Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. AM... G..., M. AT... H..., Mme AN... AA... épouse G..., Mme AL... O..., M. S... AS..., M. A... P..., Mme AH... R... épouse AJ..., Mme Q... AB..., Mme AI... I... épouse AS..., Mme AW... AC..., M. B... V..., M. AG... V... AX..., Mme E... V... AX..., Mme AL... W... épouse AU..., M. D... AU..., M. U... AJ..., M. A... AC..., M. AR... J..., Mme L... K..., M. T... C..., Mme N... AK... épouse AE..., M. X... Mouret, M. A... AD..., M. AV... AE..., Mme AP... AF..., Mme AO... Z... épouse P..., Mme AQ... M... et Mme Y... F... épouse V... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 9 avril 2021 par lequel le maire de Cogolin a délivré à la société Promurba un permis de construire en vue de l'édification d'un ensemble immobilier comportant quarante-neuf logements sur un terrain situé chemin des Coustelines, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux dirigé contre cet arrêté.
Par un jugement n° 2103004 du 24 juin 2022, le tribunal administratif de Toulon, faisant application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, a annulé l'arrêté du 9 avril 2021 en tant qu'il méconnaît les dispositions des articles UE 3 et UE 13 du règlement du plan local d'urbanisme de Cogolin, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux dans la même mesure, et a accordé à la société Promurba un délai pour solliciter la régularisation de ces vices.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 août, 15 novembre et 7 décembre 2022, puis par un mémoire, non communiqué, enregistré le 13 décembre 2022, et, enfin, par un mémoire enregistré le 27 janvier 2023, M. AT... H..., Mme AL... O..., Mme AH... R... épouse AJ..., M. B... V..., M. AG... V... AX..., Mme E... V... AX..., Mme AL... W... épouse AU..., M. D... AU..., M. U... AJ..., M. AR... J..., Mme L... K..., Mme AQ... M... et Mme Y... F... épouse V..., représentés par la SCP Berliner - Dutertre - Lacrouts, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 juin 2022 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs conclusions à fin d'annulation ;
2°) d'annuler en totalité l'arrêté du maire de Cogolin du 9 avril 2021 et la décision implicite rejetant le recours gracieux formé à son encontre le 4 juin 2021 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cogolin et de la société Promurba la somme de 4 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt à agir ;
- le jugement attaqué est irrégulier faute de comporter les signatures manuscrites requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
- le dossier de demande de permis ne respecte pas les exigences des articles R. 431-8, R. 431-9, R. 431-10 et R. 431-16 du code de l'urbanisme ;
- le permis litigieux, qui aurait dû être précédé de l'obtention d'une autorisation de défrichement, méconnaît l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme ;
- le permis en litige méconnaît les articles L. 111-11, L. 332-6 et L. 332-15 du code de l'urbanisme ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- le maire de Cogolin a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme et a méconnu l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le projet litigieux contrevient à l'article UE 8 de ce règlement ;
- il méconnaît l'article UE 13 du même règlement ainsi que l'a jugé le tribunal ;
- le maire de Cogolin a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et a méconnu l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme.
Par des mémoires en défense enregistrés les 5 octobre, 21 octobre et 22 novembre 2022, la commune de Cogolin, représentée par la SELARL Bauducco, Rota, Lhotellier, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme le cas échéant et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était tardive ;
- les requérants ne justifient pas d'un intérêt à agir ;
- les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés ;
- la cour fera, le cas échéant, application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense et en intervention enregistrés le 23 décembre 2022 et le 15 février 2023, la société par actions simplifiée Promurba et la société à responsabilité limitée Les Hauts de Cousteline, représentées par la SELARL LLC et Associés, concluent au rejet de la requête, subsidiairement, à ce qu'il soit sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et à ce que la somme de 8 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- l'intervention de la société Les Hauts de Cousteline, qui s'est vu transférer le permis litigieux, devra être admise ;
- ainsi que l'a jugé le tribunal, M. H..., Mme O... et Mme M... n'ont pas intérêt à agir ;
- les requérants invoquent inutilement les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ;
- les autres moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mouret,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- les observations de Me Bauducco, représentant la commune de Cogolin, et celles de Me Reghin, représentant la société Promurba ainsi que la société Les Hauts de Cousteline.
Considérant ce qui suit :
1. La société Promurba a déposé, le 21 octobre 2020, une demande de permis de construire valant permis de démolir, ultérieurement complétée, en vue de l'édification d'un ensemble immobilier comportant quarante-neuf logements répartis dans six bâtiments sur un terrain, cadastré section AD n° 326, situé chemin des Coustelines à Cogolin. Par un arrêté du 9 avril 2021, le maire de Cogolin a délivré le permis ainsi sollicité. Les recours gracieux formés à l'encontre de cet arrêté, reçus en mairie de Cogolin respectivement les 7 et 9 juin 2021, ont été implicitement rejetés. Par un jugement du 24 juin 2022, le tribunal administratif de Toulon, faisant application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, a annulé l'arrêté du 9 avril 2021 en tant qu'il méconnaît les dispositions des articles UE 3 et UE 13 du règlement du plan local d'urbanisme de Cogolin, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux dans la même mesure, et a accordé à la société Promurba un délai pour solliciter la régularisation de ces vices. M. H... et autres relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs conclusions à fin d'annulation et demandent à la cour d'annuler en totalité l'arrêté du 9 avril 2021 ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé à son encontre le 4 juin 2021.
Sur l'intervention en appel de la société Les Hauts de Cousteline :
2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct (...) ".
3. L'intervention de la société Les Hauts de Cousteline n'ayant pas été présentée par mémoire distinct, elle est irrecevable.
Sur la régularité du jugement :
4. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement dont les demandeurs de première instance ont reçu notification ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
6. En premier lieu, d'une part, l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Selon l'article R. 424-15 de ce code : " Mention du permis (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier (...) ". Son article A. 424-17 prévoit que : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : " Droit de recours : / " Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme) (...) ".
7. La mention relative au droit de recours, qui doit figurer sur le panneau d'affichage du permis de construire en application de l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme, permet aux tiers de préserver leurs droits. Toutefois, l'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire montre qu'il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n'aurait pas satisfait aux dispositions prévues en la matière par l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme.
8. D'autre part, l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ". Aux termes de l'article L. 112-6 du même code : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation (...) ". Selon l'article L. 411-3 de ce code : " Les articles L. 112-3 et L. 112-6 relatifs à la délivrance des accusés de réception sont applicables au recours administratif adressé à une administration par le destinataire d'une décision ".
9. En vertu du 2° de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet lorsque la demande présente le caractère d'un recours administratif. Le premier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative dispose que : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) ".
10. Les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration s'appliquent uniquement aux recours formés par les personnes contestant une décision prise à leur égard par une autorité administrative et sont sans incidence sur les règles applicables aux recours administratifs formés par des tiers à l'encontre d'autorisations individuelles créant des droits au profit de leurs bénéficiaires. Par suite, en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du recours administratif formé par un tiers contre un permis de construire, résultant du silence gardé par l'administration pendant le délai de deux mois prévu à l'article R. 421-2 du code de justice administrative, le nouveau délai ouvert à l'auteur de ce recours pour saisir la juridiction court dès la naissance de cette décision implicite, qu'il ait été ou non accusé réception de ce recours.
11. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 4 juin 2021, reçue en mairie de Cogolin le 7 juin suivant au vu de l'accusé de réception postal produit par les requérants, dix-huit personnes physiques ont formé un recours gracieux à l'encontre du permis délivré le 9 avril 2021 à la société Promurba. Par une lettre du 7 juin 2021, reçue en mairie le 9 juin suivant ainsi qu'en atteste l'accusé de réception postal versé aux débats, les intéressés, ainsi que quatre autres personnes physiques, ont présenté un recours gracieux analogue. Les vingt-deux personnes en cause doivent être regardées comme ayant eu connaissance de l'arrêté du 9 avril 2021 au plus tard à la date de réception en mairie de ces recours gracieux. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le délai de recours contentieux de deux mois a commencé à courir, à l'égard des intéressés, à compter de la naissance, les 7 et 9 août 2021, des décisions implicites rejetant leurs recours gracieux, qu'il ait été ou non accusé réception de ces recours administratifs. Dans ces conditions, la demande enregistrée le 22 octobre 2021 au greffe du tribunal administratif de Toulon était, en tant qu'elle était présentée par les vingt-deux personnes signataires des recours gracieux évoqués ci-dessus, tardive et, par suite, irrecevable.
12. En second lieu, la demande de première instance a été présentée par vingt-huit personnes physiques, parmi lesquelles figurent les vingt-deux personnes mentionnées au point précédent. Le tribunal a estimé, au point 4 du jugement attaqué, que la demande collective qui lui était soumise était irrecevable en tant qu'elle était présentée par les six autres personnes physiques demanderesses, ces dernières n'ayant pas justifié avoir formé un recours gracieux de nature à proroger, à leur égard, le délai de recours contentieux ouvert à l'encontre du permis en litige. Les appelants ne contestent pas l'irrecevabilité ainsi opposée par le tribunal administratif de Toulon. Il n'appartient pas à la cour de s'interroger d'office sur le bien-fondé de cette irrecevabilité.
13. Eu égard à ce qui a été dit aux deux points précédents, la demande collective présentée devant le tribunal administratif de Toulon était tardive et, par suite, irrecevable.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et en l'absence d'appel incident, que M. H... et les autres requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par l'article 4 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus de la demande collective qui lui était soumise.
Sur les frais liés au litige :
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de la société Les Hauts de Cousteline n'est pas admise.
Article 2 : La requête de M. H... et autres est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Cogolin et par la société Promurba au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. AT... H..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, à la commune de Cogolin, à la société par actions simplifiée Promurba et à la société à responsabilité limitée Les Hauts de Cousteline.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
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N° 22MA02343
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