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27/06/2023 | FRANCE | N°22MA01708

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 27 juin 2023, 22MA01708


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de Marseille sur sa demande datée du 10 juillet 2019 tendant à l'octroi de la protection fonctionnelle, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Marseille de prendre une nouvelle décision relative à cette demande et, enfin, de mettre à la charge de cette commune une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de

justice administrative.

Par un jugement n° 2000546 du 9 mai 2022, le tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de Marseille sur sa demande datée du 10 juillet 2019 tendant à l'octroi de la protection fonctionnelle, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Marseille de prendre une nouvelle décision relative à cette demande et, enfin, de mettre à la charge de cette commune une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000546 du 9 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juin 2022 et 28 avril 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Lucchini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 mai 2022 ;

2°) d'annuler cette décision implicite de rejet ;

3°) d'enjoindre à la commune de Marseille, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de prendre une nouvelle décision sur sa demande tendant à l'octroi de la protection fonctionnelle ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sur l'absence de bien-fondé du jugement du 9 mai 2022 :

. les premiers juges ont commis une erreur de droit et ont dénaturé la portée de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration ;

. en l'absence d'éléments permettant de déterminer la date de réception du premier courrier du 27 juin 2019 dans lequel il a demandé la protection fonctionnelle, il ne peut lui être opposé que la décision implicite de refus de sa demande réceptionnée le 15 juillet 2019 serait confirmative ; le tribunal administratif de Marseille ne pouvait pas rejeter son recours pour irrecevabilité en raison de ce motif ; son jugement est contraire à la jurisprudence et aux textes applicables, comme l'article R. 421-2 du code de justice administrative ;

- sur l'illégalité de la décision implicite portant refus de lui accorder la protection fonctionnelle :

. en méconnaissance des dispositions des articles L. 100-1, L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, et alors que, conformément aux dispositions de l'article L. 232-4 du même code, il a demandé que lui soient communiqués les motifs du refus de sa demande de protection, cette décision est demeurée sans motivation ;

. il a été victime d'agissements répétitifs constitutifs de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2023, la commune de Marseille, représentée par Me Puigrenier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- M. B... est mal fondé en sa critique du jugement attaqué, les premiers juges, qui n'avaient pas d'autres choix que celui de conclure à l'irrecevabilité de sa demande de première instance, n'ayant commis aucune erreur de droit ;

- si, par impossible, la Cour estimait devoir analyser le bien-fondé de la décision contestée, M. B... n'est fondé à critiquer ni sa légalité externe, alors que le moyen tiré du défaut de motivation est inopérant, ni sa légalité interne.

Par une ordonnance du 30 mars 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 31 mars 2023, a été reportée au 2 mai 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure civile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Puigrenier, représentant la commune de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Adjoint technique territorial, affecté au sein du garage de la commune de Marseille, M. B... a sollicité, par un courrier daté du 10 juillet 2019, le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison du harcèlement moral dont il estime avoir été victime de la part de l'un des supérieurs hiérarchiques. Du silence gardé par le maire de Marseille sur cette demande, est née une décision implicite de rejet. M. B... relève appel du jugement du 9 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cette décision implicite comme irrecevable.

Sur la régularité du jugement attaqué du 9 mai 2022 et la recevabilité de la demande de première instance présentée pour M. B... :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Selon l'article R. 421-2 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. " Aux termes de l'article R. 421-5 dudit code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " Par ailleurs, en vertu de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont applicables aux relations entre l'administration et ses agents ni les dispositions de l'article L. 112-3 de ce code aux termes desquelles : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ", ni celles de son article L. 112-6 qui dispose que : " les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis (...) ". Enfin, le 5° de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents.

3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent, les dispositions de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration n'étant pas applicables aux agents publics. Ce n'est qu'au cas où, dans le délai de deux mois ainsi décompté, l'auteur de la demande adressée à l'administration reçoit notification d'une décision expresse de rejet qu'il dispose alors, à compter de cette notification, d'un nouveau délai pour se pourvoir (Conseil d'Etat, Section, 1er mars 1996, n° 117453, A).

4. D'autre part, l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, applicable aux agents publics, dispose que : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

5. Il résulte de ces dispositions que le silence gardé pendant plus de deux mois sur une demande de communication des motifs d'une décision implicite de rejet n'a pas pour effet de faire naître une nouvelle décision implicite de rejet détachable de la première et pouvant faire elle-même l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Ce silence permet seulement à l'intéressé de se pourvoir sans condition de délai contre la décision implicite initiale qui, en l'absence de communication de ses motifs, se trouve entachée d'illégalité (Conseil d'Etat, 29 mars 1985, nos 45311, 46374, A).

6. Au cas particulier, il est constant que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de Marseille sur la demande de M. B... datée du 10 juillet 2019 tendant à ce que lui soit octroyée le bénéfice de la protection fonctionnelle est née le 15 septembre 2019. Cette décision implicite de rejet est intervenue dans un cas où la décision explicite de refus de protection fonctionnelle aurait dû être motivée. Or, en l'absence d'une telle décision implicite, M. B... a, par un courrier du 5 novembre 2019 adressé au maire de Marseille et reçu par ses services le 12 novembre suivant, soit dans le délai de recours contentieux de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 421-2 du code de justice administrative, sollicité la communication des motifs de cette décision. Le silence gardé pendant plus d'un mois sur cette demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle permettait à l'intéressé de se pourvoir sans condition de délai contre cette décision implicite. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Marseille, sa demande de première instance, enregistrée le 21 janvier 2020 sur l'application informatique Télérecours, n'était pas tardive.

7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... avait présenté, auprès du responsable du service Transport de la commune de Marseille, une première demande de protection fonctionnelle le 27 juin 2019 et l'appelant indique lui-même expressément dans sa seconde demande, que celle-ci a été reçue par les services de la commune de Marseille le 1er juillet 2019. Sans réponse expresse apportée à cette première demande, une décision implicite la rejetant a été acquise le 1er septembre 2019 et il est constant que le délai de recours contentieux contre celle-ci a expiré le 4 novembre 2019, sans que l'appelant ne présente à son encontre un recours gracieux ou contentieux. Ainsi, cette décision n'était pas devenue définitive le 15 septembre 2019, date de naissance de la décision implicite de rejet de la seconde demande de protection fonctionnelle présentée par M. B..., de sorte que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Marseille, cette seconde décision de rejet ne peut être regardée comme purement confirmative de la première.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 9 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande comme irrecevable. Ce jugement doit, dès lors, être annulé.

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet acquise le 15 septembre 2019 :

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points ci-dessus qu'en l'absence de communication des motifs de la décision implicite de refus de protection fonctionnelle, cette décision se trouve entachée d'illégalité. Pour ce motif, et l'examen de son autre moyen n'étant pas mieux à même de régler le litige, M. B... est fondé à en demander l'annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...), la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ".

12. Eu égard au seul motif justifiant l'annulation de la décision implicite contestée, il y a lieu d'enjoindre au maire de Marseille de procéder à un réexamen de la demande présentée par M. B... tendant à l'octroi de la protection fonctionnelle, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

14. D'une part, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la commune de Marseille au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

15. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions par M. B....

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2000546 du tribunal administratif de Marseille du 9 mai 2022 est annulé.

Article 2 : La décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de Marseille sur la demande de protection fonctionnelle présentée par M. B... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Marseille de procéder à un réexamen de la demande de protection fonctionnelle présentée par M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

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No 22MA01708


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