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22/06/2023 | FRANCE | N°23MA00522

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 22 juin 2023, 23MA00522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2205598 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er mars 20

23, Mme B..., représentée par Me Chartier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2205598 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er mars 2023, Mme B..., représentée par Me Chartier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, lequel s'engage dans cette hypothèse à renoncer à percevoir la part contributive de l'État.

Elle soutient que :

- le préfet a omis de procéder à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Elle relève appel du jugement du 4 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., née le 20 septembre 1964, a déclaré être entrée en France le 1er juin 2012 pour rejoindre un compatriote avec lequel elle avait contracté mariage au Maroc en mai 1995. Son époux réside régulièrement en France depuis 1992 sous couvert d'une carte de résident. Leur fils né au Maroc le 22 mars 2000, a été scolarisé en France de septembre 2012 à juin 2016 et s'y maintient depuis sa majorité. La requérante produit copie de nombreuses pièces justifiant de soins reçus en France depuis le mois de juin 2012 et d'attestations certifiant sa présence en France depuis cette date. Elle occupe avec son époux, depuis le mois d'août 2013, un appartement de type T4 dont le bail a été conclu au nom des deux époux. Elle a participé de 2013 à 2016 à des ateliers d'accompagnement à l'intégration. Ne s'exprimant pas en langue française à son arrivée en France, elle a suivi des cours et a atteint un niveau suffisant pour que lui soit délivré le 22 avril 2015 un diplôme de compétence en langue en français professionnel niveau A2-1. Si elle a fait l'objet, le 16 septembre 2020, d'un arrêté préfectoral refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire qu'elle n'a pas exécuté, son fils est actuellement en situation irrégulière et elle n'établit pas être dépourvue d'autres attaches au Maroc, eu égard tant à la durée qu'aux conditions de son séjour en France, le préfet a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, alors même que Mme B... entre dans les catégories d'étrangers qui ouvrent droit au regroupement familial, il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement et de l'arrêté attaqué.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard à ses motifs, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de droit ou de fait y ferait obstacle, l'exécution du présent arrêt implique pour le préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens en fixant le délai d'exécution à un mois à compter de la notification de cet arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Chartier, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 novembre 2022 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 31 mai 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Chartier en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...,au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Chartier

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au Procureur près le tribunal judiciaire de Marseille

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé

P. D'IZARN DE VILLEFORTLe président,

Signé

P. PORTAILLa greffière,

Signé

N. JUAREZ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 23MA00522 2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00522
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-22;23ma00522 ?
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