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23/06/2023 | FRANCE | N°21MA04725

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 23 juin 2023, 21MA04725


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et la société à responsabilité limitée (SARL) A... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 27 juillet 2017 ordonnant la suppression d'ouvrages, de remblais et la remise en état du vallon du Curraud, infligeant une amende administrative et une astreinte journalière, ainsi que les décisions des 13 mars 2018, 19 février 2019, 10 juillet 2019 et la décision implicite rejetant leur recours gracieux, de désigner avant dire droit un expe

rt, de les décharger de l'obligation de payer les sommes mises à leur charge ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et la société à responsabilité limitée (SARL) A... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 27 juillet 2017 ordonnant la suppression d'ouvrages, de remblais et la remise en état du vallon du Curraud, infligeant une amende administrative et une astreinte journalière, ainsi que les décisions des 13 mars 2018, 19 février 2019, 10 juillet 2019 et la décision implicite rejetant leur recours gracieux, de désigner avant dire droit un expert, de les décharger de l'obligation de payer les sommes mises à leur charge par les titres de perception émis les 6 et 11 décembre 2017, 22 février 2018, 25 juin 2018, 11, 12 et 13 décembre 2018, 6 février 2019, 1er mars 2019 et 15 mai 2019, de suspendre l'exécution de ces titres exécutoires et de sursoir à statuer sur leurs requêtes.

Par un jugement n° 1802141, 1900255, 1901799, 1904358, 1906061 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2021, sous le n° 21MA04725, M. A... et la SARL A..., représentés par Me Germani, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 14 octobre 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux des 21 février 2017 et 27 juillet 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'ouvrage a été construit avant la loi sur l'eau et M. A... a été autorisé par la commune de Mougins à réaliser les travaux en cause ;

- une expertise démontre que cet ouvrage respecte la continuité hydraulique et que l'inondation des propriétés riveraines en rive gauche ne résulte pas de sa propriété ;

- l'agent de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Alpes-Maritimes a montré, par des visites régulières, une certaine proximité avec ses voisins et rendu un avis très subjectif ;

- l'établissement des manquements aux prescriptions s'appuie sur des constatations de faits erronés ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une inexactitude matérielle des faits ;

- cette erreur laisse supposer un détournement de pouvoir ;

- l'exception d'illégalité de l'arrêté du 27 juillet 2017 est recevable et fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur conclut au rejet de la requête de M. A... et autre.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... et autre ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête de M. A... et autre.

Il fait valoir que :

- les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés des 21 février 2017 et 27 juillet 2017 sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. A... et autre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL A... et M. A..., son gérant, ont fait l'objet, le 21 février 2017, d'un arrêté du préfet des Alpes-Maritimes les mettant en demeure de régulariser leur situation administrative, après constat par la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Alpes-Maritimes de la présence d'ouvrages et de remblais dans le lit mineur du cours d'eau du vallon de Curraud réalisés sans autorisation au droit des parcelles cadastrées section CM n° 81, 83 et 82 et AC n° 54, par le dépôt, avant le 31 mai 2017, d'un dossier de demande d'autorisation en application de l'article R. 214-6 du code de l'environnement. Par arrêté du 27 juillet 2017, le préfet des Alpes-Maritimes a, d'une part, mis en demeure la société et M. A... de procéder, avant le 30 avril 2018, à la suppression du lit bétonné de 60 mètres, de l'ouvrage cadre de 60 mètres surmonté d'enrochements et remblais et du remblai situé en rive droite du vallon de Curraud ainsi qu'à la remise à l'état originel du vallon au droit des parcelles précitées, d'autre part, informé les requérants que seront infligées une amende administrative pour non-respect de cette mise en demeure, d'un montant de 5 000 euros ainsi qu'une astreinte journalière de 500 euros jusqu'à la remise en état du cours d'eau après la suppression totale des ouvrages et remblais. Un titre de recettes d'un montant de 4 000 euros au titre de l'amende administrative a été émis à l'encontre de la SARL A..., le 6 décembre 2017. Par des titres de recettes émis les 11 décembre 2017, 22 février 2018, 25 juin 2018, 11 décembre 2018, 12 décembre 2018, 13 décembre 2018, 6 février 2019, 1er mars 2019, et 15 mai 2019, la direction régionale des finances publiques a mis à la charge des requérants une somme globale de 270 120 euros, au titre de la liquidation de l'astreinte administrative journalière prononcée par l'arrêté du 27 juillet 2017. M. A... et autre ont formé, contre chacun des titres de perception, des recours gracieux auprès de la direction départementale des finances publiques, lesquels ont été rejetés. M. A... et autre relèvent appel du jugement du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Nice qui a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2017, des décisions des 13 mars 2018, 19 février 2019, 10 juillet 2019 et de la décision implicite rejetant leurs recours gracieux, à la décharge de l'obligation de payer les sommes mises à leur charge par les titres de perception émis les 6 et 11 décembre 2017, 22 février 2018, 25 juin 2018, 11, 12 et 13 décembre 2018, 6 février 2019, 1er mars 2019 et 15 mai 2019, de suspendre l'exécution de ces titres exécutoires et de surseoir à statuer sur leurs requêtes. Par la présente requête, M. A... et autre doivent être regardés comme demandant également à être déchargés des sommes mises à leur charge par les titres de perception précités.

Sur l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 février 2017 :

2. Les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 février 2017, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont, par suite, irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2017 :

3. M. A... et autre ne contestent pas l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2017 retenue par les premiers juges en raison de leur tardiveté dès lors que cet arrêté notifié le 2 août 2017 qui comportait la mention des voies et délais de recours, était devenu définitif à la date à laquelle les requérants ont formé, le 5 août 2018, un recours gracieux lequel n'a donc pu avoir pour effet de proroger le délai de recours contentieux ouvert à l'encontre de l'arrêté contesté. Par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer les sommes mises à la charge de M. A... et autre par les titres de perception émis les 6 et 11 décembre 2017, 22 février, 25 juin, 11, 12 et 13 décembre 2018, 6 février, 1er mars et 15 mai 2019 :

4. Aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants. " L'article L. 214-2 du même code dispose que : " Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l'article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d'Etat après avis du Comité national de l'eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu'ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques compte tenu notamment de l'existence des zones et périmètres institués pour la protection de l'eau et des milieux aquatiques. / (...) ". Selon l'article L. 214-6 du code précité : " I.- Dans tous les cas, les droits des tiers sont et demeurent réservés. / II.-Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre. / III.-Les installations, ouvrages et activités qui, n'entrant pas dans le champ d'application du II, ont été soumis à compter du 4 janvier 1992, en vertu de la nomenclature prévue par l'article L. 214-2, à une obligation de déclaration ou d'autorisation à laquelle il n'a pas été satisfait, peuvent continuer à fonctionner ou se poursuivre si l'exploitant, ou, à défaut le propriétaire, a fourni à l'autorité administrative les informations prévues par l'article 41 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993, au plus tard le 31 décembre 2006. / Toutefois, s'il apparaît que le fonctionnement de ces installations et ouvrages ou la poursuite de ces activités présente un risque d'atteinte grave aux intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, l'autorité administrative peut exiger le dépôt d'une déclaration ou d'une demande d'autorisation. (...) ".

5. Le destinataire d'un ordre de versement est recevable à contester, à l'appui de son recours contre cet ordre de versement, et dans un délai de deux mois suivant la notification de ce dernier, le bien-fondé de la créance correspondante, alors même que la décision initiale constatant et liquidant cette créance est devenue définitive, comme le prévoient au demeurant, pour les dépenses de l'Etat, les articles 117 et 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 5, que M. A... et autre peuvent utilement exciper, à l'appui des conclusions dirigées contre les titres de perception en litige, de l'illégalité de l'arrêté du 27 juillet 2017 du préfet des Alpes-Maritimes, portant mise en demeure de supprimer l'ouvrage en cause, de remettre en l'état originel le vallon de Curraud et informant les requérants qu'il leur sera infligé une amende administrative pour non-respect de cette mise en demeure, d'un montant de 5 000 euros ainsi qu'une astreinte journalière de 500 euros jusqu'à la remise en état du cours d'eau après la suppression totale des ouvrages et remblais.

7. Si M. A... et autre soutiennent que l'ouvrage en béton recouvrant le cours d'eau du vallon de Curraud sur 60 mètres, d'une largeur de 3 mètres et d'une hauteur de 2,30 mètres aurait été réalisé en 1986 soit antérieurement à la loi sur l'eau, il résulte de l'instruction que convoqué à un entretien par la DDTM des Alpes-Maritimes, le 26 août 2016, M. A... a déclaré avoir réalisé cet ouvrage en 2015. Ce dernier a, en outre, signé le rapport mentionnant ses déclarations. Les autres pièces versées au dossier et notamment les expertises non contradictoires établies à la demande de M. A... et autre ne suffisent pas à établir une date de réalisation de l'ouvrage bétonné en cause d'une longueur de 60 mètres antérieure à 2015. Par suite, l'arrêté du 27 juillet 2017 n'est pas entaché d'une erreur de fait.

8. A supposer même que certains aménagements existaient avant l'entrée en vigueur de la " loi sur l'eau " de 1992, il résulte de ce qui précède que l'ouvrage bétonné de 60 mètres a été réalisé en 2015 par M. A.... Il ne peut donc utilement invoquer le bénéfice du mécanisme d'antériorité prévu à l'article L. 214-6 du code de l'environnement.

9. M. A... et autre ne peuvent utilement soutenir que les services de l'Etat sont intervenus à la demande de voisins avec qui ils sont en conflit et de ce qu'ils ne seraient pas à l'origine de l'inondation des voisins. La circonstance que la maison de ces derniers serait non conforme du fait de la construction illégale d'un sous-sol est sans incidence. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le contrôleur de la DDTM des Alpes-Maritimes aurait manqué d'impartialité en étant proche de ses voisins ou aurait commis un détournement de pouvoir par la production d'un faux.

10. Compte tenu de ses caractéristiques et notamment de ses dimensions, l'ouvrage en litige, entraîne une " modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux " au sens de l'article L. 214-1 du code de l'environnement. Il devait donc faire l'objet d'une autorisation ou d'une déclaration en application de l'article L. 214-2 du même code. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes était tenu, par l'arrêté du 27 juillet 2017, de mettre en demeure les requérants de supprimer l'ouvrage en cause.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et autre ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2017, des décisions des 13 mars 2018, 19 février 2019, 10 juillet 2019 et de la décision implicite rejetant leur recours gracieux, à la décharge de l'obligation de payer les sommes mises à leur charge par les titres de perception émis les 6 et 11 décembre 2017, 22 février 2018, 25 juin 2018, 11, 12 et 13 décembre 2018, 6 février 2019, 1er mars 2019 et 15 mai 2019.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A... et autre au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... et de la SARL A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la SARL A..., à la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- M. Prieto, Premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2023.

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N° 21MA04725

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04725
Date de la décision : 23/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

27-02-03 Eaux. - Ouvrages. - Suppression des ouvrages.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SCP GERARD GERMANI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-23;21ma04725 ?
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