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06/07/2023 | FRANCE | N°23MA00930

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 06 juillet 2023, 23MA00930


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 27 septembre 2022 en tant qu'il l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2208551 du 29 novembre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 avril 2023, Mme A..

., représentée par Me Bruggiamosca, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 27 septembre 2022 en tant qu'il l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2208551 du 29 novembre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Bruggiamosca, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2022 en tant qu'il l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) à titre subsidiaire, d'abroger cet arrêté ;

4°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Alpes de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec une autorisation de travail, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de prononcer la suppression des passages injurieux, outrageants ou diffamatoires contenus dans le mémoire en défense du préfet, sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, lequel s'engage dans cette hypothèse à renoncer à percevoir la part contributive de l'État.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- le préfet a omis de procéder à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- le préfet a méconnu les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'intérêt supérieur de l'enfant est de continuer à être suivi par le service de l'aide sociale à l'enfance ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en l'obligeant à quitter le territoire français ;

- la plainte qu'elle a déposée le 8 novembre 2022 traduit un changement de circonstances tel que l'arrêté attaqué est devenu illégal, ce qui implique pour le juge d'en prononcer l'abrogation ;

- certains passages en pages 2, 3 et 4 du mémoire en défense présenté par le préfet en première instance présentent un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire justifiant leur suppression sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.

La requête a été communiquée au préfet des Hautes-Alpes qui n'a pas produit de mémoire.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- et les observations de Me Bruggiamosca, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 27 septembre 2022 en tant qu'il l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Elle relève appel du jugement du 29 novembre 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

3. L'arrêté attaqué mentionne que le préfet des Hautes-Alpes a obligé Mme A... à quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile après que la demande d'asile présentée par l'intéressée a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 19 mai 2021, confirmée par la CNDA le 19 août 2022. Il considère que la requérante ne justifie pas de liens personnels et familiaux suffisants en France dès lors qu'elle est divorcée et sans enfant, outre qu'elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à 23 ans. Une telle motivation répond aux exigences résultant de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Si le préfet a mentionné dans son arrêté que Mme A... était sans enfant alors qu'elle est mère d'un enfant né en France, la décision de l'OFPRA et l'arrêt de la CNDA cités au point précédent dont il disposait n'évoquent pas l'existence de cet enfant. En outre, si, à la date de cet arrêté, Mme A... était suivie par une psychologue d'une association d'aide aux demandeurs d'asile, elle n'a été admise dans un parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle qu'à la suite de la réunion de la commission départementale de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle du 26 mai 2023. Ainsi, la requérante ne saurait prétendre qu'en qualité de membre de cette commission, le préfet était informé de la démarche engagée sur ce point par elle et de ses difficultés. Par suite, la motivation de l'arrêté attaqué, qui n'avait d'ailleurs pas à détailler l'ensemble des éléments propres à l'intéressée ne révèle pas, dans les circonstances de l'espèce, que le préfet aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A....

5. En deuxième lieu, Mme A... reprend en appel, en se bornant à citer des extraits de jugements, les moyens qu'elle avait invoqués en première instance et tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille.

6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1 - Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. L'obligation de quitter le territoire n'a pas nécessairement pour conséquence de la séparer de son enfant, né le 13 mars 2021. Elle ne peut utilement se prévaloir du jugement du 24 mars 2023, postérieur à l'arrêté attaqué, par lequel le juge des enfants du tribunal judiciaire de Gap a confié cet enfant au service de l'aide sociale à l'enfance, sur le fondement de l'article 375-3 du code civil. Dans ces conditions, cette décision ne méconnaît pas le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur les conclusions subsidiaires à fin d'abrogation :

8. Lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation d'un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir apprécie la légalité de cet acte à la date de son édiction. S'il le juge illégal, il en prononce l'annulation. Ainsi, saisi de conclusions à fin d'annulation recevables, le juge peut également l'être, à titre subsidiaire, de conclusions tendant à ce qu'il prononce l'abrogation du même acte au motif d'une illégalité résultant d'un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à son édiction, afin que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales qu'un acte règlementaire est susceptible de porter à l'ordre juridique. Il statue alors prioritairement sur les conclusions à fin d'annulation. Dans l'hypothèse où il ne ferait pas droit aux conclusions à fin d'annulation et où l'acte n'aurait pas été abrogé par l'autorité compétente depuis l'introduction de la requête, il appartient au juge, dès lors que l'acte continue de produire des effets, de se prononcer sur les conclusions subsidiaires. Le juge statue alors au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision. S'il constate, au vu des échanges entre les parties, un changement de circonstances tel que l'acte est devenu illégal, le juge en prononce l'abrogation. Il peut, eu égard à l'objet de l'acte et à sa portée, aux conditions de son élaboration ainsi qu'aux intérêts en présence, prévoir dans sa décision que l'abrogation ne prend effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

9. La légalité de l'arrêté attaqué du 27 septembre 2022, qui a le caractère d'un acte individuel, s'apprécie à la date à laquelle il a été pris. Mme A... n'est donc pas fondée à en demander directement l'abrogation au juge administratif de l'excès de pouvoir, en s'appuyant sur des changements de fait ou de droit postérieurs à son édiction. Par suite, les conclusions à fin d'abrogation qu'elle présente à titre subsidiaire ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

10. Le tribunal administratif a rejeté les conclusions présentées devant lui par la requérante tendant à la suppression des passages injurieux, outrageants ou diffamatoires contenus dans le mémoire en défense du préfet, sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative. Dans la mesure où le préfet s'est borné à reprendre les propres déclarations de Mme A... recueillies par les services de police, les passages de ce mémoire qu'elle met en cause ne présentent pas un tel caractère. Il n'y a donc pas lieu d'en prononcer la suppression, comme l'ont déjà estimé les premiers juges.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Bruggiamosca.

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

N° 23MA00930 2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00930
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BRUGGIAMOSCA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-06;23ma00930 ?
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