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30/06/2023 | FRANCE | N°21MA03867

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 30 juin 2023, 21MA03867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... A... et Mme E... D... épouse F... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à verser à M. F... A..., en sa qualité de représentant légal de son fils mineur B... F... A..., la somme de 28 295 euros et à chacun, la somme de 4 000 euros au titre de leur préjudice moral.

Par un jugement n° 1907281 du 15 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'AP-HM à verser à M. F... A... en sa qua

lité de représentant légal de son fils mineur, la somme de 6 930 euros et à M. et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... A... et Mme E... D... épouse F... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à verser à M. F... A..., en sa qualité de représentant légal de son fils mineur B... F... A..., la somme de 28 295 euros et à chacun, la somme de 4 000 euros au titre de leur préjudice moral.

Par un jugement n° 1907281 du 15 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'AP-HM à verser à M. F... A... en sa qualité de représentant légal de son fils mineur, la somme de 6 930 euros et à M. et Mme F... A... la somme de 2 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral, une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 septembre 2021 et 25 mars 2022, M. et Mme F... A..., représentés par la SELARL Noûs avocats, agissant par Me Leturcq, demandent à la cour :

1°) de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a statué sur le principe de la responsabilité de l'AP-HM ;

2°) de réformer ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs demandes ;

3°) de condamner l'AP-HM à leur payer, en leur qualité de représentants légaux de leur enfant B..., la somme totale à parfaire de 35 940 euros au titre de ses préjudices personnels, soit 830 euros en réparation de son déficit fonctionnel temporaire, 3 500 euros au titre des souffrances endurées, 10 000 euros en réparation de son déficit fonctionnel permanent, 2 000 euros en réparation de son préjudice esthétique permanent, 8 000 euros au titre de l'incidence professionnelle et scolaire, 10 110 euros en remboursement des dépenses de santé et 1 500 euros en réparation de son préjudice d'agrément ;

4°) de condamner l'AP-HM à leur payer à chacun une somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

5°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une nouvelle expertise à fin de réévaluation des différents préjudices ;

6°) en tout état de cause, de condamner l'APHM à leur verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable, la décision d'aide juridictionnelle leur ayant été notifiée le 9 juillet 2021 ;

- le tribunal a insuffisamment évalué leurs préjudices, dont certains se sont aggravés, du fait notamment de douleurs séquellaires apparues après la consolidation de l'état de santé de leur fils ;

- les dépenses de santé actuelles et futures et le préjudice d'agrément subi doivent également être indemnisés ;

- aucune autorisation du juge des tutelles n'était requise pour obtenir une indemnisation des dépenses de santé ;

- une nouvelle expertise doit être ordonnée afin de réévaluer les postes de préjudices indemnisables.

Par mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2022, l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, représentée par la SARL Le Prado-Gilbert, demande à la cour de rejeter la demande présentée par M. et Mme F... A....

Elle fait valoir que :

- les requérants sont irrecevables à majorer en appel leurs prétentions indemnitaires, dès lors que leur préjudice ne s'est ni aggravé, ni révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué ;

- ils sont également irrecevables à solliciter le remboursement des dépenses de santé, dès lors qu'ils ne justifient pas avoir obtenu l'autorisation du juge des tutelles pour demander le remboursement de ces frais médicaux ;

- l'évaluation des préjudices faite par le tribunal est suffisante ;

- ils ne sont pas fondés à solliciter une nouvelle expertise.

Par ordonnance n° 21MA04687 du 14 avril 2022, le juge des référés de la cour administrative de Marseille a ordonné une expertise médicale concernant l'enfant B... F... A....

La caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes et la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, mises en cause, n'ont pas produit d'observations.

Mme F... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2021.

Par une ordonnance du 30 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 avril 2023.

Les parties ont été informées le 8 juin 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions, nouvelles en appel, tendant à ce que l'indemnité que l'AP-HM a été condamnée à verser à M. F... A... en sa qualité de représentant légal de son fils mineur, soit versée à M. et Mme F... A....

Vu :

- le rapport d'expertise du 30 septembre 2022 ;

- l'ordonnance n° 21MA04687 du 6 septembre 2022, par laquelle la présidente de la cour a taxé les frais de l'expertise ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Bechelen, représentant M. et Mme F... A... et G... représentant l'AP-HM.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... A..., prise en charge par l'hôpital de la Conception à Marseille en vue de son accouchement, a donné naissance le 2 novembre 2014 à son enfant B..., après une césarienne réalisée en urgence en raison d'anomalies sévères du rythme cardiaque fœtal. L'enfant a fait l'objet de soins de réanimation avant d'être transféré le 4 novembre 2014 au service de néonatologie. A l'occasion des soins dispensés dans la nuit du 4 novembre au 5 novembre 2014, une puéricultrice, qui souhaitait découper la couche de l'enfant avec une paire de ciseaux pour changer un urinicol, a sectionné la dernière phalange du cinquième orteil du pied droit. Aucune intervention chirurgicale n'a été réalisée du fait de la taille réduite du morceau sectionné. Une expertise amiable a été réalisée le 3 mars 2017 à la demande de la société hospitalière d'assurances mutuelles, qui a conduit cette dernière à présenter une offre d'indemnisation de 6 000 euros à M. et Mme F... A..., rejetée par ordonnance du 7 février 2018 de la vice-présidente du tribunal de grande instance chargée de la protection des mineurs. M. et Mme F... A... ont saisi le tribunal administratif de Marseille afin d'obtenir la réparation des préjudices subis par eux et leur enfant. Ils relèvent appel du jugement du 15 mars 2021 de ce tribunal en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de leurs demandes indemnitaires, et sollicitent, du fait de l'aggravation ou de l'apparition de nouveaux préjudices, une majoration du montant global de l'indemnité demandée au tribunal. Enfin, par une ordonnance n° 21MA04687 du 14 avril 2022, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille a, à la demande de M. et Mme F... A... et afin de déterminer les préjudices subis par leur fils lors de sa prise en charge par le service de néonatologie, ordonné la désignation d'un expert qui a remis son rapport le 30 septembre 2022.

Sur la recevabilité des conclusions :

2. Il est constant que les requérants ont demandé au tribunal administratif de Marseille que l'AP-HM soit condamnée à indemniser M. F... A... des préjudices subis à titre personnel par leur fils mineur. Il suit de là que les conclusions, présentées pour la première fois en appel, tendant à ce que cette même indemnité soit versée conjointement à Mme F... A... n'ont pas été soumises aux premiers juges et sont, par suite, irrecevables.

Sur la responsabilité :

3. L'AP-HM reconnaît, tant en première instance qu'en appel, sa responsabilité dans la prise en charge du jeune B... au service de néonatologie de l'hôpital de la Conception, ayant donné lieu à l'amputation par accident de l'extrémité du cinquième orteil du pied droit, constatée à la fois par le rapport d'expertise du médecin conseil de l'assureur de l'AP-HM et celui diligenté par la cour.

Sur l'évaluation des préjudices :

4. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire du 30 septembre 2022, que les soins à domicile dispensés au jeune B... suite à son accident, ont consisté, entre le 3 novembre 2014 et le 31 janvier 2015, à suivre la cicatrisation de la partie sectionnée de l'orteil et à changer le pansement régulièrement. Il est confirmé que compte tenu de la distalité de la section de l'orteil concerné, il était inutile et impossible d'envisager une réimplantation de la pulpe et de la dernière phalange de cet orteil. Dans les suites directes de l'accident, il n'est retenu aucun déficit fonctionnel temporaire partiel ou total et aucun besoin d'assistance par une tierce personne, mais seulement des souffrances endurées estimées à 2 sur 7.

L'expert relève qu'avant l'acquisition de la marche entre 12 et 18 mois, l'enfant a bénéficié de séances de kinésithérapie qui n'apparaissaient pas utiles et justifiées. S'agissant de l'état de santé actuel de l'enfant, l'expert fait valoir qu'il ne présente aucun handicap à la marche, à la course et aux sautillements sur place et qu'aucun déficit fonctionnel temporaire ou permanent n'est caractérisé. Par ailleurs, il précise, à l'appui de photographies, que la section distale de 8 millimètres du cinquième orteil du pied droit qui a perdu sa phalange présente un aspect cosmétique, n'est ni choquante ni spontanément visible. Le caractère très minime du préjudice esthétique définitif est ainsi évalué à 0,5 sur 7. Il est noté en outre que l'examen clinique ne révèle aucune nécessité d'un chaussage adapté, étant précisé que les semelles orthopédiques prescrites sont justifiées par une déformation en valgus de l'arrière pied et sont donc sans lien avec la lésion litigieuse à l'extrémité de l'orteil. Enfin, l'enfant n'a pas réagi par l'expression d'une douleur ou même d'une gêne lors de l'examen médical, même avec un malaxage plus poussé du cinquième orteil. L'expert n'a pas non plus relevé d'exostose sous la peau, ou de cor qui témoigneraient d'un conflit entre l'orteil et la chaussure. Il n'a été présenté à l'expert que trois ordonnances datant de 2016 et de 2021 comprenant une prescription d'antalgiques qui sont sans lien avec les douleurs alléguées à l'orteil dès lors qu'il s'agit de médications temporaires pour traiter des aphtes buccaux, une conjonctivite et une irritation nasale.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'expert désigné par la cour n'a retenu aucun déficit fonctionnel temporaire et permanent subi par l'enfant B.... Par suite, M. et Mme F... A... ne sont pas fondés à demander, au titre de ces préjudices, la majoration du montant de l'indemnité qui leur a été accordée par le tribunal et qui n'est pas contestée en appel par l'AP-HM.

6. Par ailleurs, si l'expert désigné par la cour a admis l'existence de souffrances endurées par l'enfant évaluées à 2 sur 7 et d'un préjudice esthétique définitif évalué à 0,5 sur 7, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante évaluation des préjudices subis par l'enfant B..., qui ne présentent en tout état de cause aucune aggravation, en accordant respectivement les sommes, non contestées par l'AP-HM, de 3 000 euros et de 1 400 euros.

7. Les appelants ne démontrent pas davantage que l'accident corporel dont a été victime leur enfant dès sa naissance aurait une incidence sur sa scolarité ou sur son avenir professionnel. Par suite, leur demande tendant à l'indemnisation d'un préjudice d'incidence scolaire et professionnelle, qui n'est au demeurant pas retenu par l'expert, doit être rejetée.

8. De surcroît, les dépenses de santé invoquées pour la première fois en appel, consistant en des frais d'appareillage orthopédiques, sont, ainsi que le relève l'expert, sans lien avec cet accident. Par suite, les conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées.

9. Il n'est pas non plus établi, eu égard aux constatations faites par l'expert, que le jeune B... serait gêné dans la pratique d'une activité physique ou sportive, de sorte qu'il y a lieu d'écarter toute indemnisation au titre du préjudice d'agrément sollicité pour la première fois en appel.

10. Enfin, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral subi par M. et Mme F... A... en leur allouant à ce titre une somme de 2 000 euros chacun.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner un complément d'expertise ni de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par l'AP-HM, que M. et Mme F... A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont fait que partiellement droit à leur demande.

Sur la déclaration d'arrêt commun :

12. La caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes et la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, régulièrement mises en cause, n'ont pas produit de mémoire. Il y a lieu, dès lors, de leur déclarer commun le présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, dès lors que Mme F... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 25 juin 2021, de mettre les frais d'expertise liquidés et taxés par ordonnance du 6 septembre 2022 de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille à la somme de 1 006,98 euros, à la charge définitive de l'Etat.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HM, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les appelants, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme F... A... est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 006,98 euros, sont mis à la charge définitive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et E... F... A..., à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et à Me Leturcq.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2023.

2

N° 21MA03867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03867
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Jugements - Frais et dépens - Aide juridictionnelle.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier - Existence d'une faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELARL NOUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-30;21ma03867 ?
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