à la prise en charge de ces salaires, les impôts et taxes, ainsi que dans un souci de réalité économique, la rémunération de prestations de service acquittées auprès des entreprises polonaises SKB B... Beata et Ledo Mateusz Skrzypiec, qui détachaient la main d'œuvre locale à la SARL SPB. Le vérificateur a également déterminé un ratio entre les charges admises en déduction et celles inscrites en comptabilité, de 54 % et 37 % pour les exercices clos respectivement en 2013 et 2014, et l'a appliqué au total des charges non admises en déduction au titre de chaque exercice et a ainsi admis, toujours dans un souci de réalité économique, de déduire des charges d'exploitation supplémentaires. Ainsi, au titre des exercices 2013 et 2014, l'administration a admis en déduction un total de charges, respectivement, à hauteur de 1 126 732 euros et 989 091 euros, alors que la SARL SPB avait inscrit en comptabilité 1 427 877 euros et 1 639 582 euros. M. B... conteste les montants ainsi retenus et a produit, en première instance, un ensemble de documents comptables, relevés bancaires et factures, pour l'essentiel des factures des fournisseurs au titre des exercices clos en 2013 et 2014, qui correspondraient aux pièces justificatives vainement demandées par le vérificateur durant les opérations de contrôle. Toutefois, la production de ces justificatifs ne permet pas de conclure au caractère excessif de l'assiette de l'amende contestée, en l'absence de tout élément permettant de distinguer, parmi les documents produits, ceux qui correspondent aux charges déjà admises en cours de contrôle par le service, et ceux qui correspondent à celles rejetées, et de toute explication permettant de déterminer précisément les montants déductibles.

Ainsi, les résultats des exercices 2013 et 2014 de la SARL SPB reconstitués par l'administration font apparaître un bénéfice non mis en réserve ou incorporé au capital, correspondant à la remise en cause de charges initialement venues en déduction des résultats sociaux. M. B... ne produit aucun élément de nature à regarder ces sommes, ou une partie d'entre-elles, comme étant demeurées investies dans l'entreprise. Ce bénéfice doit donc être considéré comme distribué sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que, pour la détermination des bases de calcul de la pénalité prévue par l'article 1759 du code général des impôts, l'administration a retenu le montant du bénéfice imposable reconstitué.

En ce qui concerne la demande de désignation des bénéficiaires des sommes distribuées :

8. Il est constant que la SARL SPB n'a pas déféré à l'invitation contenue dans la proposition de rectification du 29 août 2016 de désigner les bénéficiaires des sommes réputées distribuées. La circonstance que l'administration a demandé à la SARL SPB de faire contresigner sa réponse par les personnes qu'elle aura désignées comme bénéficiaires des distributions, alors même que cette exigence ne trouve de fondement ni dans les dispositions précitées de l'article 117, ni dans aucun autre texte législatif ou réglementaire, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'établissement ni sur le bien-fondé de la pénalité, dès lors qu'il n'est pas contesté que cette exigence n'a pas induit la société en erreur sur les conséquences de son absence de réponse. En outre, il résulte de ce qui a été dit au point 7, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que les charges, initialement venues en déduction des résultats sociaux, remises en cause par le service sont justifiées et que le défaut de réponse de la société résulte de l'absence de revenus distribués, les personnes bénéficiaires étant les fournisseurs de la société. Par ailleurs, les moyens tirés de ce que l'administration, en exigeant le contreseing des bénéficiaires des distributions et en imposant une condition non prévue par le législateur, a eu un comportement déloyal, a manqué à son devoir d'information, a méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime garantis par les articles 8 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de non-discrimination et d'impartialité garantis par l'article 14 de la même convention, qui ne sont pas assortis de précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé, doivent, en tout état de cause, être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en tout état de cause, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2023.

2

N° 21MA00955


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00955
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04-02 Contributions et taxes. - Généralités. - Amendes, pénalités, majorations. - Pénalités pour distribution occulte de revenus.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : MATHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-13;21ma00955 ?
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