La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2023 | FRANCE | N°22MA02363

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 06 juillet 2023, 22MA02363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 13 décembre 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Lançon-Provence a approuvé la révision générale de son plan local d'urbanisme (PLU), ainsi que la décision rejetant son recours gracieux du 8 février 2018.

Par un jugement n° 1804632 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération ainsi que la décision de rejet du rec

ours gracieux formé par la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 13 décembre 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Lançon-Provence a approuvé la révision générale de son plan local d'urbanisme (PLU), ainsi que la décision rejetant son recours gracieux du 8 février 2018.

Par un jugement n° 1804632 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération ainsi que la décision de rejet du recours gracieux formé par la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 août 2022, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Sindres, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 juin 2022 ;

2°) de rejeter la demande de la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) à titre subsidiaire, de faire application des dispositions de l'article L600-9 du code de

l'urbanisme ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de ne prononcer qu'une annulation partielle du PLU ;

5°) de mettre la somme de 4 000 euros à la charge de la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'évaluation environnementale est suffisante ;

- à les supposer avérées, ses insuffisances n'ont eu aucune influence ni sur l'information complète de la population ni sur la décision de l'autorité administrative ;

- un tel vice est régularisable sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme ;

- un tel vice ne peut entraîner qu'une annulation partielle ;

- le classement en zone Ne des secteurs Font Leu et Camp Long est compatible avec les orientations du SCOT ;

- ce classement n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Une mise en demeure a été adressée le 17 avril 2023 à la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 ;

- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les observations de Me Kaufmann, représentant la métropole Aix-Marseille-Provence, et de Me Tagnon, représentant la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône.

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 27 juin 2013, le conseil municipal de Lançon-Provence a approuvé la révision du plan d'occupation des sols valant élaboration du plan local d'urbanisme. Par un jugement du 2 juillet 2015, confirmé par la cour administrative d'appel de Marseille le 21 février 2017, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération en tant qu'elle procédait au classement en secteur Ne de 42 hectares situés au sein du domaine de Calissane. Le conseil municipal ayant entretemps prescrit la révision générale du PLU par une délibération du 11 décembre 2014, il a approuvé celle-ci par une délibération du 13 décembre 2017. Sur la demande de la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône, le tribunal administratif de Marseille a, par un jugement du 23 juin 2022, annulé cette délibération du 13 décembre 2017 ainsi que la décision de rejet du recours gracieux formé par cette chambre. La métropole Aix-Marseille-Provence, venue aux droits de la commune de Lançon-Provence depuis le 1er janvier 2018 en application de L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de la délibération du 13 décembre 2017 :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de l'évaluation environnementale :

2. Aux termes du premier alinéa du VI de l'article 12 du décret du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme : " Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d'urbanisme dont l'élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016. Toutefois, dans les cas d'une élaboration ou d'une révision prescrite sur le fondement du I de l'article L. 123-13 en vigueur avant le 31 décembre 2015, le conseil communautaire ou le conseil municipal peut décider que sera applicable au document l'ensemble des articles R. 151-1 à R. 151-55 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2016, par une délibération expresse qui intervient au plus tard lorsque le projet est arrêté. (...) ".

3. En l'espèce, la révision du PLU de la commune de Lançon-Provence a été décidée par une délibération de son conseil municipal du 11 décembre 2014. Dès lors, en application de ces dispositions et en l'absence au dossier de délibération expresse du conseil municipal optant pour l'application des articles R. 151-1 à R. 151-55 du code de l'urbanisme, quand bien même le rapport de présentation du plan s'y réfère, les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015, sont restées applicables au PLU adopté par la délibération contestée du 13 décembre 2017.

4. Aux termes de l'article L. 104-2 du code de l'urbanisme : " Font également l'objet de l'évaluation environnementale prévue à l'article L. 104-1 les documents suivants qui déterminent l'usage de petites zones au niveau local : / 1° Les plans locaux d'urbanisme : / a) Qui sont susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, compte tenu notamment de la superficie du territoire auquel ils s'appliquent, de la nature et de l'importance des travaux et aménagements qu'ils autorisent et de la sensibilité du milieu dans lequel ceux-ci doivent être réalisés ; (...) Un décret en Conseil d'Etat fixe les critères en fonction desquels les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales font l'objet d'une évaluation environnementale. ". Aux termes de l'article L. 104-3 du même code : " Sauf dans le cas où elles ne prévoient que des changements qui ne sont pas susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la directive 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, les procédures d'évolution des documents mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 donnent lieu soit à une nouvelle évaluation environnementale, soit à une actualisation de l'évaluation environnementale réalisée lors de leur élaboration. ". Aux termes de l'article L. 104-4 du même code : " Le rapport de présentation des documents d'urbanisme mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 : 1° Décrit et évalue les incidences notables que peut avoir le document sur l'environnement ; 2° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, dans la mesure du possible, compenser ces incidences négatives ; 3° Expose les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l'environnement, parmi les partis d'aménagement envisagés, le projet a été retenu ". L'article L. 104-4 du même code dispose : " Le rapport de présentation contient les informations qui peuvent être raisonnablement exigées, compte tenu des connaissances et des méthodes d'évaluation existant à la date à laquelle est élaboré ou révisé le document, de son contenu et de son degré de précision et, le cas échéant, de l'existence d'autres documents ou plans relatifs à tout ou partie de la même zone géographique ou de procédures d'évaluation environnementale prévues à un stade ultérieur. ". Aux termes de l'article R. 123-2-1 de ce code : " Lorsque le plan local d'urbanisme doit faire l'objet d'une évaluation environnementale conformément aux articles L. 121-10 et suivants, le rapport de présentation : / 1° Expose le diagnostic prévu au deuxième alinéa de l'article L. 123-1-2 et décrit l'articulation du plan avec les autres documents d'urbanisme et les plans ou programmes mentionnés à l'article L. 122-4 du code de l'environnement avec lesquels il doit être compatible ou qu'il doit prendre en considération ; /2° Analyse l'état initial de l'environnement et les perspectives de son évolution en exposant, notamment, les caractéristiques des zones susceptibles d'être touchées de manière notable par la mise en oeuvre du plan ; / 3° Analyse les incidences notables prévisibles de la mise en œuvre du plan sur l'environnement et expose les conséquences éventuelles de l'adoption du plan sur la protection des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement, en particulier l'évaluation des incidences Natura 2000 mentionnée à l'article L. 414-4 du code de l'environnement ; 4° Explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, au regard notamment des objectifs de protection de l'environnement établis au niveau international, communautaire ou national, et, le cas échéant, les raisons qui justifient le choix opéré au regard des solutions de substitution raisonnables tenant compte des objectifs et du champ d'application géographique du plan. Il expose les motifs de la délimitation des zones, des règles qui y sont applicables et des orientations d'aménagement. (...) ; 5° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser, s'il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en œuvre du plan sur l'environnement ; (...) Le rapport de présentation est proportionné à l'importance du plan local d'urbanisme, aux effets de sa mise en œuvre ainsi qu'aux enjeux environnementaux de la zone considérée. (...) Le rapport de présentation peut se référer aux renseignements relatifs à l'environnement figurant dans d'autres études, plans ou documents. ". Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : / 1° Les documents de planification qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, sont applicables à leur réalisation ; (...) ".

5. Le PLU approuvé par la délibération du 13 décembre 2017 délimite une zone naturelle N qui recouvre des " espaces naturels qu'il convient de protéger pour des raisons de préservation des paysages et de la biodiversité, ou tout simplement pour leur caractère d'espace naturel et dans laquelle toute nouvelle construction y est interdite ". Elle comprend, notamment, un secteur Ne, correspondant à la production d'énergies renouvelables sous forme de panneaux photovoltaïques. L'article 2 du règlement, relatif aux occupations et utilisations du sol soumises à conditions particulières, mentionne à ce titre, pour ce secteur " Les ouvrages, aménagements et constructions nécessaires ou liés à la réalisation, l'exploitation et la maintenance des centrales photovoltaïques (modules photovoltaïques, locaux électriques, transformateurs, postes de livraison, ouvrages d'acheminement...) à condition que le démantèlement des installations, réseaux enterrés compris, doit permettre un retour à l'état initial du site ou à une valorisation permettant un usage agricole, pastoral ou forestier ; / Les parcs photovoltaïques peuvent permettre une exploitation optimale des terres par le pastoralisme (notamment par la libre circulation par en-dessous) / Les aires de stationnement et les affouillements et exhaussements de sol nécessaires ou liés à la réalisation, l'exploitation et la maintenance des centrales photovoltaïques ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le règlement graphique du PLU a classé en secteur Ne trois secteurs à Calissanne (Font de Leu), Camp Long (Guiennas) et Les Fanets, qui se trouvent respectivement au sud de la commune, au nord-est de celle-ci et en bordure de l'aire de l'autoroute A7. Le territoire communal est en grande partie couvert par le site Natura 2000 correspondant à la zone de protection spéciale (ZPS) Garrigues de Lançon et chaînes alentour, dans lequel ces secteurs sont inclus. Le site en question présente divers types d'habitats naturels, notamment des garrigues et des parcelles agricoles. La diversité d'oiseaux est en grande partie liée à l'étendue des milieux ouverts et à leur complémentarité écologique dès lors en particulier que la zone est utilisée par l'aigle de Bonelli comme territoire de reproduction et d'alimentation.

7. Le rapport de présentation comporte notamment un titre III consacré à l'état initial de l'environnement dont la structure repose sur la détermination des enjeux environnementaux en fonction de dix thèmes généraux et qui identifie, après hiérarchisation de ces enjeux, les zones susceptibles d'être impactées par le PLU. Il qualifie d'important et localisé un enjeu tenant au développement des projets de production d'énergie photovoltaïque et indique qu'un zonage adapté doit être mis en place à ce titre. Il expose de façon générale les différents milieux naturels rencontrés, les protections qui s'y appliquent et les principales espèces d'oiseaux présentes ou dont la présence doit être confirmée. Il relève que ce territoire a également fait l'objet d'un arrêté préfectoral de biotope applicable au secteur dit du " domaine de Calissane ", dont il décrit l'objet.

8. Le titre V du rapport, relatif aux incidences du PLU sur l'environnement, comporte l'évaluation des incidences Natura 2000 mentionnée par l'article L. 414-4 du code de l'environnement. Il reconnaît de façon générale que les projets photovoltaïques prévus sur les trois secteurs Ne emportent des " incidences importantes mais justifiées et mesurées ". Sur ce point, ces secteurs sont localisés sur une carte et leurs incidences indiquées distinctement. Pour ce qui est du site de Calissanne (Font de Leu), le rapport se borne à restituer les conclusions de l'évaluation des incidences réalisée qui conclut à une absence d'atteinte significative du projet sur les espèces avérées d'oiseaux d'intérêt communautaire. Sans exclure la présence d'autres espèces, il ne mentionne pour ce site que la présence de l'outarde canepetière et expose qu'un arrêté ministériel a accordé une dérogation aux interdictions de destruction, altération ou dégradations de sites de reproduction et des aires de repos, assortie, dans ce cadre, de mesures d'évitement et de réduction avant et pendant les travaux et de mesures de compensation. Si le rapport décrit le site des Fanets, en partie anthropisé du fait de sa proximité immédiate de l'aire de l'autoroute A7 de Lançon, il se réfère également à une étude d'impact réalisée en 2010 dans le cadre d'une demande d'autorisation individuelle dont il synthétise le contenu relatif aux espèces présentes, pour conclure à la modestie des enjeux environnementaux tout en mentionnant que des mesures de réduction des impacts, dont la nature n'est pas précisée, seront prises en raison des dérangements possibles pendant la phase de travaux. Pour ce qui est du site de Camp Long (Guiennas), il est aussi fait référence à une étude environnementale, annexée au rapport, réalisée en 2010 par un bureau d'études dans le cadre d'un projet photovoltaïque qui conclut à un impact faible à modéré pour les espèces présentes sur le site. Bien que reconnaissant que le site constitue une zone de chasse, voire de repos ou de dispersion juvénile, pour l'aigle de Bonelli, qui présente un enjeu de conservation très fort, il ne justifie le caractère qui serait modéré de l'incidence du projet que par la localisation, à cette époque, du couple le plus proche nichant à plus de 10 km du site, ainsi que par la surface du projet alors prévue de 20 hectares. Les différentes espèces avérées à enjeu local de conservation fort, modéré ou faible sont listées et leurs habitudes ne sont exposées que de façon très générale, l'impact sur elles étant estimé faible. Il est seulement indiqué que " des mesures d'évitement, de réduction et de compensation seront envisagées de manière équivalente à ce qui est d'ores et déjà mis en œuvre sur le site de Calissanne ". Pour chacun de ces sites classés en secteur Ne, le rapport ne comporte pas de description ou est insuffisamment précis s'agissant du milieu naturel, des habitudes des espèces qui le fréquentent et la nature des incidences du PLU. Ainsi qu'il a été constaté, les mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser, s'il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en œuvre du plan sur l'environnement font l'objet d'affirmations qui sont trop succinctes ou manquantes, au regard des objectifs de conservation du site Natura 2000 Garrigues de Lançon et chaînes alentour. Par suite, l'évaluation de ses incidences, individuellement ou par ses effets cumulés, au regard de ces objectifs, insuffisamment pris en compte, ne peut être regardée comme suffisante.

9. Le rapport de présentation justifie, au titre IV, le règlement et la délimitation de la zone N en se référant à certaines orientations du programme d'aménagement et de développement durable (PADD), en particulier celles qui consistent à encourager la valorisation des énergies renouvelables et à préserver la qualité et la diversité des paysages et espaces naturels lançonnais. Il vérifie, sous forme de tableaux, la cohérence entre les orientations du PADD et les dispositions du PLU de Lançon-Provence, notamment en ce qui concerne la qualité et la diversité des paysages agricoles et naturels, la préservation de l'activité agricole et la valorisation des énergies renouvelables. Il expose que les anciennes carrières présentes sur le territoire communal ne permettent pas la mise en œuvre de projets photovoltaïques, eu égard à leurs conditions d'accès et à leurs surfaces insuffisantes et qu'un délaissé de voirie autoroutière a reçu une autre affectation. Il assimile à un site anciennement anthropisé le secteur de Calissanne (Font de Leu) en raison des faibles qualités agronomiques des terres. Il constate qu'aucun zonage n'était jusque là prévu pour accueillir des projets photovoltaïques et pose trois critères à prendre en compte pour déterminer leur localisation qu'il précise. Ce document expose donc de façon suffisante les motifs de la délimitation du secteur Ne après avoir constaté, selon ses auteurs, l'absence de solution alternative.

10. Il résulte des motifs énoncés aux points 7 à 9 que, même en tenant compte des limites fixées à l'article L. 104-4 du code de l'urbanisme, le rapport de présentation est insuffisant, notamment en ce qui concerne l'évaluation environnementale, et ne correspond pas aux exigences résultant des autres dispositions citées au point 4. Ces insuffisances ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population et ont été de nature à exercer une influence sur la délibération attaquée et donc à entraîner l'illégalité de celle-ci. En revanche, ainsi que le soutient la métropole Aix-Marseille-Provence, cette illégalité n'est de nature à justifier que l'annulation partielle de la délibération en tant qu'elle classe en secteur Ne les sites de Calissanne (Font de Leu) et de Camp Long (Guiennas).

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompatibilité du PLU avec le SCoT Agglopole Provence :

11. Aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération attaquée : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 ; (...) ".

12. Le document d'orientations générales du SCoT Agglopole Provence approuvé le 15 avril 2013, prescrit, en ce qui concerne les grands projets d'équipements et de services : " En matière de développement du photovoltaïque, et conformément aux prescriptions de l'Etat et de la doctrine retenue dans les Bouches-du-Rhône, les projets doivent privilégier les sites déjà anthropisés : délaissés industriels, délaissés d'autoroute ou de voies SNCF, sols pollués, toitures de zones d'activités artisanales et commerciales, parking, bâti agricole contemporain, anciennes carrières, décharges. / L'implantation dans les espaces agricoles et naturels est déconseillée et ne pourra être envisagée qu'en l'absence de solutions alternatives et sous réserve du faible impact du projet (les études d'incidences seront à mener par les porteurs de projets). Ces projets doivent être pensés à l'échelle intercommunale. ".

13. Il ressort des pièces du dossier que les espaces classés en secteur Ne au PLU, recouvrent sur une superficie totale de 60 ha environ une plaine agricole ou une garrigue dépourvues de constructions. Le rapport de présentation expose que les anciennes carrières présentes sur le territoire communal ne permettent pas la mise en œuvre de projets photovoltaïques, eu égard à leurs conditions d'accès et à leurs surfaces insuffisantes et qu'un délaissé de voirie autoroutière a reçu une autre affectation. Il n'a pas toutefois pensé le projet photovoltaïque à l'échelle intercommunale. Il assimile à un site anciennement anthropisé le secteur de Calissanne (Font de Leu) en raison des faibles qualités agronomiques des terres. Ni la circonstance que l'implantation des installations photovoltaïques permette la libre circulation des ovins sous les panneaux, ni la condition posée par le règlement du PLU qui subordonne l'implantation d'installations de cette nature en secteur Ne à leur démantèlement devant permettre un retour à l'état initial du site ou à une valorisation permettant un usage agricole, pastoral ou forestier ne garantissent que les projets ne produiront qu'un faible impact sur ces sites. Par ailleurs, le document d'orientations générales du SCoT Agglopole Provence identifie ces sites comme faisant partie des espaces naturels d'indice 1, le secteur de Calissanne (Font de Leu) étant ainsi considéré comme un espace agro-naturel d'indice 1. Les Garrigues de Lançon figurent en outre au nombre des espaces naturels d'importance écologique d'indice 1 à protéger. Dans ces conditions, le PLU révisé, en tant qu'il procède au classement en secteur Ne les sites de Calissanne (Font de Leu) et de Camp Long (Guiennas), est incompatible avec le SCoT Agglopole Provence, compte tenu de l'ensemble de ses orientations et de ses objectifs, et notamment de ceux cités au point 12, alors même que les auteurs du PLU ont exposé au rapport de présentation les raisons pour lesquelles ce ne serait pas le cas.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :

14. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels. (...) ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction.

15. Il ressort notamment du PADD du PLU de Lançon-Provence, que les auteurs de celui-ci ont entendu maintenir la qualité et la diversité des paysages agricoles et naturels et préserver l'activité agricole et sa diversité tout en engageant la commune en faveur du développement durable, en favorisant notamment l'accueil d'installations produisant de l'énergie solaire, compatibles avec la qualité des paysages et des milieux naturels. Si la création en zone naturelle d'un secteur Ne correspondant à la production d'énergies renouvelables sous forme de panneaux photovoltaïques répond à ce parti d'aménagement, sa délimitation, qui inclut les sites de Calissanne (Font de Leu) et de Camp Long (Guiennas) situés à l'intérieur du périmètre de la ZPS " Garrigues de Lançon et chaînes alentour ", porte atteinte aux objectifs de conservation du site. Dans les circonstances de l'espèce, c'est à bon droit que les premiers juges ont également accueilli le moyen tiré de l'erreur manifeste du classement de ces sites en secteur Ne.

Sur l'application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme :

16. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d'urbanisme ou une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : / 1° En cas d'illégalité autre qu'un vice de forme ou de procédure, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité est susceptible d'être régularisée par une procédure de modification prévue à la section 6 du chapitre III du titre IV du livre Ier et à la section 6 du chapitre III du titre V du livre Ier ; / 2° En cas d'illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité a eu lieu, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. (...) ".

17. Si la métropole Aix-Marseille-Provence soutient que le vice constaté au point 10, portant sur les insuffisances du rapport de présentation du PLU, affectant la délibération du 13 décembre 2017 est régularisable sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, eu égard aux motifs d'annulation partielle de la délibération du 13 décembre 2017 et à sa portée, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la métropole Aix-Marseille-Provence est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé en totalité la délibération du 13 décembre 2017 ainsi que la décision de rejet du recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la métropole Aix-Marseille-Provence demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La délibération du conseil municipal de Lançon-Provence du 13 décembre 2017 est annulée en tant qu'elle classe en secteur Ne du PLU communal les sites de Calissanne (Font de Leu) et de Camp Long (Guiennas).

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 juin 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la métropole Aix-Marseille-Provence est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole Aix-Marseille-Provence et à la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône.

Copie en sera adressée à la commune de Lançon-Provence.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

Le rapporteur,

Signé

P. D'IZARN DE VILLEFORTLe président,

Signé

P. PORTAILLa greffière,

Signé

N. JUAREZ

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 22MA02363 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02363
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL SINDRES - AVOCATS MARSEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-06;22ma02363 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award