Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par trois requêtes distinctes, M. K... D... E... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler, d'une part, la délibération du 28 novembre 2018 par laquelle la commission locale d'agrément et de contrôle Sud a refusé de faire droit à sa demande tendant au renouvellement de son agrément pour diriger la société E... Sécurité, d'autre part, la décision implicite de la commission nationale d'agrément et de contrôle rejetant son recours administratif préalable obligatoire contre la délibération du 28 novembre 2018, et, enfin, la décision expresse de la commission nationale d'agrément et de contrôle du 24 mai 2019 portant rejet de son recours administratif.
Par un jugement n° 1805573, 1901019, 1904200 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 24 mai 2019 de la commission nationale d'agrément et de contrôle, a enjoint au Conseil national des activités privées de sécurité de procéder à un nouvel examen de la demande de M. D... E... tendant au renouvellement de son agrément pour diriger sa société de sécurité privée, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge dudit conseil une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de M. D... E....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 février 2022, le 29 mai et le
30 mai 2023, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me Cano, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1805573, 1901019, 1904200 du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de rejeter, en conséquence et par l'effet dévolutif de l'appel, la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de M. D... E... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la convocation des membres de la commission était irrégulière et que la décision du 24 mai 2019 devait être annulée pour ce motif ;
- les moyens soulevés en première instance par M. D... E... ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 février et 8 juin 2023,
M. D... E..., représenté par Me Maamouri, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du requérant la somme de 2 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête d'appel est irrecevable faute pour le Conseil national des activités privées de sécurité de justifier que son collège a pris la décision d'interjeter appel du jugement attaqué en application de l'article R. 632-4 du code de la sécurité intérieure ;
- le moyen soulevé par le Conseil national des activités privées de sécurité n'est pas fondé dès lors que, ainsi que l'a jugé le tribunal, il a été privé de la garantie tenant à ce que son dossier soit examiné par une commission régulièrement composée ;
- la décision de la commission nationale d'agrément et de contrôle a en outre été prise à la suite d'une consultation irrégulière du fichier " traitement des antécédents judiciaires ", est entachée d'un défaut d'examen particulier du dossier, d'une erreur de droit, d'une violation de l'article 775-1 du code de procédure pénale et d'une erreur d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- les observations de Me Brière, substituant Me Cano, représentant le Conseil national des activités privées de sécurité,
- et les observations de Me Maamouri, représentant M. D... E... et de
M. D... E....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... E..., qui s'est vu délivrer un agrément l'autorisant à diriger une société exerçant son activité dans le secteur de la sécurité privée, en a sollicité le renouvellement par courrier du 28 mai 2018. Par une décision du 28 novembre 2018, la commission locale d'agrément et de contrôle Sud (CLAC) du Conseil national des activités privées de sécurité a rejeté cette demande. L'intéressé a alors saisi la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du Conseil national des activités privées de sécurité d'un recours administratif préalable obligatoire, lequel a été rejeté par une délibération du 24 mai 2019. Le conseil national des activités privées de sécurité relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la délibération du 24 mai 2019 par laquelle la CNAC a rejeté le recours de
M. D... E....
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Aux termes de l'article R. 632-4 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable au litige : " Le collège délibère sur : (...) / 11° Les actions en justice et les transactions ; (...) / Le collège peut déléguer à son président certaines des attributions prévues au 10° et au 11°, lorsque le montant financier engagé se situe en dessous d'un seuil qu'il détermine et qui ne peut être supérieur à 100 000 euros. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 11 mars 2021, le collège du Conseil national des activités privées de sécurité a donné délégation à sa présidente, en application de l'article R. 632-4 du code de la sécurité intérieure, pour engager au nom de l'établissement toutes les actions en justice devant toutes les juridictions dès lors que le montant financier engagé n'excède pas 100 000 euros. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
4. Aux termes de l'article R. 632-9 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable au litige : " La Commission nationale d'agrément et de contrôle comprend :
/ 1° Les membres du collège représentant l'Etat désignés aux c, d, f, g, h et k du 1° de l'article R. 632-2 ; (...) ". Et aux termes de l'article R. 632-2 de ce même code : " Le collège du Conseil national des activités privées de sécurité comprend : / 1° Onze représentants de l'Etat : /
(...) f) Le directeur général du travail au ministère chargé du travail ou son représentant ; (...) / k) Le directeur de la sécurité sociale au ministère chargé de la sécurité sociale ou son représentant ; (...) ".
5. Pour annuler la délibération du 24 mai 2019, les premiers juges ont relevé que deux des membres de la CNAC, M. B... I... et Mme H... J..., n'avaient pas été convoqués pour siéger lors de la séance qui s'est tenue le 29 mars 2019. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des mandats de représentation produits pour la première fois en cause d'appel, que M. I..., directeur général du travail, a désigné M. F... afin de le représenter à toutes les séances de la commission, que Mme J... a désigné Mme G... à cette même fin, et que ces deux agents ont été dûment convoqués par courriel du 22 mars 2019 pour siéger lors de la séance du 29 mars suivant.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur l'irrégularité des convocations des membres de la commission pour annuler la délibération du 24 mai 2019.
7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... E... tant devant le tribunal administratif de Nice qu'en cause d'appel.
Sur la légalité de la délibération du 24 mai 2019 :
8. Aux termes de l'article L. 612-7 du code de la sécurité intérieure dans sa version applicable au litige : " L'agrément prévu à l'article L. 612-6 est délivré aux personnes qui satisfont aux conditions suivantes (...). / L'agrément ne peut être délivré s'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées. ".
9. Il résulte des dispositions précitées que lorsqu'elle est saisie d'une demande de délivrance d'une carte professionnelle pour l'exercice de la profession d'agent privé de sécurité ou d'une demande d'agrément en qualité de dirigeant d'une entreprise de sécurité privée, l'autorité administrative compétente procède à une enquête administrative. Cette enquête, qui peut notamment donner lieu à la consultation du traitement automatisé de données à caractère personnel mentionné à l'article R. 40-23 du code de procédure pénale, vise à déterminer si le comportement ou les agissements de l'intéressé sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat, et s'ils sont ou non compatibles avec l'exercice des fonctions d'agent privé de sécurité. Pour ce faire, l'autorité administrative procède, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à une appréciation globale de l'ensemble des éléments dont elle dispose. A ce titre, si la question de l'existence de poursuites ou de sanctions pénales est indifférente, l'autorité administrative est en revanche amenée à prendre en considération, notamment, les circonstances dans lesquelles ont été commis les faits qui peuvent être reprochés au pétitionnaire ainsi que la date de leur commission.
10. Il ressort des pièces du dossier que la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité s'est fondée, pour refuser de procéder au renouvellement de l'agrément de M. D... E..., sur la circonstance que l'intéressé a été mis en cause pour des faits d'exécution d'un travail dissimulé, emploi d'un étranger non muni d'une autorisation " salarié " et emploi pour l'exercice d'activité privée de sécurité de personnes non titulaires de la carte professionnelle, faits commis entre le 24 et
le 25 mai 2013 à Nice. Si la matérialité de ces faits est établie par la condamnation de l'intéressé au paiement d'une amende de 20 000 euros prononcée par jugement du tribunal correctionnel de Grasse du 18 février 2014, et que ces faits, par leur nature même, sont contraires aux principes auxquels le dirigeant d'une société de sécurité privée doit se conformer, il ressort des pièces du dossier, notamment tant du témoignage particulièrement circonstancié de la secrétaire de la société E... sécurité au moment des faits, que du procès-verbal d'audition de M. C... A..., également mis en cause, dressé par les services de police le 10 août 2015, que M. D... E... n'était pas, à titre personnel, informé du recrutement de plusieurs agents sans que les vérifications d'usage n'aient été réalisées par sa société, notamment s'agissant de la détention, par les intéressés, d'une carte professionnelle autorisant l'exercice d'une activité de sécurité privée, une telle négligence ayant été commise par la secrétaire de la société qui a, au demeurant, fait l'objet d'un licenciement pour ces faits. De plus, outre que lesdits faits étaient déjà connus du Conseil national des activités privées de sécurité lorsque l'agrément de M. D... E... a été renouvelé par une précédente décision du 29 août 2013, et qu'ils n'ont donné lieu, au titre de la procédure disciplinaire conduite par le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité, qu'au prononcé d'un blâme assorti d'une pénalité financière prononcés à l'encontre tant de la société E... Sécurité que de M. D... E..., ils demeurent isolés, d'une durée très limitée dans le temps, et antérieurs de plus de six ans à la date de la délibération attaquée.
Dès lors, la commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité a commis une erreur d'appréciation en refusant, pour ce seul motif, le renouvellement de l'agrément sollicité par M. D... E....
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. D... E... tant en première instance que dans ses écritures d'appel, que le Conseil national des activités privées de sécurité n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la délibération du 24 mai 2019. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. M. D... E... n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par le Conseil national des activités privées de sécurité en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité une somme de 2 000 euros à verser à M. D... E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du Conseil national des activités privées de sécurité est rejetée.
Article 2 : Le Conseil national des activités privées de sécurité versera une somme de
2 000 euros à M. D... E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Conseil national des activités privées de sécurité et à M. K... D... E....
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2023.
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N° 22MA00455