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07/07/2023 | FRANCE | N°22MA00422

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 07 juillet 2023, 22MA00422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 9 juillet 2019 par laquelle la directrice régionale des finances publiques de Corse et du département de la Corse-du-Sud l'a affecté au pôle " missions foncières et RRPIE " au sein du service local du domaine.

Par un jugement n° 1901166 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé cette décision du 9 juillet 2019.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 2 févrie

r 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 9 juillet 2019 par laquelle la directrice régionale des finances publiques de Corse et du département de la Corse-du-Sud l'a affecté au pôle " missions foncières et RRPIE " au sein du service local du domaine.

Par un jugement n° 1901166 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé cette décision du 9 juillet 2019.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 2 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 2 décembre 2021.

Il soutient que :

- il se réfère aux observations qu'il a produites devant le tribunal administratif de Bastia et par lesquelles, d'une part, il faisait valoir, à titre principal, que la " requête " de M. A... était irrecevable au motif que la décision contestée constituait une mesure d'ordre intérieur et, d'autre part, il établissait que cette décision n'était entachée ni d'un détournement de procédure ou de pouvoir, ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le tribunal administratif de Bastia a retenu, à tort, la proximité des dates entre l'incident du 4 juin 2019 et une décision qu'il considère née le 7 juin 2019, pour caractériser une intention de sanctionner M. A... ;

- la décision du 9 juillet 2019, prise dans l'intérêt du service et dans le cadre de la réorganisation de la direction, présente le caractère d'une mesure d'ordre intérieur, qui ne fait pas grief à M. A... et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2022, M. B... A..., représenté par Me Lanfranchi, conclut au rejet du recours et à ce que la somme de 2 413 euros lui soit allouée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que l'utilisation de la procédure de mutation en réponse à l'incident survenu le 3 juin 2019 constitue un détournement de procédure consistant à lui infliger une sanction disciplinaire déguisée et, à ce titre, la décision du 9 juillet 2019 ne peut pas être regardée comme une mesure d'ordre intérieur prise dans l'intérêt du service mais relève au contraire de l'excès de pouvoir.

Par une ordonnance du 26 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 janvier 2023, à 12 heures.

Le 26 mai 2023, M. A..., représenté par Me Lanfranchi, a produit une copie complète de sa pièce jointe portant le n° 12 et intitulée " communiqué FO ", en réponse à une mesure d'instruction prise sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative qui lui avait été adressée le même jour par la Cour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 2 décembre 2021, dont le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du 9 juillet 2019 par laquelle la directrice régionale des finances publiques de Corse et du département de la Corse-du-Sud a affecté, à compter du 1er septembre 2019, M. A..., inspecteur des finances publiques, occupant jusqu'alors les fonctions de responsable du service de la comptabilité, au sein du pôle " missions foncières et RRPIE " du service local du domaine.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.

3. Par ailleurs, un changement d'affectation prononcé d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

En ce qui concerne la qualification de la mesure en litige :

4. Pour annuler la décision en litige au motif qu'elle s'analyse comme une sanction disciplinaire déguisée prononcée contre M. A..., le tribunal administratif de Bastia s'est fondé notamment sur les circonstances, qui ne sont pas contestées par le ministre, que le 3 juin 2019, la directrice régionale des finances publiques de Corse et du département de la Corse-du-Sud a vivement reproché à cet agent de l'avoir surpris en train d'écouter, avec l'un de ses collègues, l'enregistrement, sur un téléphone portable, d'un entretien qu'elle avait eu avec ce dernier, et que, face à ses dénégations, la directrice lui a conseillé de " bien choisir son camp " et, dans un courriel adressé le lendemain à M. A..., a ajouté : " Vous avez avec cet évènement (...) trahi ma confiance et vous avez perdu le sens de la loyauté que j'attends d'un cadre A ". Les premiers juges ont également relevé que c'est le 7 juin 2019, soit trois jours seulement après cet incident, que M. A... a été informé de son changement d'affectation.

5. S'il ressort des pièces du dossier qu'un projet de réorganisation des services était en cours, à tout le moins depuis le mois d'avril 2019, portant notamment sur la création d'un pôle foncier, et que le comité technique paritaire s'est prononcé sur ce projet à plusieurs reprises d'avril à juillet 2019, aucune des pièces produites, contrairement à ce que soutient le ministre, n'établit que, dans ce cadre, le changement d'affectation de M. A... était alors également projeté et approuvé par l'intéressé. Il résulte, au contraire, du courriel de la directrice régionale des finances publiques du 4 juin 2019, qu'avant l'incident du 3 juin 2019, M. A... avait manifesté le souhait de ne pas intégrer le pôle missions foncières et que la directrice régionale avait alors décidé de le maintenir sur son poste au sein du service de la comptabilité. Il suit de là, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, que le changement d'affection de M. A... a été décidé par la directrice régionale des finances publiques et du département de la Corse-du-Sud, non pas dans le cadre de la réorganisation de la direction générale et dans l'intérêt du service, mais dans l'intention de sanctionner l'intéressé suite à l'incident du 3 juin 2019. Par conséquent, le ministre ne contestant pas en cause d'appel que, comme l'ont relevé les premiers juges, ce changement d'affectation a entraîné une perte de responsabilité et une dégradation de la situation tant personnelle que professionnelle de M. A..., la décision du 9 juillet 2019 doit s'analyser comme une sanction disciplinaire déguisée. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de la relance, M. A... était dès lors recevable et fondé à demander l'annulation de cette décision qui lui faisait grief et qui était, ainsi qu'il le fait valoir, entachée d'un détournement de procédure.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision de la directrice régionale des finances publiques et du département de la Corse-du-Sud du 9 juillet 2019.

Sur les frais liés au litige :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

8. Dans les circonstances de l'espèce, et au titre de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, une somme de 2 000 euros à verser à M. A....

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 2 : L'Etat (ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. B... A....

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques (DRFIP) de Corse et du département de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023.

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No 22MA00422

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00422
Date de la décision : 07/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Caractère disciplinaire d'une mesure - Mesure présentant ce caractère.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP LANFRANCHI-PANCRAZI-POLI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-07;22ma00422 ?
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