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30/06/2023 | FRANCE | N°22MA01988

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 30 juin 2023, 22MA01988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Par un jugement n° 2201637, 2201638 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n° 22MA0

1988, enregistrée le 13 juillet 2022, Mme D..., représentée par Me Gilbert, demande à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Par un jugement n° 2201637, 2201638 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n° 22MA01988, enregistrée le 13 juillet 2022, Mme D..., représentée par Me Gilbert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 21 janvier 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation tenant à l'absence d'un examen complet et rigoureux de sa situation médicale ayant entraîné une méconnaissance de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien, et des articles L. 425-9 et L 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation entraînant une méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le défaut de traitement de sa fille entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- l'offre de soins et les caractéristiques du système de santé en Algérie ne permettent pas la prise en charge efficace de l'état de santé sa fille.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2022.

Par une ordonnance du 21 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2023.

II. Par une requête n° 22MA02179, enregistrée le 2 août 2022, Mme D..., représentée par Me Gilbert, demande à la cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 juin 2022 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement entraînerait des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens soulevés sont sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2022.

Par une ordonnance du 21 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fedi.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., de nationalité algérienne, a sollicité le 23 août 2021 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'accompagnante de sa fille malade. Par un arrêté du 21 janvier 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de sa destination. Mme D... relève appel du jugement du 7 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.

2. Les requêtes n° 22MA01988 et n° 22MA02179 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 22MA01988 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

3. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Il suit de là que Mme D... ne peut utilement se prévaloir des erreurs manifestes d'appréciation commises, selon elle, par les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté et des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle et familiale de Mme D..., et notamment de l'état de santé de sa fille A.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit en l'absence d'examen particulier doit être écarté.

5. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ".

6. Si ces dispositions, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par l'article L. 425-9 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, cette circonstance n'interdit pas au préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, de délivrer à ces ressortissants une autorisation provisoire de séjour pour accompagnement d'enfant malade.

7. Il ressort des pièces du dossier que la jeune A... C..., née le 19 janvier 2011, et entrée en France au cours de l'année 2019 avec sa mère, présente un syndrome de Goldenhar diagnostiqué à sa naissance qui associe dysplasie facio auriculo vertébrale, épilepsie depuis l'âge de trois ans, déficience visuelle, surdité, et scoliose cervico-thoracique. Dans l'arrêté contesté, le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé, en se basant notamment sur l'avis du collège des médecins de l'OFII émis le 15 novembre 2021, que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait toutefois pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait voyager sans risque vers l'Algérie. Pour contester le sens de cet avis de l'OFII, Mme D... soutient que sa fille a besoin d'une prise en charge médicale et scolaire adaptée qui lui est offerte en France et dont elle ne pourra plus bénéficier en cas de retour dans son pays d'origine. Il est constant que l'état de santé de la jeune A... nécessite une prise en charge multidisciplinaire en neuropsychologie, orthopédie, oto-rhino-laryngologie, orthophonie et kinésithérapie sur le long terme, des injections de toxine botulique et que l'évolution de sa maladie pourra occasionner des interventions chirurgicales complémentaires. Toutefois, aucune des pièces versées au dossier, y compris les derniers certificats médicaux produits devant la cour faisant état de la prise en charge de la fille de la requérante ainsi que de la nécessité future de gestes chirurgicaux complémentaires suivant l'évolution de sa maladie, ne permettent d'établir que le défaut de prise en charge entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, le certificat établi le 22 juillet 2022 par un médecin du service d'ophtalmologie de l'hôpital Nord de Marseille indiquant que la prise en charge multidisciplinaire est possible uniquement " dans un CHU tel que l'hôpital nord " et la référence à un article d'Algérie presse service du 18 mars 2018 concernant la difficulté de prise en charge des maladies rares en Algérie ne sont en tout état de cause pas de nature à infirmer le sens de l'avis du collège des médecins de l'OFII. Si Mme D... fait valoir que depuis qu'elle est en France sa fille est scolarisée dans un milieu adapté alors qu'en Algérie elle était toujours restée à la maison et qu'elle fait également moins de crises d'épilepsie, elle n'établit cependant pas qu'une scolarité adéquate et une prise en charge adaptée ne serait pas accessible à sa fille dans son pays d'origine. Enfin, la circonstance que le taux d'incapacité de A... a été fixé entre 50 et 79 % par la maison départementale des personnes handicapées des Bouches-du-Rhône n'est pas non plus de nature à établir que le défaut de traitement entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'elle ne pourrait être accueillie dans un endroit spécialisé. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet des Bouches-du-Rhône dans l'usage de son pouvoir discrétionnaire ne peut donc, alors en tout état de cause que les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont en l'espèce pas applicables ainsi qu'il a été dit précédemment au point 5, qu'être écarté.

8. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté méconnaîtrait les stipulations de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par adoption des motifs suffisamment précis et circonstanciés retenus par les premiers juges aux points 8 à 10 du jugement, la requérante ne faisant valoir aucun élément distinct de ceux soumis à leur appréciation.

9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

10. Eu égard à ce qui a été dit au point 7, Mme D... n'établit pas que l'espérance de vie de sa fille serait réduite en cas de retour dans son pays d'origine ou qu'elle serait exposée à des traitements inhumains et dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit, dès lors, être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 21 janvier 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

Sur la requête n° 22MA02179 :

12. Le présent arrêt ayant rejeté les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 juin 2022, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22MA02179 tendant au sursis à exécution de ce même jugement.

13. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme D... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement du 7 juin 2022 présentées dans la requête n° 22MA02179.

Article 2 : La requête n° 22MA01988 de Mme D... est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 22MA02179 est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse C..., à Me Gilbert et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2023.

N° 22MA01988, 22MA021792

cm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01988
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Cécile FEDI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-30;22ma01988 ?
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